Enquêtes Criminelles
ÉNIGMES CRIMINELLES
DANS LE PARIS D’ANTAN
Sous le pseudonyme de « Claude Izner » se cachent deux sœurs, Liliane Korb (77 ans) et Laurence Lefèvre (66 ans), qui écrivent à quatre mains depuis 2003 des énigmes policières développées dans le Paris d’antan, avec des reconstitutions exceptionnelles. Bouquinistes sur les quais, passionnées d’histoire, de bibliophilie et de musique, elles ont réalisé, outre des « polars », des courts-métrages et des spectacles audiovisuels, parfois ensemble, parfois individuellement.
Après une douzaine d’ouvrages consacrés aux enquêtes d’un libraire installé au 18 de la rue des Saints-Pères, détective à ses heures, baptisé Victor Legris, dans la capitale à la fin du XIXe siècle (1), ouvrages qui ont eu du succès dans dix-sept pays, les auteurs ont choisi de situer leurs aventures dans le Paris des Années Folles, amateur de jazz et de fox-trot, avec pour nouvel héros un jeune pianiste désargenté, nommé Jeremy Nelson. Il recherche sa parentèle (que l’on découvrira originaire d’Odessa et avec un lien avec Victor Legris) tout autant que les assassins de ses amis. Le deuxième ouvrage de cette série s’intitule « La femme au serpent » et il vient de paraître dans la collection Grands Détectives de la collection 10/18 d’Univers Poche dirigée par Jean-Claude Zylberstein.
Clin d’œil : on retrouve, en 1921, abritant ce jeune pianiste, la mansarde, « avec une superbe vue sur les toits de Paris » (équipée d’un poêle Godin avec un minuscule cabinet de toilette comportant un évier doté de l’eau courante et des « W-C sur le palier »), située au dernier étage du n° 60 de la rue Notre-Dame-de-Lorette, déjà occupée dans « La disparue du Père-Lachaise », en 1889, alors louée en « garni » par une jeune peintre très bohème (que ne gênaient pas les seaux posés sur le carrelage pour les fuites du toit par temps de pluie).
NOTRE 9e ARRONDISSEMENT EST UN SITE MAJEUR
Jeremy Nelson joue du jazz à « La Dame Blanche », prend son « petit noir » dans un bistrot de la rue La Bruyère, fréquente « les troquets de la Nouvelle Athènes », où il lit « Le Passe-Partout » (2), prend le métro station Saint-Georges ou Anvers, enquête dans la République de Montmartre (« créée sur une idée d’un dessinateur humoriste nommé Joë Bridge, elle-même née de la commune libre de Jules Depaquit »). En 1921, « les artistes, cubistes, postcubistes et peintres modernes buissonniers avaient déserté la Butte et envahi Montparnasse. Ceux qui restaient tentaient de résister au non-figuratif et à l’urbanisme avide de nouveaux terrains à bâtir ».
On passe devant le n° 54 de la rue Lepic, « où avaient vécu Vincent et Théo van Gogh ». La mort de Footitt, partenaire de Chocolat, à l’été 1921, est évoquée à propos du fameux music-hall « La Tour de Babel » rue Bergère, dont le spectacle comptait les clowns Rotule et Globule, des otaries dressées, un comique troupier, des jongleurs sur patins à roulettes, etc. La Tour de Babel est fréquentée par Tsugouharu Foujita (« qui venait de vendre un nu de Kiki de Montparnasse huit mille francs au Salon d’Automne »), Tristan Tzara (de son vrai nom Samuel Rosenstock), Jean Cocteau, Marie Laurencin,… Nous y croisons le « dandy » Maurice Ravel à la Salle des Agriculteurs (3), au 8 rue d’Athènes, le 6 décembre 1921, à l’occasion du « Concert Salade » (un mix) concocté par le pianiste-compositeur Jean Wiéner. Le « Théâtre des Deux Masques » (4) rue Fontaine fait aussi partie du décor.
Bal au Moulin Rouge par Toulouse-Lautrec
Une affiche du Moulin-Rouge, dédicacée en 1894 par Toulouse-Lautrec, fait partie de la collection d’affiches de la logeuse du 60 rue Notre-Dame-de-Lorette. On aperçoit le numéro du « Passe-Partout » de janvier 1898 avec pour gros titre en « Une » : « LE PÈRE DES ROUGON-MACQUART S’INDIGNE ». Le journal soutenait Émile Zola qui avait publié la veille, dans « L’Aurore », sous l’apostrophe « J’Accuse… ! », sa fameuse lettre au Président de la République en faveur de l’innocence du capitaine Dreyfus (« ce qui lui vaudra des poursuites judiciaires »…). Le numéro du 11 novembre 1921 nous annonce que le prix Nobel de Littérature fût décerné à Anatole France… Des événements marquants comme l’incendie des nouveaux magasins du boulevard Haussmann le 28 septembre 1921 font l’actualité.
