9ème Histoire
- Nos Rendez-Vous
- L'Association
- Nos Partenaires
Publications
- Articles
- Architecture
-
François-Joseph Bélanger
-
Georges-Eugène Haussmann
-
Germain Debré et l'école de la rue Clauzel
-
L'Hôtel Bonaparte
-
L'Hôtel Cromot du Bourg
-
L'Hôtel de Mercy-Argenteau
-
L'Hôtel de Wendel
-
La Maison Chapsal
-
La Société Générale
-
La Synagogue de la Victoire
-
Laves Emaillées
-
Le 22, rue de Douai
-
Th. Gautier & Notre-Dame-de-Lorette
-
- Artistes
- Arts & Métiers
- Auteurs
- Balades dans le 9e
- Musiciens
- Personnages
- Rues, Avenues du 9e
- Théâtres, Cabarets
- Architecture
- Fiches Express
- Architecture
- Artistes
- Auteurs
- Hauts Lieux du 9e
- Profils du 9e
- Rues, Passages...
- Sites à Découvrir
- Échos du Terrain
- 2019
- 2018
-
Osiris - décembre 2018
-
Hippolyte Lebas - décembre 2018
-
Hommage à J. Fortin - novembre 2018
-
Marie Dorval - novembre 2018
-
Le Pèlerinage de Médan - octobre 2018
-
La Synagogue Buffault - octobre 2018
-
Lire les Façades - juin 2018
-
L'Abbaye de Chaalis - juin 2018
-
L'Interview Impossible - mai 2018
-
La Sauvegarde de l'Art Français - mai 2018
-
Bélanger - mai 2018
-
Visite de la BnF - mars 2018
-
Swing dans le 9e - mars 2018
-
Fécondité au XIXe - mars 2018
-
Débuts de Chopin - février 2018
-
Présence de Verlaine - février 2018
-
Orthodoxie Grecque - janvier 2018
-
Soirée "Dansante" - janvier 2018
-
- 2017
-
Cités Ouvrières du 9e - novembre 2017
-
Théâtre aux Armées - novembre 2017
-
Sièges des Compagnies de Chemin de Fer - octobre 2017
-
Jacques Decour - mai 2017
-
Charivari 2 - mai 2017
-
Patrimoine Vert du 9e - mai 2017
-
Le Phonomuseum - avril 2017
-
De Vintimille à Ballu - mars 2017
-
Pauline Viardot - mars 2017
-
Exposition Bakst - mars 2017
-
Avenue Frochot - février 2017
-
Le Musée Henner - janvier 2017
-
- 2016
-
L'Oeil de Baudelaire - novembre 2016
-
Crue Centennale - novembre 2016
-
La Presse dans le 9e au XIXe - octobre 2016
-
L'Hôtel de Guines - octobre 2016
-
Les Jardins du Luxembourg - septembre 2016
-
Le Château de Maisons - juin 2016
-
Enesco - juin 2016
-
Charivari ! - juin 2016
-
La Nouvelle Athènes - juin 2016
-
La Faculté de Pharmacie - avril 2016
-
Lire les Façades - avril 2016
-
Exposition Maignan - avril 2016
-
Les Passages - mars 2016
-
Nadia & Lili Boulanger - mars 2016
-
Visite du Sénat - février 2016
-
Attaque des Barrières d'Octroi - février 2016
-
Soirée d'Assemblée Générale - janvier 2016
-
- 2015
-
Visite des Galeries - novembre 2015
-
Musique dans le 9e Romantique - novembre 2015
-
Thomas Couture - octobre 2015
-
Boris Vian - juillet 2015
-
Jean-Baptiste Plantar - juin 2015
-
La Sculpture à l'Opéra Garnier - juin 2015
-
Le Côté Proustien de Paris - avril 2015
-
L'Hôtel de Soubise - avril 2015
-
Le Cénacle de la rue des Martyrs - mars 2015
-
Rameau & la Scène - mars 2015
-
Le Musée Roybet-Fould - février 2015
-
Soirée d'Assemblée Générale - janvier 2015
-
- 2014
Recherche

Photos
- Galeries du 9e
- Galeries de Paris
Vie Culturelle
- Musées
- Musique
- À Notre-Dame-de-Lorette
- À la Trinité
- À l'église allemande
- À la Mairie du 9e
- À proximité du 9e
- À St-Eugène
- Le Choeur François-Vercken
- Conférences
- À la Mairie du 9e
- À la BHVP
- À la Bibliothèque Chaptal
- Expos & Visites
À Découvrir
- Un Livre à Découvrir
Calendrier

Lettre d'information

Modérateur
Votre Espace Abonné

Visites
visiteurs
visiteurs en ligne

Degas l'impossible interview - III

http://www.neufhistoire.fr/data/fr-articles.xml
© A. Pingeot 2018 © 9e Histoire 2018
E. Degas - Autoportrait - 1863 - © Museu C. Gulbekian Lisbonne.
« L’impossible interview »
(3e partie)
AMIS
(Suite)
Vous amenez dans votre groupe l’Américaine Mary Cassatt, peintre et graveur qui expose au Salon dit « impressionniste », de 1879.
