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La Cité de Trévise Revisitée

© F. R 2007-E.F 2019- © 9ème Histoire 2008-2014-2019
 



 



LA CITÉ DE TRÉVISE

 


La charmante Cité Trévise (ou Cité de Trévise comme la nomment les deux plaques de rue superposées à chaque extrémité de la voie) a été percée en 1840 à l'emplacement de l'hôtel de Margantin, construit par Lenoir en 1786. À son entrée nord, à la hauteur du n°7 de la rue d’Enfer, une « petite maison » de rendez-vous galant s’y cachait à l’époque de Louis XVI.  Rien à voir donc avec le grand garage à voitures qui y avait pris place au XXe siècle, se prolongeant sur une bonne partie de la cité Trévise, avant qu’un immeuble le remplace enfin en 1997.
 


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Plan de la Cité de Trévise  - © OpenStreetMap.

 


Plus au sud, on trouvait une vaste brasserie flamande que l’on pouvait encore voir sur le plan Maire de 1808. L'initiative du lotissement de cette cité revient à des spéculateurs et la voie est alors édifiée sur les plans de l'architecte Moll. Tout ce secteur avait été auparavant loti d’hôtels entre cour et jardin, sur des terrains mal famés en partie marécageux. Son nom est lié au souvenir du Maréchal Mortier, duc de Trévise, qui demeurait non loin, tué peu de temps auparavant, lors de l’attentat de Fieschi en 1835 contre Louis-Philippe d’Orléans.
 


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La Cité de Trévise en 1844 - © L'Illustration.
 


Ses promoteurs en vantaient les avantages en 1840 : « …quoique bâtie dans le quartier le plus fréquenté et par conséquent le plus bruyant de Paris, la cité Trévise offre, au milieu du bruit des affaires et des plaisirs, une retraite agréable aux personnes amies du calme et de la tranquillité. Des concierges en livrée et des gardiens de nuit sont chargés de l’entretien et de la surveillance. Tout, en un mot, a été ordonné et prévu pour faire de cette nouvelle cité l’une des plus coquettes et des plus confortables habitations de la capitale… À quelques pas des boulevards, au centre des hôtels, de nos principales maisons de banque et du haut commerce, cette magnifique cité établit une communication directe entre le nouveau et riche quartier de la Boule-Rouge et le faubourg Poissonnière… », argument encore presque d’actualité ! Une reproduction de L’Illustration en septembre 1844, montre d’ailleurs la petite place de la Cité de Trévise peu après son ouverture.

Assez cachée du grand public, elle est très représentative des constructions de la Monarchie de Juillet, fortement empreintes de réminiscences de la Renaissance, avec des portails aux décors floraux, comme c’était la mode à cette époque, comme au 6 de la cité.
 


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Décor floral 6 Cité de Trévise - © D. Bureau.
 


L’immeuble donnant sur la petite place côté nord, au 11bis, où aurait résidé la famille Servan Schreiber, est ainsi le plus remarquable : deux colonnes en encadrent le porche décoré de salamandres et qui soutiennent un balcon sur entablement. Les fenêtres du premier étage sont surmontées de frontons triangulaires. Celles du rez-de-chaussée, prises dans un appareil de refends, sont arrondies en plein cintre. L'angle de la maison présente un original pan coupé orné de niches avec une délicate tête sculptée de femme entourée de cornes d’abondance.
 


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11 bis Cité de TRévise - © D. Bureau.
 


Au 9, on trouve un élégant portail à têtes de lions dont l’immeuble hébergeait jusqu’à 2005 l’office du tourisme de Malte. En face le 12 abrite maintenant un centre d’accueil de femmes victimes de violences géré par le Centre d’Action Sociale Protestant, plus en prise avec les évolutions malheureuses de notre époque…
 


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Marquise du 12, Cité de Trévise - © D. Bureau.
 

Au 14, se trouvait aussi le siège de la Société des Gens de Lettres après sa fondation en 1838 par Honoré de Balzac, George Sand, Victor Hugo et Alexandre Dumas père. (Le secrétaire de Balzac, Léon Gozlan, qui habitait au 29 rue bleue en fut ensuite président avant sa mort en 1866). La SGL ira ensuite déménager en 1927 à l’Hôtel de Massa.

