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Le Pont-Neuf la nuit 1935 - 1939
ALBERT MARQUET
Peintre du Temps Suspendu
Peintre qualifié d’inclassable, Albert Marquet fait actuellement l’objet d’une rétrospective au Musée d’Art Moderne.
Il est né à Bordeaux en 1875, dans une famille modeste ; ses qualités de dessinateur n’échappent pas à sa mère qui n’hésite pas à monter à Paris lorsque son fils a quinze ans pour l’emmener suivre des cours à l’École nationale des Arts Décoratifs, puis aux Beaux-Arts.
En 1894, il entre dans l’atelier de Gustave Moreau où il rencontre Georges Rouault et Henri Matisse avec lequel il noue une profonde amitié qui durera jusqu’à la fin de sa vie. Après la mort de Gustave Moreau il poursuit ses études à l’Académie Julian aux côtés de Derain.
Passionné par l’eau, les fleuves et la mer, il va occuper une série de chambres et d’ateliers donnant sur la Seine. Il s’installe d’abord Quai de la Tournelle, puis Quai des Grands-Augustins, Quai du Louvre et Quai Saint-Michel, dans l’ancien atelier de Matisse et enfin rue Dauphine et c’est depuis les fenêtres de ses ateliers successifs qu’il peindra de façon quasi obsessionnelle la Seine, l’activité sur le fleuve, les quais, les ponts et Notre-Dame. A ses débuts, il peint également, en compagnie de son ami Matisse, dans les jardins du Luxembourg et à Arcueil.
Jour de pluie à Notre-Dame-de-Paris Vue de Notre-Dame-de-Paris sous la neige - 1928
A partir de 1906, il se met à voyager, d’abord en France, aux côtés de Dufy, il peint au Havre, à Fécamp, Dieppe et Trouville avant de rejoindre Marseille puis partir pour l’étranger. Il visite Naples, Hambourg, Berlin, Dresde, Tanger et Séville. La grande crue de 1910 lui donne l’occasion de peindre à nouveau la Seine dans des circonstances particulières.
Réformé, il ne prend pas part à la 1ère Guerre mondiale mais il soutient par des ventes caritatives les victimes de guerre et ses amis artistes partis sur le front. Frappé par la grippe espagnole, il décide, pour mieux se soigner dans un climat plus clément, d’effectuer un voyage en Algérie qui sera suivi de nombreux autres ; c’est là qu’il rencontre Marcelle Martinet, sa future femme et c’est également là qu’il passe une partie de la 2e Guerre mondiale après avoir été obligé de quitter Paris pour avoir signé une pétition d’artistes et d’intellectuels contre le nazisme et avoir refusé d’exposer ses tableaux au Salon des Tuileries, en 1941, lorsqu’on exige de lui un certificat de « non-appartenance à la race juive ».
Après la guerre il refuse tous les honneurs (entrée à l’Institut, Légion d’Honneur). Il meurt en 1947.
Si on le compare à la plupart des peintres qui lui sont contemporains, Marquet peut être considéré comme un grand voyageur mais il ne représente que très rarement dans ses œuvres la nature ou l’exotisme des pays traversés. Ce qui l’intéresse le plus c’est l’eau, la mer, les fleuves, les ports qu’il peint toute sa vie durant.
L’exposition du MAM qui est, à la fois, thématique et chronologique, montre les débuts très académiques de Marquet : dessin ou peinture d’un nu, d’après modèle, en atelier. Un des premiers tableaux exposé montre un nu dit « nu fauve », réalisé en 1898 ; le traitement est académique mais les couleurs sont vives et préfigurent le fauvisme (qui, chez lui, ne durera que peu de temps). Même s’il est au fait des courants artistiques de son époque (post-impressionnisme, fauvisme, influence japonaise) comme le montrent certains de ses tableaux, il conserve toujours son indépendance et un style très personnel.