Les ambiances de rue sont particulièrement travaillées : vendeurs ambulants de papier d’Arménie, de cirage, de bottes d’aïl, de savon minéral, ramasseurs « d’orphelins » (mégots, qui étaient très appréciés des jardiniers qui utilisaient ces restes de tabac comme insecticide), vendeurs « d’arlequins » (boulettes de restes amalgamés de viandes, légumes et poissons). Les « courts-bouillons » et les « fritures » ne sont pas oubliés.
Le IXe comptait alors un nombre important d’hôtels « baptisés d’un patronyme de province française, Le Bourgogne et Le Beaujolais flanquaient Le Lorraine, Le Bretagne s’encastrait entre une boucherie casher et Le Berry. Leur clientèle se recrutait parmi des étudiants désargentés, des débardeurs, des employés ou des manœuvres vivant toute l’année à bas prix dans des chambres au mobilier bancal ».
Une immigrée russe se souvient de son arrivée à Paris, de sa chambre de bonne au numéro 60 de la rue Notre-Dame de Lorette, de son premier atelier au fond de la cour du 36 bis rue Fontaine : « un porche étroit menait à une cour pavée. Du vigoureux acacia dressé en son milieu ne demeurait qu’un tronc couturé de cicatrices. Jadis une corde à linge nouée à l’une des fenêtres du deuxième étage s’accrochait à son mât. Les jours de vent la lessive se gonflait comme les voiles d’un navire ».
LE PARIS DU XIXe
Dans la série précédente consacrée aux enquêtes de Victor Legris, c’est le Paris du XIXe siècle qui revivait. Situé en 1889, « La disparue du Père-Lachaise » nous permet par exemple de voir s’animer la capitale. « Les becs de gaz du boulevard Saint-Michel éclairaient de leur lumière ambrée une foule affairée d’étudiants sans le sou, de professeurs sans élèves, de bohèmes de tout poil dérivant vers les terrasses des cafés où régnait la déesse du rêve et de l’oubli, l’absinthe. De là ils lorgnaient les mollets de la gent féminine qui, jupe retroussée afin de ne pas balayer la neige piétinée, partait en quête d’un dîner ou se hâtait vers le bureau des omnibus près de la fontaine monumentale.
Au numéro 1 de la place, à l’angle du quai, Le Soleil d’Or, une brasserie quelconque, attirait un flot de jeunes gens barbus à cheveux longs vêtus d’habits de coupe surannée, la cravate flottant au vent. Certains donnaient le bras à des femmes de petite vertu plâtrées de poudre de riz ».(…) Un escalier situé en retrait du comptoir plongeait vers un sous-sol décoré par Gauguin. Meublé d’un piano, de tables à tréteaux et de chaises où s’empilaient des chapeaux, le caveau empestait la pipe, le cigare, les parfums bon marché. A mesure de leur arrivée, les rapins allaient déposer des toiles contre les murs puis revenaient commander un apéritif au garçon boudeur accoudé au zinc ». Il y avait régulièrement des expositions de toiles d’élèves au « Soleil d’or » place Saint-Michel, où se réunissaient d’autre part deux samedis par mois les artistes qui collaboraient à la revue « La Plume ».
Des chocolats achetés à la « pharmacie-confiserie Debauve et Gallais » rue des Saints-Pères, un bouillon consommé rue Tholozé au « Bibulus », une gargotte à l’enseigne du « Chien qui tête », une absinthe savourée rue Fontaine au « Concert des Incohérents », brasserie appartenant à un certain Carpentier : les auteurs se sont donné du mal pour faire revivre ces lieux populaires. « Ils gagnèrent la rue des Martyrs. Au-dessus d’eux se dressaient les échafaudages du Sacré-Cœur en construction et, plus bas, les ailes du Moulin de la Galette surplombant les maisons étagées à touche-touche ». Au fil de l’intrigue, on rend hommage à Émile Gaboriau, « père du roman policier », mort en 1873 à trente-huit ans et dont le dernier domicile fût le 39 de la rue Notre-Dame-de-Lorette.
