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Mes héroïnes de l'Opéra

 © 9ème Histoire - 2022


Mes HÉROÏNES de l’OPÉRA
par Yves Capelle


 


Malgré la concurrence à la mairie d’une lecture presque au même moment d’extraits d’un livre légèrement libertin « Les mots et la chose » de Jean-Claude Carrière, la salle du Conseil était bien remplie ce jeudi 17 mars pour écouter l’évocation par Yves Capelle de ses héroïnes préférées d’opéra. Notre conférencier d’un soir, par ailleurs également chanteur lyrique, allait par ses connaissances nous montrer rapidement en effet qu’il appartenait aussi au monde de l’opéra dont nous sommes proches avec l‘Opéra Garnier. Son choix d’extraits musicaux en a été d’ailleurs aussi le témoignage.

C’est autour de trois grandes figures de l’opéra, appartenant à trois générations bien distinctes de la deuxième moitié du XIXe siècle, qu’Yves Capelle construit sa conférence :
Violetta tout d’abord, personnage principal de La Traviata de
Giuseppe Verdi, d’après le célèbre roman d’Alexandre Dumas, La Dame aux camélias, spectacle donné pour la première fois à la Fenice de Venise en 1853.
Carmen ensuite, héroïne de l’opéra éponyme de Georges Bizet, adapté de la nouvelle de Prosper Mérimée par Ludovic Halévy, et donné à l’Opéra-Comique en 1875.
Floria enfin dans Tosca de Giacomo Puccini, d’après la pièce de Victorien Sardou, donné en 1900 au Teatro Costanzi de Rome.

A noter d’ailleurs que les arguments de ces trois opéras sont issus d’œuvres françaises, et que leurs premières représentations ont été pour toutes les trois des échecs complets … Yves Capelle insiste également sur le fait que ces opéras ont marqué chacun une évolution musicale au cours du XIXe siècle mais ont été aussi le reflet des engagements politiques respectifs de leurs auteurs.

C’est à ce moment que notre conférencier nous fait entendre un premier extrait d’opéra pour nous mettre dans l’ambiance, ici de Rossini, avec le grand air de Semiramis, dernier opéra écrit par le compositeur en Italie avant sa venue à Paris.

Puis Yves Capelle revient sur la carrière de Verdi né en 1813 au début de l’ère romantique ; il appartenait à la même génération de grands musiciens que le furent Chopin, Liszt, Schumann, Wagner …  Carrière plutôt mal engagée avec son échec, en 1832, à l’entrée du Conservatoire de Milan ce qui restera pour lui une grande gifle, gommée dix ans plus tard par le triomphe de Nabucco et son fameux Chœur des Hébreux (Va Pensiero) qu’Yves Capelle nous fait entendre, véritable air de révolte qui marque le réveil patriotique, teinté de romantisme, de l’Italie. Le cri de ralliement des patriotes sera d’ailleurs bientôt Viva V.e.r.d.i, pour désigner Victor Emmanuel roi d’Italie ...

En revanche, son opéra La Traviata connaîtra des débuts difficiles à Venise. Le public de l’époque ne comprend pas en effet cet opéra très intimiste et pessimiste, qui rompt avec les canons de l’époque n’autorisant pas encore une vision moderne de la société. Car il s’agit d’une œuvre engagée, qui met en avant la femme comme élément déterminant du couple, et se montre très critique des mœurs de la bourgeoisie italienne, ce que même son propre père ne pourra saisir. 


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Fanny Salvini Donatelli (ca 1840) créatrice du rôle de Violetta à la Fenice  - © Wikimedia Commons
 


Notre conférencier nous confie aussi que les interprètes choisis n’étaient pas vraiment là dans leurs rôles et notamment l’héroïne principale qui aurait dû être une soprano jeune et élégante ! En bon connaisseur des modes de travail pour ces spectacles et de certaines de ses expressions, Yves Capelle nous explique alors que la répétition italienne était d’abord consacrée à la lecture du texte, l’allemande aux déplacements sur scène, la couturière à la mise au point des costumes, puis que la colonelle était l’avant-dernière répétition précédant la générale.
L’art de Verdi comme metteur en scène et grand mélodiste finira cependant par être reconnu, grâce particulièrement à la qualité et à la force des chœurs, pour faire de cet opéra un des plus joués de son répertoire. 

Il était temps de passer alors à Bizet et à son Carmen. Le compositeur né en 1838 est aussi contemporain de Saint-Saëns, Delibes, Moussorgski, etc.
 


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Carjat - 1875 - Portrait de Georges Bizet - © Wikimedia Commons.
 


Enfant du 9e pour être né et avoir d’abord habité rue de la Tour d’Auvergne puis être devenu à neuf ans élève du Conservatoire de la rue du Faubourg-Poissonnière, Georges Bizet se révèle très vite doué pour la musique, après un premier prix de piano à Paris. A peine âgé de dix-neuf ans, il obtient en 1857 le Prix de Rome. Pourtant le succès public n’est pas immédiatement au rendez-vous.
Marié en 1869 à Geneviève Halèvy, fille de son professeur de composition, il s’installe dans leur domicile familial 22, rue de Douai, mais le couple va battre assez vite de l’aile.