Nu Fauve - 1898
Matisse en haut de forme - 1900 encre de chine La charrette à bras - 1904 encre de chine
Après ses débuts académiques en atelier, Marquet se met à pratiquer le dessin et la caricature (utilisant le crayon, l’encre de Chine, le fusain et le pastel) ; il représente toute une série de petits personnages (qu’il croque d’un trait minimaliste) et de scènes de rue. Avec une économie de moyens, un simple zigzag ou un triangle, il réussit à représenter le visage d’une femme ou la silhouette d’un homme au travail, de manière époustouflante.
Vers la même époque, suite à la visite d’un bordel de Marseille, il réalise une série de dessins et de peintures érotiques dont certains sont présents dans l’exposition (« Les deux Amies » 1911) avant de regagner la capitale où il se remet à peindre frénétiquement la Seine souvent plongée dans une sorte de grisaille, avec ses grues, ses remorqueurs et leurs fumées, ses péniches, ses lavoirs et ses bains aujourd’hui disparus. Les quais grouillent d’activité avec les débardeurs, les passants qu’il représente, en vue plongeante, depuis la fenêtre de ses ateliers surplombant le fleuve. Le temps est le plus souvent gris, neigeux ce qui donne aux tableaux une impression cotonneuse, les bruits semblant étouffés malgré l’intense activité qui règne aux alentours.
Les deux amies 1911 La Seine à Paris - 1907
De même, il est attiré par les rivières de la région parisienne avec leurs rives bordées d’arbres qui se reflètent dans l’eau et par les bords de mer (mais il ne s’agit plus de plages avec leurs tentes et leurs affiches comme au temps de Dufy). Lorsqu’il est à Alger c’est à nouveau le port qui l’intéresse ; il y a bien une mosquée sur le tableau mais elle ne semble pas avoir d’importance.
La Seine à Poissy - 1908
L’exposition se termine sur des toiles peintes depuis la fenêtre de sa maison, parfois la fenêtre elle-même y figure et sert de cadre à la scène.
Fenêtre sur la baie d'Alger - 1943
Marquet, un peintre un peu oublié et qui pourtant, de son vivant, a connu un énorme succès en France comme à l’étranger (Etats-Unis, U.R.S.S.) ; n’appartenant à aucune école, on a peu l’occasion de voir ses tableaux, il faut donc profiter de cette rétrospective pour mieux le connaître avant que l’exposition ne parte pour la Russie.
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Musée d'Art Moderne
11, avenue du Président Wilson
75116 Paris
Exposition jusqu’au 21 août 2016
Tous les jours de 10 h à 18 h
SAUF le lundi
Hélène TANNENBAUM
Claude Monet: Sur les planches de Trouville, l'hôtel des Roches Noires 1870
L’ATELIER EN PLEIN AIR
Les Impressionnistes en Normandie
Ces dernières années, le Musée Jacquemart-André, installé dans l’hôtel particulier que le couple Édouard André et Nélie Jacquemart avaient fait construire à la fin du XIXe et dont la collection permanente abrite essentiellement des peintures (françaises, italiennes mais aussi hollandaises et flamandes), des sculptures, du mobilier et des objets d’art, nous avait habitué à des expositions temporaires portant essentiellement sur des artistes ayant vécu entre le XVe et le XVIIIe et très peu au XIXe et début du XXe siècle. Deux exceptions marquantes cependant : en 2011, une exposition « Caillebotte » qui réunissait les deux frères Caillebotte, Gustave, le peintre (1848-1894) et Martial, le photographe (1853-1910) juxtaposant, de façon très judicieuse, leurs œuvres et, en 2013, une exposition « Eugène Boudin »(1824-1898).
Ce printemps et jusqu’au 25 juillet, retour sur la période impressionniste avec une exposition intitulée « L’Atelier en Plein Air- Les Impressionnistes en Normandie » qui accueille des précurseurs de l’impressionnisme, des impressionnistes et certains de leurs successeurs ; les tableaux sont issus d’institutions françaises et étrangères et de collections particulières.
