La Chaussée d'Antin
© 9ème Histoire - 2020
Le Lycée Impérial Bonaparte en 1850. © Musée Carnavalet.
FLÂNERIE À LA CHAUSSÉE D’ANTIN
Programmée en mars dernier, et annulée en raison du confinement, cette visite conférence a pu être reprise à la rentrée. Néanmoins, en raison des restrictions sanitaires toujours en cours, le nombre de participants a dû être réduit, et deux petits groupes furent constitués, à une semaine d’intervalle, soit les samedis 26 septembre et 3 octobre.
La visite de ce quartier, né au milieu du XVIIIe siècle, a débuté avenue du Coq, en réalité une impasse privée, par une évocation du château du même nom, héritier de la grosse maison fortifiée édifiée au XIIIe siècle par une riche famille terrienne à l’origine du village des Porcherons. Acquis en 1738 par le duc d’Aumont, cédé très vite au duc de Brancas, qui le fit reconstruire, abandonné à la Révolution et tombé en ruines, ses derniers bâtiments furent rasés sous le second Empire ; la fontaine au fond de l’impasse en serait l’ultime vestige.
Le château des Porcherons . © Gallica BNF
La rue de Caumartin, empruntée ensuite, résulte de la fusion, en 1849, de trois voies créées dans les années 1770-1780 : la rue Thiroux, prolongée au nord sous le nom de Sainte-Croix d’Antin, et au sud sous celui de Caumartin, nom qui sera attribué à l’ensemble de cette rue, où plusieurs immeubles datent du dernier quart du XVIIIe siècle. Le 66 a été le dernier domicile du tragédien Édouard de Max (1869-1924) ; il a également hébergé le cabinet du fameux Docteur Petiot, tristement célèbre pour ses crimes durant l’Occupation. Le rez-de-chaussée du 71, à la belle porte sculptée de faisceaux de licteur et surmontée de palmettes, est typique de l’époque Directoire, quoique les étages soient manifestement postérieurs.
Fontaine de l'avenue du Coq (© D. Bureau) 71, rue de Caumartin (© A. Boutillon)
Un peu plus loin dans la rue, l’ancien couvent des Capucins rappelle l’époque où les habitants de ce nouveau quartier, n’ayant pas d’église paroissiale, étaient obligés d’aller à la Madeleine ou à Saint-Eustache. Afin de les satisfaire, Louis XVI avait ordonné, en 1780, la construction d’un couvent, destiné à une communauté de Capucins et dont la chapelle serait ouverte au public. Les bâtiments seront édifiés par Alexandre Brongniart dans le style néoclassique de l’époque, mais le cloître suscitera des critiques, avec son ordonnance de colonnes toscanes évoquant plutôt pour certains un décor de théâtre. A l’extérieur, un pavillon en légère saillie est édifié à chaque extrémité, celui de droite abritant le réfectoire des moines et celui de gauche la chapelle. La façade est sobre, percée de niches restées vides, les statues devant les garnir n’ayant pas eu le temps d’être réalisées avant la Révolution.
J.F. Jardinet graveur - Le cloître - 1808 © Brown University Library.
Vendu en 1792, le monastère hébergera une imprimerie et un hospice pour les vénériens et les galeux. En 1795 l’église est rendue au culte et devient paroissiale sous le vocable de Saint-Louis d’Antin. C’est ici qu’en 1800 se marieront… à minuit, Andoche Junot et Laure Permon, futurs duc et duchesse d’Abrantès, car le marié, nommé par Bonaparte commandant de la place de Paris, ne voulait pas se donner en spectacle aux badauds !
En 1822 y sera béni un autre mariage, celui d’Amantine Lucille Aurore Dupin, mieux connue comme George Sand, avec le baron Casimir Dudevant.
J.N.L. Durand - Le Lycée Bonaparte vers 1810 - © Musée de l'Education.
