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L'Attaque des Barrières d'Octroi

LA PRISE DES BARRIÈRES DE L'OCTROI DES QUARTIERS
NORD-OUEST
DE PARIS EN JUILLET 1789

 

C’est une soixantaine de personnes, bravant le froid, qui ont franchi mercredi soir 17 février, non pas la barrière d’octroi, mais le portail de la mairie pour écouter la très intéressante conférence donnée par Momcilo Markovic sur la prise de ces fameuses barrières au début de la Révolution.

Après quelques difficultés techniques en début de séance liées à une informatique défaillante, qui valurent à votre secrétaire général de contrôler sa bonne condition physique lors d’un aller-retour express pour rapporter un câble manquant (!), notre conférencier s’attacha à décrire le contexte de perception de cet impôt indirect, portant sur l’entrée des marchandises, généralisé dans les villes et particulièrement à Paris dans le courant du XVIIIe siècle.

Ce véritable système de douane locale qui allait perdurer jusqu’au régime de Vichy en 1943, était en effet à la fois une source de revenus non négligeable pour les communes et l’État… mais aussi pour les Fermiers Généraux eux-mêmes !    

Les marchandises étaient en effet taxées à hauteur de 10%, mais cela pouvait atteindre 50% pour les vins et spiritueux. Ce taux élevé allait provoquer de plus en plus une opposition de la population mais aussi une augmentation de la fraude. Augmentation dans des proportions telles, que les simples guérites de l’octroi allaient se transformer en pavillons, en bois ou en pierre, à l’initiative de Louis XVI et sur les conseils du grand chimiste Lavoisier, lui-même titulaire d’une charge de Fermier Général. Cela lui portera malheur puisqu’il sera exécuté sous la Terreur en 1794, avec trente autres Fermiers Généraux…

Le roi allait demander alors à Claude Nicolas Ledoux d’édifier en 1784 et 1785 une enceinte de 24 km ceinturant Paris et ses faubourgs, jalonnée de 53 barrières de taille variable, le mur des Fermiers Généraux, dotée d’un chemin de ronde et d’une large zone non ædificandi de 30 m de large, côté extérieur.

Il reste aujourd’hui quatre de ces bureaux ou barrières : celles d’Enfer (place Denfert Rochereau), du Trône  (place de la Nation), de La Villette (place de Stalingrad), de Chartres (entrée du parc Monceau). Celles-ci construites en pierre ont à la fois un caractère monumental et fonctionnel. 

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Barrières du Trône, de Chartres, de la Villette, d'Enfer.

Si le mur allait être construit plus vite dans sa partie sud, les 35 bureaux prévus dans la partie nord ne seront terminés qu’en 1790, en raison d’une grande résistance à cette taxe qui aura rapporté 21 millions de livres au total en 1784 (soit une estimation de plus d'un milliard €)!

Notre conférencier allait alors évoquer les barrières établies dans notre environnement géographique proche en montrant sur des cartes d’époque leurs emplacements. Elles étaient ici le plus souvent en bois : Clichy, Blanche, Saint-Georges, Montmartre, Buffaut, Voierie (Cadet), d’Enfer (Papillon), Sainte-Anne (faubourg Poissonnière).

Elles étaient établies sur les axes de circulation pénétrant vers le centre de la capitale et le long de l’axe transversal rue Saint-Lazare, Coquenard (Lamartine), Montholon dans l’actuel 9e arrondissement, car le mur lui même, situé sur les actuels boulevards de Clichy et de Rochechouart, avait été reculé largement au-delà de l’enceinte des Fossés Jaunes (nos actuels Grands Boulevards), alors limite du nord de Paris au début du XVIIIe siècle.

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Types de barrières prévus par Ledoux.

Momcilo Markovic évoqua particulièrement l’exemple de la rue de Bellefond situé à l’extérieur et à proximité immédiate de la barrière Sainte-Anne et de celle d’Enfer, qui ne comptait pas moins de 50 débits de boissons espacés sur quelques centaines de mètres ! Une grande tension régnait dans ces parages et nombre de personnes étaient arrêtées pour cause de délits divers et de fraudes avérées…

Notre conférencier nous commenta alors des données très intéressantes collectées aux Archives Nationales et montrant l’évolution du nombre de personnes emprisonnées à la Conciergerie les années précédant la Révolution pour cause de fraude. Ainsi en 1788, 470 personnes furent emprisonnées, soit pratiquement 40 par mois !

Momcilo Markovic nous donna également quelques exemples de condamnations, comme ce jeune homme de 16 ans condamné au fouet et à neuf ans de prison, puis, en appel, aux galères à perpétuité pour un simple vol… Le plus souvent détenir quelques décilitres d’alcool suffisait à être condamné de un à deux mois de prison.

C’est dans ce contexte de grande tension et d’exaspération que la population commença à incendier les barrières et particulièrement les barrières du nord, dès la nuit du 10 juillet 1789, plusieurs jours avant donc la prise de la Bastille par les insurgés.

Les incendies allaient se prolonger deux jours, facilités par la construction en bois principalement des bureaux.

Il est à noter que cette prise des barrières se fit sans verser de sang, la population laissant filer librement les commis des Fermiers Généraux !

L’octroi allait ensuite être un temps supprimé officiellement en 1791 mais rétabli sous le Directoire en 1798 pour renflouer les caisses à sec de la Ville !

Pendant tout le XIXe et jusqu'à près de la moitié du XXe siècle, l’octroi allait encore fonctionner, illustrant ce vers célèbre de Beaumarchais : « Le mur murant Paris rend Paris murmurant »… 
Chose en partie inexacte, car ces barrières n’existaient plus de fait dans notre quartier et le mur des Fermiers Généraux fut mis bas par Haussmann en 1860.

Une bien instructive conférence sur une période agitée de notre Histoire.

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H. Vernet: La barrière de Clichy -Défense de Paris en 1814.

                    

Emmanuel FOUQUET

     

          

   

  


Date de création : 18/02/2016 • 18:31
Catégorie : - Echos du Terrain
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Réactions à cet article


Réaction n°1 

par Symphonic92 le 02/03/2016 • 10:20
Ca fait partie de la petite histoire, peu de monde, sans doute, en avait entendu parler. Cela n'en est pas moins très intéressant.
Symphonic92