Dès le début du XIXe, la peinture en plein air est à nouveau prisée. Ce sont d’abord les Anglais, William Turner (1775-1851) et Richard Bonington (1802-1825) (dont on voit quelques œuvres au début de l’exposition) qui se mettent à voyager sur le continent et réalisent de nombreuses aquarelles des paysages qu’ils traversent. Les deux principales capitales artistiques de l’époque étaient Paris et Londres et grâce au développement des transports maritimes puis plus tard des transports ferroviaires, les artistes passent fréquemment de la Grande-Bretagne au continent et vice-versa. Les peintres anglais ne peuvent échapper au voyage en Italie indispensable pour parfaire leur éducation artistique mais désormais ce voyage passe par la Normandie située à mi-chemin entre les deux capitales et où ils s’arrêtent longuement.
Turner - Lillebonne vers 1823
Plusieurs facteurs expliquent cette attirance pour la Normandie: cette région présente une grande variété de paysages (champêtres, côtiers, portuaires…), d’incessants changements de lumière, des variations atmosphériques constantes et un intérêt architectural certain. Par ailleurs, le début du XXe voit l’essor des stations balnéaires sur la côte normande et la côte d’Opale qui deviennent très à la mode et dont l’accessibilité est rendue plus aisée grâce au développement des transports en commun.
A partir du milieu du XIXe, près de Honfleur, l’auberge Saint-Siméon, tenue par la mère Toutain, réunit un grand nombre d’artistes (des musiciens, des écrivains mais surtout des peintres). Ce sont d’abord Courbet et Daubigny qui y séjournent ; Boudin, natif de Honfleur y vient en voisin et fait venir Jongkind, Monet et Bazille. Ils apprécient tous la convivialité du lieu, la bonne chère à des prix modérés et surtout la proximité de paysages et des conditions atmosphériques qui les inspirent. Ils se retrouvent à l’auberge, parlent de leur conception d’un art nouveau et peignent côte à côte.
Eugène Boudin - Scènes de plage à Trouville Auguste Renoir - La cueillette des moules à Berneval
Pas question de « mixité sociale » dans les tableaux exposés à Jacquemart-André, mais toutes les classes sociales sont représentées ; d’abord, nous voyons des fermes avec des paysans travaillant dans les champs, des paysages de bord de mer avec des marins et des pêcheurs et des plages avec des femmes ramassant des coquillages ; mais bientôt ces classes modestes font place à la bourgeoisie venue de Paris ou d’Angleterre, attirée par le bon air, les théories hygiénistes des bains de mer et le besoin d’être vu là où il faut être. Avec l’afflux de cette société fortunée, les tableaux des peintres changent, montrant des stations balnéaires en pleine mutation : Boudin peint la bonne société « tenant salon » sur la plage de Trouville où des planches viennent d’être installées pour permettre aux élégantes Parisiennes de Monet de se promener jusqu’aux Roches Noires. Le nouvel hippodrome de Deauville attire Degas qu’on ne peut pourtant pas qualifier de peintre de plein air ; les casinos, les kiosques à musique et les salles de spectacles se multiplient et changent le paysage de ces petites stations normandes. Mais bien plus que ces personnes issues de classes sociales différentes, ce que les peintres sont venus chercher et peindre en Normandie, ce sont surtout ces paysages battus par les vents, ces falaises avec leurs échancrures, ces immenses étendues de sable à marée basse, ces côtes semi-sauvages et ces ciels changeant à longueur de journée. Déjà avant Monet, plusieurs artistes dont Courbet avaient développé le procédé des séries et avaient peint le même motif, à plusieurs heures de la journée, par différents climats ou en différentes saisons.
Monet - Etretat la porte d'Aval: Bateaux de pêche sortant du port. 1885
Dans l’avant-dernière salle de l’exposition, on découvre deux tableaux de Monet réunis pour la première fois (l’un venu d’un musée de Bucarest, l’autre d’une collection privée), peints dans la première partie de sa carrière « Barques de pêche, Honfleur » (1866) qu’on aurait volontiers attribués à un peintre fauve si on n’avait pas lu le cartel.