En 1802, le ci-devant couvent fera partie des quatre premiers lycées créés par Bonaparte et ouvrira sous le nom de Lycée de la Chaussée d’Antin. Il changera plusieurs fois de nom, au fil des différents régimes et prendra définitivement celui de Lycée Condorcet en 1883. Entre temps, en 1865, les jardins qui se trouvaient à l’arrière des bâtiments conventuels seront détruits pour agrandir le lycée vers la rue du Havre.
Le groupe entre alors dans l’église. Celle-ci ne possédait, à l’origine, aucun décor, selon le vœu des moines eux-mêmes. Ce n’est qu’en 1841, lors de sa restauration par Victor Baltard, que seront commandées la fresque du cul-de-four, œuvre d’Émile Signol dans le style byzantin en hommage à saint Louis et saint François, fondateur de l’Ordre des Frères Mineurs, ainsi que les peintures des piliers latéraux, réalisées par Jean-Louis Bézard et Sébastien Cornu. Les baies seront ornées de vitraux par Edouard Didron en 1882. Les trois du côté nord sont consacrés aux vertus théologales : la Foi, la Charité et l’Espérance.
Vitrail La Foi Vitrail La Charité Vitrail L’Espérance (3 Photos © D. Bureau)
Côté sud, deux baies, seulement, dont les verrières présentent des épisodes de l’histoire de la Vraie Croix, en référence à Saint Louis. L’orgue Cavaillé-Coll date de 1858.
Dernier souvenir, avant de quitter la rue de Caumartin, celui de la Manufacture de porcelaine de la rue Thiroux, active entre 1676 et 1806. Le groupe se dirige alors vers la rue Joubert, ouverte en 1780 sous le nom de rue Neuve des Capucins, pour voir, au numéro 20, l’ancien hôtel de l’architecte François-Joseph Bélanger, élevé en 1785 et doté à l’origine d’une riche décoration.
Plans de façade et décors intérieurs de l’hôtel de Bélanger lors de sa construction
Remanié de façon harmonieuse entre 1841 et 1850 et agrandi par une aile adjacente sur la rue de la Victoire, son aspect extérieur restitue avec bonheur l’esprit de son constructeur initial.
Façade sur la rue Joubert après remaniement (© D. Bureau) Façade sur la rue de la Victoire (© D. Bureau)
Un arrêt à l’angle de la rue de la Chaussée d’Antin permet d’évoquer le chemin boueux, surélevé en partie par le duc d’Antin, et qui devint, au XVIIIe siècle, l’une des voies les plus prisées de Paris. Le groupe s’engage ensuite dans la rue de Provence, dont l’origine remonte à l’époque préhistorique, quand la Seine, en glissant vers son lit actuel, avait laissé un bras mort, progressivement transformé en égout à ciel ouvert, puis dallé et couvert entre 1740 et 1770.
Le 61 de la rue donne accès à une des branches de la Cité d’Antin, propriété privée conçue en 1829 à l’emplacement de deux beaux hôtels, celui du duc d’Orléans Louis-Philippe, dit le Gros, et celui de son épouse morganatique, la marquise de Montesson. Ce dernier devenu plus tard la résidence de l’ambassadeur d’Autriche, le prince de Schwartzenberg, sera le théâtre d’une effroyable tragédie : le 1er juillet 1810, lors d’un bal donné à l’occasion du mariage de l’archiduchesse Marie-Louise avec Napoléon, un incendie s’était déclaré, faisant une centaine de victimes.
Dans la cour, l’immeuble n° 29, avait hébergé un bal mal famé avant d’être transformé, de 1852 à 1870, en chapelle sous le vocable de Saint-André d’Antin.
61, Cité d’Antin. A gauche : la chapelle Saint-André (© Photo Marville, site Vergue)
La « flânerie » se termine rue Lafayette, à l’angle de la rue de la Chaussée d’Antin, où une plaque de marbre commémore le drame de l’ambassade d’Autriche.
Aline Boutillon
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