Au centre de la cité, se trouve un petit square fermé, planté de quatre érables sycomores, et orné d'une fontaine à vasques, sculptée par Francisque-Joseph Duret (1804-1865), et dont le fondeur s’appelait Ducel, maître de forge installé au 26, rue du Faubourg Poissonnière. Elle est directement inspirée des Trois Grâces du grand sculpteur Germain Pilon (Aglaé, la splendeur, Euphrosyne, l’allégresse, et Thalie l’abondance), monument funéraire abritant le coeur d'Henry II, décédé lors d’un tournoi en 1559. Ce monument avait été commandé en 1561 au sculpteur par Catherine de Médicis, sa veuve inconsolable, pour le couvent des Célestins à Paris (détruit à la Révolution) et exposé aujourd’hui dans le département des sculptures au Louvre.
L’ensemble, restauré, constitue un rare havre de fraicheur dans le quartier. Les trois jeunes femmes représentées sur la
fontaine, placées dos à dos, entre le bassin circulaire et la vasque supérieure, se joignent les mains et semblent esquisser une sorte de ronde dans une attitude tout à fait similaire à la statuaire de Germain Pilon.

 


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                   La fontaine de la Cité de Trévise - © D. Bureau.                                                                  Les Trois Grâces de Germain Pilon - © RMN Musée du Louvre.
 


À l’emplacement du 1, une plaque signale la naissance ici d’Anatole de la Forge, un curieux personnage. Né le 1er avril 1821 à l'emplacement de ce qui deviendra le 1, Cité Trévise, il débuta dans la diplomatie d’abord à Florence, puis à Turin et Madrid où il fut chargé de mission, ce qui lui valût la croix de chevalier de la Légion d’Honneur. En 1848, il se tourne vers le journalisme et devient l’un des principaux rédacteurs du « Siècle ». Nommé préfet de l’Aisne après septembre 1870, il y organise la résistance contre les troupes allemandes et mérite le nom de « défenseur de St Quentin ». Au Père-Lachaise, sa sépulture porte l’inscription « À la mémoire d’Anatole de la Forge, le vaillant défenseur de St Quentin, le fidèle défenseur de la démocratie ».
 


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Portrait d'Anatole de la Forge (entre 1860 et 1880)  - © BNF.
 


Candidat républicain en 1881, il est élu sénateur dans le 9en remplacement d’Émile de Girardin et vote, le plus souvent avec les radicaux, pour la liberté de presse et de réunion. Partisan de la création d’une mairie de Paris, il refuse en 1884 d’assister à Versailles aux séances du Congrès au moment d’une révision de la Constitution. C’est lui qui prend l’initiative de la motion tendant à déposer le corps de Victor Hugo au Panthéon et qui vote contre la politique coloniale et le rejet des crédits au Tonkin. Opposant farouche au Général Boulanger, il écrit de nombreux articles aussi divers que « L’instruction publique en Espagne » et « Lettres à Mgr Dupanloup à propos de la Pologne »
Un personnage intéressant à qui Paris a donné une rue… mais dans le 17e arrondissement !

Habitèrent au 2, le compositeur de « Giselle », Adolphe Adam, de 1845 à 1851, et au 3, Alexandre Dumas, qui écrivit là « Le Chevalier de Maison Rouge » et ses « Impressions de voyage » en 1847, avant de déménager en 1848 rue Richer.
 


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  Plaque rappelant le souvenir de Max Aub au 3 Cité de Trévise - © Mu.                                                                                           Archet de violon Sartory © Vichy Enchères.
 


À la même adresse, séjourna plus tard Max Aub, (1903-1972). Né à Paris, il est chassé avec ses parents au moment de la grande guerre en tant qu’allemand. Il se réfugie en Espagne, devient écrivain de langue espagnole et critique littéraire. Ami de Malraux, poursuivi au moment de la guerre d’Espagne, réfugié en France, arrêté et emprisonné, il finira sa vie au Mexique. Il aura compté quatre nationalités : allemande, française, espagnole et enfin mexicaine !
Toujours au 3 habita le grand archetier de la première moitié du XX
e siècle, Eugène Sartory, qui avait installé son premier atelier boulevard Bonne-Nouvelle.
 


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Vue générale de la partie centrale de la Cité de Trévise - © D. Bureau.
 


À l’origine fermée par des grilles et gardée, la cité de Trévise est devenue voie publique en 1983. Une partie des immeubles a été inscrite à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en 1991. Son aspect tranquille est renforcé par la limitation du stationnement depuis 2008, même si des emplacements pour motos, un peu envahissants, ont depuis pris place à chaque extrémité de la cité et si les vélos décorent les grilles du square ... Le temps a passé, la fontaine gazouille encore sur la petite place de la cité de Trévise. Les concierges en livrée ont disparu depuis longtemps. Autres temps, autres mœurs, mais le charme de cet ensemble demeure très présent.
 


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Décor floral Cité de Trévise - © D. Bureau.

 


Françoise ROBERT & Emmanuel FOUQUET
 


© F. R 2007-E.F 2019- © 9ème Histoire 2008-2014-2019


Date de création : 07/12/2019 • 09:00
Catégorie : - Rues & Promenades
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