Mary Cassatt, Autoportrait, gouache, c.1878, © New York The Metropolitan Museum
Elle habite alors, 6 bd de Clichy - adresse déjà mentionnée de votre dernier atelier. Vous intéressez-vous à sa vie personnelle ?
D. [Elle s’est…] cassé le tibia de la jambe droite et démis l’épaule gauche. […] Pour longtemps la voilà, […] privée de sa vie active et peut-être aussi de sa cavalière passion.
Aussi écrivez-vous au comte Lepic:
D. ne pourriez-vous pas me trouver un petit griffon, pur ou non (un chien, pas une chienne) et me l’expédier ici à Paris […] la personne qui désire ce chien est Melle Cassatt, […] elle s’est adressée à moi qui suis connu pour la qualité de mes chiens et mon affection pour eux […] cette personne m’a prié de vous recommander aussi la jeunesse du petit sujet. C’est un chien jeune, tout jeune qu’il lui faut, pour qu’il l’aime.
Degas, Le comte Lepic et ses filles traversant la place de la Concorde, 1876, © Saint Petersbourg, L’Ermitage.
Si vous aviez laissée Mary Cassatt s’occuper de vous, au lieu de vous brouiller avec elle, le musée dont vous rêviez existerait sans doute. Un artiste doit être entouré dans ce genre d’entreprise. Par exemple, sans Judith Cladel, et quelques grands amis bien placés, le musée Rodin n’aurait pas vu le jour. Pourquoi ne cherchez-vous pas à lui plaire ?
Devant Durand-Ruel, vous qualifiez son Enfant devant le miroir de:
D. plus grande peinture du siècle.
Mary Cassatt, Enfant devant le miroir, 1901, h. s/ t., coll. Mr et Mrs Havemeyer, legs 1929, © New York, The Metropolitan Museum of Art.
Mais quand elle est là, ne pouvez-vous vous empêcher d’y trouver toutes ses qualités et tous ses défauts ?
D. Mais c’est l’Enfant Jésus et sa bonne anglaise !
Ce qui ne l’empêche pas de vous admirer. Cependant, elle vend à Vollard le portrait que vous avez fait d’elle - en cartomancienne !
Et surtout, elle détruit vos lettres, ce qui nous empêche de connaître une partie de vous-même.
Degas, Mary Cassatt en cartomencienne, vers 1884, © Washington, National Portrait Gallery.
Au Salon de 1879, vous admirez les premiers envois en peinture d’Albert Bartholomé, et vous devenez amis. Combien vous sont chères les soirées de la rue Bayard, dans le pavillon au fond du jardin où Mme Bartholomé, née Périe de Fleury reçoit Mary Cassatt, Jean-François Raffaelli, Georges Jeanniot, Gustave Geffroy, Joris-Karl Huysmans [ce dernier en 1883, vous donne son Art moderne avec cet envoi « A. M. Degas / ce bouquin sincère »]. Nationaliste intransigeant, vous donnez le diapason. Mais vous accusez aussi vos commensaux en leur lançant :
D. Vous serez tous de l’Institut !
Albert Bartholomé, Dans la serre, h. s/ t., c. 1881, don de la Société des Amis d’Orsay, 1990.
– ce qu’ils ne furent pas. Périe meurt de tuberculose en 1887. Pour sauver Bartholomé du désespoir, vous lui conseillez d’élever un tombeau à la défunte. Grâce à vous, le peintre Bartolomé, devient un célèbre sculpteur, que vient de ressusciter Thérèse Burollet.
D. Bartholomé a fini son grand monument funèbre, que l’Etat et la Ville de Paris lui ont acheté. Il va vivre pendant quatre ans au Père-Lachaise, à l’exécuter.
Le malheureux a été de plus décoré, ce qui l’a moins gêné que moi. Quand on a des commandes de l’État, il faut bien en recevoir le timbre.
Bartholomé, Monument aux morts qui n’ont pas de tombeaux, Paris, Père Lachaise.
Quelle expédition vous avez faite avec lui en Bourgogne, à l’automne 1890, dans un cabriolet attelé d’un cheval blanc !
D. Si j’ai été le fou qui a pensé ce voyage, Bartholomé est le sage qui va finir par l’exécuter.
Le remariage en 1901 de votre ami, veuf depuis quatorze ans, avec la jeune modèle, Florence Letessier, vous prive de son exclusivité. Vous acceptez cependant d’être son témoin.