Ses différents opéras composés à cette période comme Le Pêcheur de perles ou l’Arlésienne ne connaissent pas le succès.  La transcription pour orchestre de ce dernier recevra cependant un meilleur accueil, comme ses musiques pour piano. Yves Capelle nous fait écouter ainsi l’Aurore tiré de ses Chants du Rhin.


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Henri Lucien Doucet - Portrait de Céleste Galli-Marié qui créa le rôle de Carmen - © Wikimedia Commons.
 

Quelques mois avant sa mort en 1875 à l’âge de trente-six ans, le compositeur va écrire un dernier opéra Carmen qui va s’avérer un triomphe mais qu’il ne connaîtra lui-même jamais …  Adapté d’une nouvelle de Mérimée, le livret est cosigné par Ludovic Halévy et Henri Meilhac. Après de multiples répétitions, la première est pourtant un désastre, le public quittant la salle aussi bien pour le côté sulfureux de l’argument mettant en scène une femme qui choisit ses amants, que pour la longueur des changements de décor ! 
La critique se déchaîne autant pour la vulgarité supposée du thème et de l’atteinte à l’ordre social qu’il représente, que pour la représentation de la mort d’une femme sur scène et enfin pour la promotion ici de la corrida, voire du tabagisme … Georges Bizet en est bouleversé et mourra d’un infarctus peu après.  L’immense succès sera donc posthume : premier opéra joué en France et le troisième au monde. Le public va en effet reconnaître alors la beauté des harmonies, la qualité des mélodies et la couleur de l’orchestration. Le côté un peu exotique d’une Espagne de pacotille séduit également mais ce sera surtout l’image de cette femme libre au milieu d’une société bien-pensante qui va prédominer.

Pour illustrer tout cela, l’air célèbre Près des remparts de Séville nous est proposé.  

Pour terminer son exposé Yves Capelle en vient au renommé opéra de Puccini, Tosca. Ce compositeur né en 1858 appartient à la génération des Janacek, Sibelius, Chausson ou encore Debussy. Son maitre sera d’abord Verdi découvert lors d’une représentation d’Aïda. Après des études musicales au Conservatoire de Milan de 1880 à 1883, ses tout premiers opéras obtiennent un succès plutôt mitigé, et il faudra attendre Manon Lescaut en 1893 pour que le public reconnaisse son talent, confirmé ensuite avec La Bohème, puis Madame Butterfly et enfin Turandot (inachevé), peu de temps avant sa mort en 1924. A noter cependant qu’à chaque fois ses audaces harmoniques ont tout d’abord pour le moins surpris. 
Un nouvel extrait sonore nous est proposé alors avec un des chœurs de Madame Butterfly.

 



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Maria Callas dans Tosca au Royal Opera Covent Garden en 1964 - © Victoria and Albert Museum Londres.
 


Yves Capelle s’attarde donc sur Tosca, un des plus grands opéras du compositeur créé en 1900, là aussi très mal accueilli lors de la première. Cette illustration donnée ici par Puccini du mouvement « vériste » important en Italie à la fin du XIXe siècle, représenté aussi par Cavalleria Rusticana de Pietro Mascagni, qui mettait en scène des personnages de la vie quotidienne, a été en effet d’abord mal reçue à Rome. Toscanini en reprenant l’œuvre à la Scala de Milan la transformera pourtant ensuite en succès. Si la toile de fond de l’œuvre est bâtie autour du sentiment patriotique, elle relate surtout un violent drame amoureux entre la malheureuse Floria et le perfide Scarpia.  

Yves Capelle ne pouvait pas manquer de nous faire alors entendre la vibrante Callas dans un de ses plus beaux rôles, ici à Covent Garden avec Tito Gobbi comme partenaire en 1964, dans le seul enregistrement vidéo disponible où malheureusement sa voix n’est plus à son meilleur. 

Puis notre conférencier nous fait part de quelques anecdotes vécues lors de représentations de cet opéra comme celle au cours de laquelle la cantatrice interprétant l’héroïne, victime sans doute d’un trou de mémoire, se traînait par terre à la recherche de la sortie que finit par lui indiquer son partenaire à l’aide d’un clin d’œil appuyé !   Une autre anecdote nous révèle que Régine Crespin jouant Floria dans la fameuse scène de l’acte II où elle doit tuer l’abominable Scarpia, n’arrive pas à trouver le couteau traînant sur la table et le poignarde donc à l’aide d’une fourchette …  
 


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Portrait de Giacomo Puccini  -  © Wikimedia Commons.
 


Yves Capelle termine alors sa brillante conférence en rappelant que cet opéra illustre parfaitement la maîtrise du compositeur par une orchestration jouant sur l’émotion comme de son grand sens de la mélodie pour illustrer ce drame tout intimiste.  Il évoque également l’aspect moderne de sa musique par son côté parfois atonal qu’on peut relever aussi chez Claude Debussy.  

Avant enfin d’échanger avec tous les participants et pour la première fois depuis deux ans (!), de partager notre traditionnel verre de l’amitié, Yves Capelle ne pouvait pas, à défaut de l’entendre chanter en personne, nous priver de la voix de l’immense ténor qu’a été Caruso, à la charnière du XIXe et XXe siècle, grâce à un de ses enregistrements historiques.
 



Emmanuel FOUQUET

 


© 9ème Histoire - 2022
 


Date de création : 21/03/2022 • 11:19
Catégorie : - Echos du Terrain
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