On quitte l’exposition avec regret, désolés de n’avoir pas vu plus de tableaux de cette région qui inspira tant les peintres du XIXe Pour satisfaire ce manque, on peut toujours se rendre en Normandie, jusqu’à la fin du mois de septembre, pour admirer les toiles exposées dans le cadre du troisième Festival Normandie Impressionniste (« Caillebotte », puis « Sorolla » à Giverny, « Boudin » au Havre, et d’autres artistes à Rouen, Caen…).
Berthe Morisot - l'entrée du port de Cherbourg 1871 Paul Gauguin - le port de Dieppe 1885
Claude Monet - Barques de pêche à Honfleur 1866
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Musée Jacquemart-André
158, Boulevard Haussmann
75008 Paris
Exposition jusqu’au 25 Juillet 2016
Tous les jours de 10 h à 18 h
Hélène TANNENBAUM
UN PANORAMA AU LOUVRE !
Si vous allez vous promener du côté du Louvre et que vous pénétrez dans la Cour carrée, exemple d’architecture classique s’il en est, vous ne manquerez pas d’être étonné par une structure curieuse qui recouvre son bassin central. Il s’agit d’une installation créée par Eva Jospin, la fille d’un certain premier ministre, sobrement appelée « Panorama ».
Un pavillon octogonal sur pilotis est en effet édifié ici depuis quelques jours. Il est constitué de panneaux plaqués d’acier poli qui reflètent à l’extérieur les façades du Palais du Louvre. L’effet optique est certes intéressant mais le plus original est d’emprunter le pan incliné courbe qui mène à l’intérieur. On arrive alors, après un rapide cheminement dans l’obscurité, à un espace circulaire qui nous transporte ailleurs : une représentation à 360 degrés d’un paysage de forêt pétrifiée qui emprisonne littéralement le spectateur !
L’illusion est assez réussie avec une technique que l’artiste expérimente depuis une dizaine d’années. Il s’agit d’un travail à partir de cartons d’emballage recyclés, découpés en plus ou moins larges morceaux, creusés, entrelacés, collés, et de couleur brunâtre, qui font ainsi apparaitre des troncs d’arbres serrés les uns contre les autres, des racines sortant du sol ou des buissons touffus. L’ensemble donne une impression de profondeur assez troublante que renforce un éclairage à dominante jaune.
Le procédé rappelle le principe même des Panoramas créés en toute fin du XVIIIe siècle où dans des rotondes construites à cet effet, le spectateur pouvait contempler un paysage panoramique sur de grandes toiles peintes. Le peintre Pierre Prévost se fit une spécialité de ce type de peinture en reproduisant différents paysages avec une grande précision. William James Thayer ayant racheté le brevet d’exploitation de ces Panoramas pour la France, et propriétaire du Passage des Panoramas sur les Boulevards, fit ainsi construire en 1799 deux rotondes de part et d’autre, comme nous l’a notamment expliqué Aline Boutillon lors de sa visite dans les Passages en mars dernier.
Pierre Prévost en fut donc l’illustrateur avec ceux sur Paris, Rome, Athènes, Boulogne, etc.
Rotondes du passage des panoramas Panorama de Constantinople de Pierre Prévost
Le Louvre possède d’ailleurs la toile préliminaire de celui sur Constantinople que le peintre ne put achever avant sa mort en 1823.
C’est donc une sorte de clin d’œil au passé qu’a réalisé Eva Jospin avec ce Panorama du XXIe siècle ! Mais ici dans cette rotonde, point de toile peinte chargée de détails, mais une construction en carton à la fois savante et sobre permettant une belle illusion visuelle.
On devine aussi une démarche conceptuelle opposant le minéral au végétal dans cette confrontation entre la pierre des façades du Louvre se reflétant sur les parois extérieures de la rotonde et la forêt originelle recréée à l’intérieur, sorte de retour dans le temps en quelque sorte !
Panorama d'Eva Jospin
Le Louvre a voulu également par cette installation faire un écho (lointain cependant !) à l’exposition qui se tient dans ses murs, consacrée à Hubert Robert, peintre visionnaire du XVIIIe siècle, spécialisé dans les ruines et les paysages.