En 1879, Camille Pissarro vous présente Paul Gauguin, cet « amateur » qui prend le pouvoir à la 7e exposition « impressionniste » en 1882, où vous vous abstenez d’exposer. Tout vous oppose : le 16 novembre 1889, du Pouldu : « Quant à Degas, je ne m’en occupe guère et je ne vais pas passer ma vie à poncer un pouce pendant 5 séances d’après un modèle » déclare Gauguin à Emile Schuffenecker.
Mais l’admiration est réciproque :
Gauguin, La belle Angèle, 1889, © musée d’Orsay.
Vous achetez son portrait de La belle Angèle à l’hôtel Drouot, pour lui permettre de partir pour l’Océanie.
À un jeune homme qui vous demande de lui expliquer ses tableaux, que répondez- vous ?
D. Voyez-vous […] Gauguin, c’est le Loup maigre, sans collier.
Jean-François Raffaëlli « fait partie de votre suite ». Vous l’imposez au groupe. Que lui écrivez-vous en 1882 ?
D. je vis, paraît-il d’ironie […]. Faites donc de moi l’être que vous voudrez pourvu que j’y voie encore un peu pendant dix ans, que je touche à de l’art tant souhaité, que je me résume tout en me développant, que je n’aille pas à l’hôpital, que j’aime mes amis et que j’en sois aimé, que je laisse une petite trace de moi et quelques milliers de dessins à cataloguer.
Vous lui reprochez deux articles en 1884 : « La création d’un musée des photographies » et « Un musée des estampes au Louvre ». Selon Henri Loyrette, « cette volonté d’art pour tous [vous] horripilait ».
Anonyme, Le peintre Forain et sa femme se regardant dans la glace dans l’atelier de Geoffroy de Ruillé, 1891.
Jean-Louis Forain vous doit la fortune d’être rangé parmi les « avancés » - méchanceté de Jacques-Emile Blanche. Etes-vous dupe ?
D. Forain peint avec ses mains dans mes poches. Il me tient encore par le pan de l’habit, mais il ira loin, s’il le lâche.
Madeleine Zillhardt rapporte votre méchant mot :
D. je rêvais de conquérir Paris, d’y être accueilli et compris par une élite, puis, j’y fus admiré par Paulin.
Elle ajoute que le sculpteur Paul Paulin n’en fut pas blessé. Il ne croît pas vos compliments sur les bustes qu’il expose au Salon :
D. Mais je parle sérieusement et si vous en voulez la preuve, je suis prêt à poser pour vous s’il vous prend fantaisie de faire mon buste.
Paul Paulin, Edgar Degas à cinquante ans, buste bronze fondu à cire perdue par A. A. Hébrard, LUX 259 ; RF 2758. C’est celui à l’âge de 72 qui est présenté dans l’exposition.
Ce premier buste à l’âge de 50 ans, entre au musée du Luxembourg en 1909… Avant vos peintures ! Vos pastels sont entrés plus tôt grâce au legs Caillebotte en 1894, accroché en 1896.
De 1883 à 1890, Henri de Toulouse-Lautrec est influencé par vos pastels - ce que blâme Suzanne Valadon : « Je trouve qu’il s’habille un peu dans vos vêtements… »
D. En les faisant remettre à sa taille !
Visitant son exposition chez Joyant, en 1893, vous feignez de ne le découvrir qu’en partant ; saurez-vous combler son attente ?
D. Ça, Lautrec, on voit que vous êtes du bâtiment !
Quelle est votre appréciation définitive ?
D. Ce garçon a le génie du dessin !
YEUX
Est-elle juste cette remarque d’Halévy : « Toute l’occupation de votre vie se trouvait dans le butin de vos regards » ?
D. j’aime l’omnibus. On peut regarder les gens. On est fait pour se regarder les uns les autres, quoi ?
À Évariste de Valernes, en 1893 :
D. Vous me verrez sur les yeux un appareil assez lugubre. On tente de m’améliorer la vue en masquant l’œil droit et en laissant le gauche ne voir que par une fente. Tout va bien, encore assez bien pour circuler, mais je ne puis m’y faire pour travailler.
À Alexis Rouart, le 21 août 1908 :
D. On sera bientôt un aveugle. Là où il n’y a pas de poisson il ne faut pas faire le pêcheur. Et moi qui veux faire le sculpteur.
FEMMES
Le peintre Berthe Morisot écrit à sa sœur Edma en 1869 :
Photographie de Berthe Morisot Internet
M. Degas « m’a parlé de toi l’autre soir ; il te trouve très étrange ; d’après plusieurs choses qu’il m’a dites sur ton compte, je le juge assez observateur. […]. Il est venu s’asseoir auprès de moi prétendant qu’il allait me faire la cour, mais cette cour s’est bornée à un long commentaire du proverbe de Salomon : « La femme est la désolation du Juste ».
