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Hippolyte Lebas Architecte et Professeur

© C. A. Gady © 9e Histoire - 2023

Hippolyte Le Bas (1782-1867)

architecte et professeur

Par Alexandre Gady

Si le neuvième arrondissement possède une « rue Hippolyte-Lebas » depuis 1868[1], cette figure éminente de l’architecture du XIXe siècle est sans doute un peu oublié de nos jours. Il y a à cela des raisons objectives : d’une part, Le Bas a peu bâti (il est l’homme de deux chefs-d’œuvre, l’église Notre-Dame-de-Lorette, toujours en place, et la prison de la Petite-Roquette, détruite en 1974) ; ensuite, il n’a laissé nul traité ou publication majeure qui lui aurait survécu ; enfin, ses collections d’art et ses dessins ont été immédiatement dispersées après sa mort… Pour autant, on connaît parfaitement la vie, la carrière et la personnalité de cet architecte majeur, qui a joué un grand rôle dans le Paris des années 1820-1860 : ce rapide portrait voudrait ainsi lui rendre hommage*.

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Alexandre Cabanel, Portrait d’Hippolyte Le Bas, dessin au crayon, 1864, Paris,

Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts.

Famille et formation

Hippolyte Le Bas est né à Paris en mars 1782, au couchant de l’Ancien Régime, dans une famille de la bourgeoise parisienne : son père, Alexandre, était procureur au Châtelet. Par son âge, il échappe aux atrocités révolutionnaires et aux guerres de la Première République : après des études au collège Sainte-Barbe, sur la Montagne Sainte-Geneviève, il se destine au métier d’architecte. Pour cette profession qui, à l’époque, n’est toujours pas réglementée, il bénéficie d’un appui certain : son oncle maternel n’est autre que l’architecte Antoine-Laurent-Thomas Vaudoyer (1756-1846), père d’une dynastie qui s’étirera jusqu’au milieu du XXe siècle, et que distingue son fils Léon Vaudoyer, architecte de la cathédrale de Marseille.

Grâce à cet oncle en grande réputation, dans la maison duquel il habite, rue de Savoie, Le Bas suit l’enseignement de Charles Percier un des maîtres de l’architecture néo-antique, dont l’influence ira croissante sous l’Empire. Habilement, le jeune homme profite de son service militaire pour partir à Rome dans l’armée de Joachim Murat. Ce premier séjour est complété par un deuxième trois ans plus tard, quand Le Bas obtient le second prix de Rome en 1806, derrière un illustre inconnu qui ne devait pas faire carrière, Jean-Baptiste Desdéban (1781-1833). Malgré cet échec, il obtient le droit de se rendre à la villa Médicis, récemment acquise par la France pour abriter son Académie romaine, mais sans le titre de pensionnaire. Sur le Pincio, il collabore avec Pierre-Adrien Pâris, alors directeur par intérim, architecte et archéologue savant ; auprès de lui, Le Bas dessine énormément, relève monuments et vestiges antiques, avec une prédilection déjà sensible pour les édifices de la Renaissance

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. Hippolyte Le Bas, Vue d’une porte de Civita Castellana, dessin à la plume et au lavis, début XIXe, Paris, coll. part.

Lors de son troisième et dernier séjour romain, en 1811, il prépare avec son ami François Debret une étude sur Vignole, architecte majeur du XVIe siècle italien, auteur de l’église du Gésu de Rome [2]. et de la villa Farnèse à Caprarola. Ce travail sera présenté devant l’Académie des beaux-arts en juin 1815[3].

Monsieur Le Bas, architecte

Sa solide formation, à l’école et sur le motif, ses connaissances en archéologie et en histoire de l’architecture, son réseau familial enfin, permettent à Le Bas de se lancer dans la carrière. De retour à Paris, en 1811, il se marie avec Colombe Isambert, qui lui donnera quatre enfants, dont un fils, Gabriel-Hippolyte, peintre de paysage, et une fille, Alexandrine, qui épousera en 1832 l’écrivain et journaliste Léon Halévy[4]. Le Bas est nommé cette même année « inspecteur des travaux » sur un des chantiers parisiens majeurs de l’Empire : le Palais de la Bourse d’Alexandre-Théodore Brongniart, avec lequel il se lie et dont il dessinera le tombeau en 1813

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Tombeau de Brongniart au Père-Lachaise, état actuel.