En visitant ce site éphémère, libre à chacun de méditer face à cette nature immobile… ou de prendre des « selfies », succombant ainsi à cette mode éminemment narcissique qui envahit aujourd’hui les sites touristiques !
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Cour Carrée du Louvre
Accès Libre
Exposition jusqu’au 28 Août 2016
Tous les jours de 10 h à 18 h
SAUF le mardi
Emmanuel FOUQUET
GEORGE DESVALLIÈRES - LA PEINTURE CORPS ET ÂME
La Grèce (Childe Harold) - 1910
Une Rétrospective Desvallières (1861-1950), peintre méconnu, se tient actuellement au Petit Palais. Elle nous permet de découvrir ou redécouvrir un peintre dont la vie et l’œuvre ont évolué parallèlement et ont connu de multiples facettes.
George Desvallières est né à Paris, rue Saint-Marc, en 1861; il a grandi dans un milieu bourgeois et cultivé (ses grand-parent et arrière grand-parent, les Legouvé, étaient des académiciens) et a côtoyé, dès son plus jeune âge, les artistes que fréquentait sa famille.
Constatant les dons de son petit-fils George pour le dessin, Ernest Legouvé le confia à Jules-Elie Delaunay pour parfaire ses connaissances, puis il eut pour maître Gustave Moreau. Il fit un bref séjour à l’École des Beaux-Arts, dans l’atelier de Cabanel avant de s’installer dans son propre atelier, rue Saint-Marc, dans l’immeuble familial et d’avoir, ensuite, un deuxième atelier, rue de la Rochefoucauld, dans le 9e arrondissement, juste à côté de celui de Gustave Moreau. (Après la création du musée Gustave Moreau, il prit la succession de Georges Rouault, en 1929, au poste de conservateur du musée).
Il manifesta très vite son indépendance vis-à-vis de sa formation classique. Le peintre profane qu’il était à ses débuts s’intéressa, lors d’un voyage à Londres en 1903, aux nuits cosmopolites de la capitale britannique puis à celles de Montmartre et en fit quelques tableaux qui rappellent parfois le style d’un Toulouse-Lautrec ou d’un Degas ; par ces œuvres c’est un regard non complaisant mais critique, révélant une inquiétude morale, qu’il posait sur la société.
G. Desvallières Autoportrait 1891 Madame Pascal Blanchard 1903
Il participa à la fondation du Salon d’Automne (1903) qui se tint d’abord au Petit Palais avant de s’installer au Grand Palais et il fut nommé président de la section peinture. Toute sa vie, il soutint des artistes comme Toulouse-Lautrec, Renoir, Rodin, puis les artistes d’avant-garde, les fauves et les cubistes. Dès les premières années du XXe s il fréquenta Georges Rouault, de dix ans son cadet, et Maurice Denis et subit l’influence de Léon Bloy.
En 1904, lors d’une visite à Notre-Dame-des-Victoires, il eut une révélation de la foi chrétienne et à partir de là son oeuvre subit de profonds changements. Il se mit à peindre de plus en plus de sujets religieux tout en mêlant sa vie de famille aux représentations qu’il fit du sacré. Il peignit également de nombreux panneaux décoratifs pour des demeures privées et des décors de théâtre pour son ami et mécène Jacques Rouché.
Christ à la Colonne - 1910 Chemin de croix de l'église du St Esprit - 1935-1935
Dès le début de la guerre, il décida de mettre de côté la peinture et de s’engager ; il devint Chef du 6e Bataillon de Chasseurs à pied, dans les Vosges. Il avait alors 53 ans et il dit « Si j’en reviens, je ne ferai plus que des Saintes Vierges bleues et roses ».
George Desvallières (Debout 2e à partir de la gauche) dans son unité du 6e Chasseurs
Suite aux épreuves subies durant les longues années de guerre et la perte de son fils Daniel, âgé de 17 ans, qui mourut en 1915, fauché par un tir d’obus, il décida effectivement, à partir de 1918, d’abandonner les sujets profanes et de consacrer son œuvre à Dieu.
