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Soirée "Dansante" - janvier 2018


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Alain Marty (à droite) en répétition avec le ballet de l'Opéra
 


Soirée « dansante » à la mairie du 9e avec Alain Marty
 

En cette période de pluies incessantes, la salle du Conseil s’est pourtant bien remplie ce vendredi 19 janvier à la mairie du 9e pour assister, non pas à une soirée dansante, mais à une vivante et évocatrice présentation du monde de la danse tel qu’il existait il y a quelques années déjà à Paris. Dans l’assistance, outre des membres de 9ème Histoire, on pouvait noter aussi beaucoup d’anciens danseurs et danseuses venus écouter Alain Marty faire part de son itinéraire de danseur et de sa passion pour cette discipline si exigeante.
Il se trouve en effet que ce parcours personnel, aujourd’hui prolongé par une carrière de chorégraphe, se confond avec des lieux emblématiques de la danse situés dans notre arrondissement du 9
e, comme l’Opéra bien sûr, des écoles de danse, tel celui de la rue Rodier de Max Bozzoni, qui a formé Patrick Dupond ou Aurélie Dupont, actuelle directrice de la danse à l’Opéra de Paris, mais aussi le fameux studio Wacker du 67/69 de la rue de Douai, aujourd’hui disparu (remplacé d’abord par le Conservatoire municipal du 9e arrondissement puis désormais par une École de Commerce et de Gestion, avec une supérette au rez-de-chaussée).

Alain Marty, jeune danseur du sud-ouest venu du Conservatoire de Toulouse où il avait obtenu le premier prix en 1961, raconte qu’il arrive à Paris sans pouvoir rejoindre l’école de danse de l’Opéra pour cause de limite d’âge atteinte. Il s’inscrit alors en 1963 au réputé studio Wacker dont il a rencontré l’année précédente à Nice la professeur, Nora Kiss, qui a formé des générations de danseurs pendant des années.


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Nora Kiss en conversation avec Maurice Béjart au Studio Wacker
 

Alain Marty nous conte donc l’histoire de ce lieu, créé après la Révolution d’octobre 1917 en Russie, qui a vu alors l’exil de nombreux danseurs et danseuses de ce pays, venus s’installer en France. Le studio ouvre en 1923 dans les salles se trouvant au-dessus du magasin de vente de pianos de Mr Wacker dont il cède les salles d’exposition. Olga Preobrajenska en prend d’abord la direction, elle aura notamment comme élève Nina Vyroubova, devenue étoile à l’Opéra de Paris, qui sera l’Aurore de la Belle au bois dormant, dansé avec Noureev en 1961, d‘après la chorégraphie de Marius Petitpa (1818-1910). Celle-ci représente le courant russe que le grand chorégraphe, marseillais d’origine installé en Russie au milieu du XIXe siècle, a porté très haut.

Venue du célèbre theâtre Mariinsky à Saint-Petersbourg, Lioubova Egorova, (ex princesse Troubetzkoy en Russie !) en est une autre représentante, après avoir rejoint à Paris les Ballets Russes de Diaghilev.  Ses cours dans son studio du 15, rue de la Rochefoucauld ouvert en 1923 vont attirer aussi des nombreux danseurs avant et après-guerre comme Serge Peretti, premier danseur étoile à l’Opéra de Paris.

Alain Marty évoque alors en quoi le style russe, par son lyrisme emporté et sa manière de magnifier les solistes, se différencie du classicisme rigoureux de l’école française représenté par le ballet de l’Opéra. C’est ce style qui va donner une autre dimension à la danse française pendant une bonne partie du XXe siècle avec des grands artistes comme Serge Lifar puis Rudolf Noureev.


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Serge Lifar  © Photo Pic (1962) - © 2014, ProLitter                                          Rudolf Serge Noureev
 

Pour illustrer la période passée au studio Wacker, Alain Marty montre alors des extraits d’un film, Les Danseurs, tourné en 1964 avec d’abord l’interview de Nora Kiss (de son vrai nom Eléonore Eugénie Adamoff), née aussi en Russie en 1908 et décédée à Paris en 1993, célèbre professeur dont Alain Marty a été l’élève et qui a exercé ses talents rue de Douai à partir de 1938, sauf un intermède durant la guerre de 1940-44, jusqu’à la fermeture du studio Wacker en 1974. Elle était particulièrement attentive à ses élèves et à l’art du placement. Elle donnait par exemple une grande importance à la respiration au point de faire souvent chanter ses élèves pendant les exercices.