D. Ah ! ah ! les femmes ne me pardonnent pas ça ; elles me détestent, elles sentent que je les désarme. Je les montre, sans leur coquetterie, à l’état de bête qui se nettoient !
Degas, Femme sortant du bain, (L. 423, localisation inconnue) photographie, Fonds Fevre, Paris, M’O.
Jeanniot vous répond : - Vous croyez qu’elles ne vous aiment pas ?
D. J’en suis sûr : elles sentent que je suis l’ennemi. Heureusement, car si elles m’aimaient, je serais fini !
Pour Françoise Cachin « Ce qui [vous] intéresse le plus dans un corps de femme (…) c’est bien ce qu’on ne [vous] pardonne pas : l’animalité ».
D. J’ai peut-être trop considéré la femme comme un animal.
Pour Paul Valéry vous vous acharnez « à reconstruire l’animal féminin spécialisé, esclave de la danse, ou de l’empois, ou du trottoir ». Ce ne sont pas vos aphorismes des années 1890 qui vont vous disculper.
En 1891 :
D. Le principal charme des femmes est de savoir écouter.
Et en 1893 :
D. Les femmes ont du bon, quand nous ne valons plus rien.
MÉTHODE
Vers 1865, la montée du « réalisme » est propagée au café Guerbois par le romancier et critique Edmond Duranty dont vous faites le magnifique portrait de Glasgow.
Degas, Edmond Duranty, Glasgow, 1879, coll. Burrell.
En 1876, Duranty publie La Nouvelle Peinture : à propos du groupe d’artistes qui expose dans les galeries Durand-Ruel, suggèrant de « créer des images de la vie moderne en tenant compte des acquis de la science ».
Vous l’exprimez autrement :
D. Le secret, c’est de suivre les avis que les maîtres vous donnent par leurs œuvres mais en faisant autre chose que ce qu’ils ont fait.
Votre passion de collectionneur en témoigne - votre « centre de gravité » comme l’écrit Anne Roquebert, étant Ingres (20 peintures, 88 dessins) et Delacroix (13 tableaux). Par quel moyen ?
Degas, Autoportrait, photographie
D. le travail n’est-il pas le seul bien qu’on puisse posséder quand on en a envie ?
D. Toutes les belles choses ne sont-elles pas faites de renoncement ? On ne fait bien qu’en se résumant, et on ne peut se résumer qu’en voyant peu.
Vous voilà appuyé à l’atelier de Bartholomé (que vous appelez le lieu humide) ; est-ce l’illustration de l’annonce que vous faisiez dès 1872 au peintre danois Lorentz Frölich ?
D. L’art ne s’élargit pas, il se résume. Et, si vous aimez les comparaisons à tout prix, je vous dirai que pour produire de bons fruits, il faut se mettre en espalier. On reste là toute sa vie, les bras étendus, la bouche ouverte pour s’assimiler ce qui passe, ce qui est autour de vous et en vivre.
Que répétez-vous à Mary Cassatt et à Louisine Havemeyer ?
D. L’art n’est pas spontané mais résulte de constants efforts.
Et à Moore ?
D. aucun art n’est moins spontané que le mien.
Pouvez-vous expliquer davantage ?
D. L’art est une convention… L’art c’est le vice. Qui dit art, dit artifice – l’art est malhonnête et cruel.
Ne prenez-vous pas le contrepied des Impressionnistes ?
D. [Ils ] ont besoin d’une vie naturelle, moi d’une vie artificielle. Le dessin n’est pas ce que l’on voit, c’est ce qu’il faut faire voir aux autres.
Jeanne Fevre, Degas, dernière photographie c. 1915, SAMO prov. Fevre.
Ne vous posez-vous pas les mêmes questions que Gauguin peignant en 1897-98 D’où venons-nous / Que sommes-nous / Où allons-nous ?
D. Au fond nous ne savons rien, ni d’où nous venons, ni où nous allons ; alors, pourquoi chercher à élucider un mystère que personne n’est encore arrivé à percer, parce que de toute évidence il est impénétrable ?
Nous n’avons pas pénétré le vôtre. Il nous reste vos œuvres.
Chapelle Degas, Paris, Cimetière Montmartre.
Vous serez inhumé dans le caveau de famille, cimetière Montmartre. Vous aviez dit : « Je ne veux pas de discours » Puis :
D. Si ! Forain, vous en ferez un, vous direz : « Il aimait bien le dessin ! »
Il n’y eut pas de discours.
Vous devez excuser le mien.
Anne PINGEOT
© A. Pingeot 2018 © 9e Histoire 2018
Catégorie : Publications de 9ème Histoire - Articles-Artistes
Page lue 303 fois