Aux côtés de Maurice Denis, il fonda les Ateliers d’art sacré, composés d’une communauté d’artistes chrétiens.
Au Salon d’Automne, il inaugura une section d’art religieux.
Jusqu’à sa mort, en 1950, il réalisa de nombreux tableaux pour des églises (Saint-Jean Baptiste de Pawtucket, aux Etats-Unis, Chapelle Saint-Yves à Paris et un chemin de croix pour l’église Saint-Esprit à Paris) ainsi que de nombreux cartons pour des vitraux (crypte de l’ossuaire de Douaumont).
Vitraux de l'ossuaire de Douaumont réalisés d'après les cartons de George Desvallières
Un dispositif vidéo installé vers la fin de l’exposition évoque ses grands décors religieux et commémoratifs qui ne peuvent pas figurer au Petit Palais.
Cette exposition intitulée « George Desvallières – La Peinture Corps et Âme » montre bien la juxtaposition du charnel et du spirituel omniprésente dans l’œuvre de ce peintre et révèle un très grand dessinateur.
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PETIT PALAIS
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
Exposition jusqu’au 17 Juillet 2016
Tous les jours de 10 h à 18 h
SAUF le lundi
Hélène TANNENBAUM
APOLLINAIRE, LE REGARD DU POÈTE AU MUSÉE DE L’ORANGERIE.
Marie Laurencin - Groupe d'Artistes (Picasso-Marie Laurencin-Apollinaire-Fernande Olivier)
C’est une passionnante exposition consacrée à Guillaume Apollinaire et à son univers qu’abrite jusqu’au 18 juillet le musée de l’Orangerie, dont le sujet traite des rapports du poète avec l’avant-garde artistique de l’époque.
D’origine polonaise, né à Rome en 1880 et décédé brutalement deux jours avant l’armistice de 1918, Apollinaire allait en effet fréquenter le milieu de l’art à son arrivée à Paris en 1900 (habitant une courte période dans le 9e, rue Léonie, actuelle rue Henner).
C’est cet aspect qui est particulièrement évoqué dans l’exposition où le spectateur est accueilli par le célèbre et nostalgique poème du Pont Mirabeau lu par Apollinaire lui-même, écrit au moment de sa rupture avec Marie Laurencin en 1912
Sous le Pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
…
Si sa renommée est surtout liée à ses écrits (Alcools, Calligrammes), sa fréquentation des galeries et des hauts lieux de l’art moderne comme Le Bateau-Lavoir, l’amène à rencontrer les peintres qui ont marqué durablement le XXe siècle.
La grande et réciproque amitié vouée à Picasso est d’ailleurs ici illustrée par des lettres et cartes échangées entre eux et se traduit par de nombreuses œuvres qui en témoignent. Longtemps après la mort du poète, en 1948, Picasso va ainsi réaliser, en guise d’hommage, le portrait d’Apollinaire couronné de lauriers !
Carte de Picasso à Apollinaire Vlaminck portrait d'Apollinaire Portrait d'Apollinaire par Chirico
En passant de salle en salle et en suivant un parcours thématique, le spectateur est non seulement confronté aux œuvres qui ont marqué le poète mais perçoit le lien très fort qui l’unissait à des peintres comme Derain, Vlaminck, Chirico, le Douanier Rousseau, Matisse ou encore Marie de Laurencin que ce grand amoureux rencontra en 1907 à la galerie d’Ambroise Vollard, 6 rue Laffitte et qu’elle représenta dans son grand tableau Apollinaire et ses amis (en compagnie de Picasso et Gertude Stein), conservé par Apollinaire dans son appartement du 202 boulevard Saint-Germain. Les deux amants figurent aussi sur le célèbre tableau du Douanier Rousseau Le poète et sa muse peint en 1908.