[5]. Le Bas demeure inspecteur sous son successeur, l’architecte Eloi Labarre, qui achève l’édifice en 1826.

La Restauration se révèle favorable à notre architecte. Après avoir donné des dessins en 1814 pour une chapelle expiatoire à la mémoire de Louis XVI[6], il est choisi comme inspecteur de l’édifice finalement commandé à Fontaine, son chef-d’œuvre, commencé à partir de 1815 et livré dix ans plus tard. Parallèlement, Hippolyte Le Bas est appelé à participer au jury du concours d’architecture de l’Ecole royale des Beaux-Arts dès sa fondation en 1817, et commence à y enseigner deux ans plus tard, grâce à son oncle Vaudoyer dont il co-dirige l’atelier.

Le Bas reçoit sa première commande officielle en 1822, d’esprit légitimiste : le monument commémoratif de Lamoignon de Malesherbes, malheureux avocat de Louis XVI guillotiné en 1794. Destiné au Palais de Justice, où il est placé dans la salle des Pas-perdus, ce sobre monument en marbre sera inauguré en 1829 : la statue en pied de l’avocat, œuvre de Jacques Dumont, est placée dans une niche qu’encadrent deux colonnes ioniques coiffées d’un fronton triangulaire, ensemble à la modénature impeccablement dessinée [7].

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Monument à Lamoignon, Palais de Justice de Paris, état actuel.

La consécration arrive enfin quand Le Bas remporte en 1823 le concours pour la nouvelle église Notre-Dame-de-Lorette, face à neuf concurrents. Puis, il succède en octobre 1824 à son oncle Vaudoyer comme architecte du palais de l’Institut de France, quai Conti. Enfin, son projet est choisi pour la réalisation d’une prison rue de la Roquette en 1825.

Une église romaine à Paris

Notre-Dame-de-Lorette est la première église neuve construite à Paris depuis la Révolution : à ce titre, le gouvernement de Louis XVIII en a fait un élément clef de la re-christianisation de la capitale. L’édifice, qui remplace une chapelle détruite sous la Révolution, doit occuper une place visible dans le quartier en plein essor de la Nouvelle Athènes, en bas de Montmartre. Après avoir hésité à dresser sa façade vers le carrefour de la rue des Martyrs, Le Bas place finalement son grand portail au sud ; grâce au prolongement de la rue Laffitte, la nouvelle église est ainsi mise en communication visuelle avec les Grands Boulevards. La première pierre de l’édifice est posée le 25 août 1823, jour de la Saint-Louis, par le préfet de la Seine, Chabrol, et l’archevêque Mgr de Quelen. Le chantier dure douze ans, et l’inauguration, par le préfet Rambuteau, a lieu en décembre 1836.

Le Bas a choisi un type d’édifice de « plan basilical », c’est-à-dire inspiré des basiliques paléochrétiennes, notamment Sainte-Marie Majeure de Rome, qu’il connaît bien. Abandonnant l’église-temple, du type de la Madeleine, il s’inscrit dans la tradition inaugurée à Paris par Chalgrin à Saint-Philippe-du-Roule, et qu’on voit également à l’église Saint-Louis de Saint-Germain en Laye, achevée au même moment. Dans ce système, le clocher unique, ici de plan carré, est rejeté en arrière pour ne pas nuire à l’harmonie de la façade.

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Façade principale de l’église Notre-Dame de Lorette, état actuel.

Celle-ci présente une image claire de l’organisation intérieure : au centre, le portique tétrastyle corinthien correspond à la grande nef, les portes latérales aux bas-côtés et les murs aveugles des extrémités aux chapelles.