Dans le montage vidéo réalisé par Alain Marty, on peut voir Jacques Chazot évoquant la grande qualité de ce studio et de son professeur, comme le nombre d’élèves renommés qui y passèrent : Roland Petit, Jean Babilée, Maurice Béjart, Janine Charrat, Violette Verdy, Ludmilla Tcherina… C’était de fait une sorte de « marché aux esclaves » selon Serge Lifar, où les chorégraphes venaient sélectionner les futures perles de la danse.
On voit aussi ce dernier, lui aussi d’origine russe, maître incontesté de la danse néo-classique à cette même époque qui a rejoint la France en 1921 et les Ballets Russes, avant de gagner l’Opéra dont il devient le directeur de ballet en 1929. Dans cette étonnante interview celui-ci va jusqu’à encourager les danseurs de l’Opéra à aller prendre l’air au
studio Wacker pour perfectionner leur technique.  Alain Marty déplore d’ailleurs qu’aujourd’hui les danseurs de cette prestigieuse institution n’aient plus la possibilité de délocaliser leur entrainement faute de temps mais aussi peut-être faute de maîtres du niveau de leurs ainés …


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Violette Verdy & Alain Marty en répétition à l'Opéra.
 

Sur d’autres extraits de film, on peut voir Yvette Chauviré, danseuse étoile en 1941, à la carrière prestigieuse notamment dans Giselle ou Le Lac des cygnes où Serge Lifar règle pour elle en 1945 le 2e acte de façon lyrique, et qui témoigne là de l’importance pour elle aussi du studio Wacker.

Un extrait émouvant du Jeune Homme et la mort créé par Roland Petit en 1947 et dansé par Jean Babilée, est ensuite présenté. Ce danseur est décédé en 2014 qu’Alain Marty appelle le « Noureev français », par la technique qu’il invente où, en quelque sorte, un geste en entraîne un autre.  Avec son blouson de cuir, et son accent gouailleur, l’interview de Jean Babilée se moquant gentiment du studio Wacker, par l’aspect assez sordide du lieu : pas de douches, toilettes réduites à leur plus simple expression, salles de répétition souvent exigües et malodorantes, est d’ailleurs un passage plutôt drôle. Dirk Sanders, autre artiste en vogue dans les années soixante, fait d’ailleurs le même constat tout en affirmant que malgré tous ces défauts le studio Wacker était « La Mecque » des danseurs à cette époque …  


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Jean Babilée (1953)                                                                                                     Maurice Béjart
 

On peut voir enfin Maurice Béjart décédé en 2007, premier chorégraphe avec son Ballet du XXe siècle à mettre en valeur les hommes en tant que danseurs dans Le Sacre du Printemps ou Le Boléro, et qui a eu également Nora Kiss comme professeur mais aussi auparavant, toujours au studio Wacker, la nièce de celle-ci, la célèbre madame Rousanne (Rose Sarkassian) dont il disait qu’elle associait « tendresse et méchanceté subtile ».

Comme l’heure avance et qu’Alain Marty ne tient pas à parler trop de lui, il explique cependant que, choisi au même moment, en 1965, pour entrer à l’Opéra d'abord comme surnuméraire et également sélectionné dans la compagnie de Béjart, il donne sa préférence à l’Opéra où jusqu’en 1988 il interprètera sur ce plateau ou en tournée à l’étranger, souvent en soliste, des chorégraphies de Balanchine, Béjart, Petit, Noureev. Réputé pour sa technique précise et ses sauts, ce sont deux accidents successifs au genou, l’un en répétant au studio Wacker et l’autre sur scène dans l’Oiseau bleu, au Japon, qui vont interrompre son ascension de danseur.

La chorégraphie va y gagner un créateur de talent, notamment avec le festival de danse de Montauban qu’il lance où il met souvent en scène le danseur étoile Michaël Denard, et qui aujourd’hui encore, démontre la vraie capacité d’Alain Marty à rapprocher le geste et le mot, une technique classique et une thématique signifiante. Mais là c’est une autre histoire …

La salle va ensuite échanger avec notre intervenant d’un soir, montrant ainsi qu’Alain Marty possède l’art de captiver son assistance en suscitant un riche et passionné dialogue, poursuivi autour d’un verre de l’amitié.      


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Premier plan, de gauche à droite : Jean Babilée - Alain Marty - Emmanuel Fouquet
 

   

Emmanuel FOUQUET    

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© 9ème Histoire 2018


Date de création : 21/01/2018 • 16:13
Catégorie : - Echos du Terrain
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