Marie Laurencin: Apollinaire et ses amis
Le poète est l’objet d’ailleurs de nombreux portraits ou tableaux de la part de ses amis comme ceux de Matisse, ou celui très énigmatique de Chirico peint en 1914…
L’auteur des ô combien lyriques Poèmes à Lou (nom donné à une de ses relations amoureuses) fut aussi un théoricien de l’art moderne ainsi que le montre son ouvrage paru en 1913 sur les Peintres cubistes, Méditations esthétiques où il évoque les peintres de ce mouvement, et que l’exposition illustre ici avec des œuvres de Braque et bien sûr de Picasso.
Créateur de la revue Les Soirées de Paris en 1911, le poète s’emploie alors à soutenir les artistes de cette démarche artistique, ce qui ne l’empêche cependant pas de se montrer enthousiaste vis-à-vis d’autres courants, du fauvisme à l’orphisme (terme créé par Apollinaire lui-même en référence au mythe d’Orphée pour évoquer un mouvement dérivé du cubisme privilégiant l’harmonie des couleurs entre elles et qu’illustra particulièrement Delaunay, comme on peut aussi le voir là). Guillaume Apolinaire fut d'ailleurs séduit également par le jeune Marc Chagall par ce qu'il avait de primitif et qu'il encouragea à son arrivée à Paris en 1911. Chagall et Delaunay étaient en effet tous deux partisans de cette "peinture pure" aux couleurs vives et transparentes, qui caractérisait l'orphisme.
Robert Delaunay: Hommage à Blériot - 1914 Marc Chagall: Paris par la fenêtre - 1913
Tous les artistes qu’il défend dans son ouvrage sont d’ailleurs passés à la postérité, pour preuve de sa perspicacité en matière picturale. Cette sorte d’intuition lui permit d’entrer en contact par ailleurs avec les esprits novateurs de l’époque, d’Alfred Jarry à Tristan Tzara en passant par Max Jacob ou André Breton (c’est même Apollinaire qui utilisera le premier le terme de surréalisme !).
Ses amitiés et ce goût de la provocation lui valent aussi de drôles d’expériences comme cette aventure rocambolesque évoquée dans l’exposition où il est pris à tort pour le voleur de La Joconde en 1911 et interné quelques jours à la Santé !
Les salles de l’Orangerie montrent également ses goûts éclectiques pour le cirque ou la danse avec notamment des œuvres de Natalia Gontcharova qui réalisa les costumes et décors pour le spectacle des ballets russes Le Coq d’or en 1914. Le poète affectionnait aussi, tout comme Picasso, les arts d’Afrique, à une époque où on n’y voyait encore que de l’exotisme.
Costumes de Natalia Gontcharova
De nombreux objets possédés par Apollinaire, assez hétéroclites, sont ainsi présentés ici et même mis en scène dans une reconstitution de son appartement du boulevard Saint-Germain.
Les écrits du poète figurent évidemment dans l’exposition, au premier rang desquels un certain nombre de ces fameux Calligrammes (dont il inventa aussi le mot) comme L’Horloge de demain, composition graphique en couleur parue en 1917.
L'Horloge de demain Calligrammes
L’exposition s’achève par l’évocation de sa relation d’amitié avec Paul Guillaume qui ouvre sa première galerie en 1914 (et dont le musée de l’Orangerie accueillera ensuite les collections dans les années 50). Il le conseille alors dans ses choix, car ils partageaient en effet tous les deux ce goût pour l’art de leur temps : Apollinaire signera un certain nombre de préfaces de catalogues des nombreuses expositions montées par le grand galériste, notamment celle confrontant Matisse et Picasso en 1918.
Ce « Regard du poète », titre de l’exposition du musée de l’Orangerie, fait donc apparaître Guillaume Apollinaire dont la devise était : « J’émerveille », comme un des acteurs centraux de la révolution esthétique qui va donner naissance à l’art moderne qu’il explicitera dans sa conférence sur « l’Esprit nouveau » en 1918.
Le Douanier Rousseau: le poète et sa muse - 1908
Une exposition fort documentée à ne pas manquer !
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MUSÉE DE L'ORANGERIE
Jardin des Tuileries
Place de la Concorde
Exposition jusqu’au 18 Juillet 2016
Tous les jours de 9 h à 18 h
SAUF le mardi
Emmanuel FOUQUET