Émile Gaboriau
L’église Notre-Dame-de-Lorette, dont la façade est « trouvée laide » ( ?) par le héros, est l’occasion d’évoquer les nombreuses courtisanes qui habitaient ce quartier : « on les a baptisées d’après l’église, le nom propre est devenu commun ». Attention au « carrefour des écrasés », celui du boulevard Montmartre et du boulevard Poissonnière, envahi de fiacres mal maîtrisés… Des artistes célèbres de l’époque, comme le chanteur serbe Danilo Ducovitch sont évoqués vivant sous les toits de la rue Notre-Dame-de-Lorette. On investigue dans les ruines de la Cour des Comptes au quai d’Orsay, souvenir de la Commune, très précisément décrites.
Nous pénétrons dans l’agence de placement « Les Bons Domestiques » occupant le premier étage d’un immeuble de brique impasse Emélie, près de la cité Gosselin, rue de Crimée : « alignées sur un banc de bois courant le long d’un mur crépi à la chaux, une vingtaine de filles en cheveux attendaient leur tour d’inscription. Elles avaient mis leur plus belle robe, percale à fleurs ou calicot à rayures. Seul un œil exercé pouvait déceler dans le demi-jour gris les reprises sur le tissu déjà bien usé » … On y entend parler ces « esclaves qui cherchaient un maître » : « c’est la deuxième agence que je fais depuis ce matin. Dans l’autre, on me proposait d’être cantinière dans un asile de sourds-muets, vingt centimes de l’heure, dix heures par jour. A quarante sous le kilo de pain, j’ai dit non merci ; on m’a répondu : « Les filles difficiles comme vous on s’en passe ». J’ai gueulé : « J’vous ai pas remis des références de cuisinière, j’suis femme de chambre, moi ! ». Quels abrutis ». (…) « je travaillais la nuit au chargement des betteraves ; ils prennent des femmes parce qu’on est plus habiles et plus souples que les hommes, on résiste mieux à la pluie et à la boue, mais ils nous paient moitié moins ! J’ai arrêté, pas une minute pour voir mes gosses, et puis j’avais beau compter, je retombais même pas sur mes pieds. C’était trop dur.»
En 1889, les trottoirs de la rue Rambuteau étaient encombrés de voitures de quatre-saisons où s’amoncelaient fruits et légumes autour des balances à plateaux de cuivre. Des commères joufflues et grasses, en tablier et sabots, un éventail de sacs à portée de main, s’époumonaient à qui mieux-mieux. On salue au passage « Bibi la purée », « une figure populaire du Quartier Latin dans les années 1890. C’était un bohème autodidacte exerçant divers petits métiers et groom à tout faire du poète Verlaine, dont il monnaya les souvenirs quand celui-ci mourut en 1896 ». (…) « Bibi la purée s’est institué son secrétaire ; en fait il vide le fond de ses verres et joue les estafettes auprès de ses maîtresses. Il pose aussi parfois pour les peintres de Montmartre ».
Dîner dans « Le mastroquet de maman Briscot, rue de la Corderie, à côté d’un hangar où on louait des voitures à bras cinq sous de l’heure. La salle (…) était basse de plafond et très enfumée, encombrée de tables et de bancs. Quelques pauvres hères somnolaient, des ouvriers tapaient le carton, d’autres se battaient en duel aux dominos. Un énorme poêle de fonte soufflait son haleine brûlante sur les clients occupés à se lester d’une soupe à l’oignon qui faisait la réputation de la maison ». il fallait apporter son pain et on pouvait consommer un « demi-setier de rouge »..
LA VIE EN SOCIÉTÉ
Ce « polar » est l’occasion pour les auteurs de dénoncer l’abominable antisémitisme ambiant qui pouvait s’afficher…rue Notre-Dame-de-Lorette : « le pan de mur (libéré par une affiche dérobée) révélait un vieux placard électoral à moitié déchiré. Un Gaulois armé d’une francisque, une Marianne claironnante coiffée d’une crête de coq annonçaient les élections législatives du 22 septembre 1889. Tasha reconnut la facture de l’illustrateur lithographe Adolphe Willette (5) :
Ad. Willette
candidat antisémite
IXe arrondissement, 2e circonscription
ÉLECTEURS
Les juifs ne sont grands que parce que
Nous sommes à genoux !...
Levons-nous !
Le judaïsme, voilà l’ennemi !
Autre phénomène de société de l’époque évoqué par les auteurs : la vogue des médiums. « L’escroquerie aux annonces nécrologiques est une pratique assez répandue. Depuis plusieurs années on assiste à une incroyable floraison de médiums, une véritable marée de faux prophètes qui gavent de leurs boniments les troupeaux de jobards et leur tondent la laine sur le dos. Mages, cabalistes, occultistes, hâbleurs de tout poil pullulent à chaque étage de la société ».
Plan en coupe d'un Panorama
On découvre que les touristes faisaient « La tournée des panoramas parisiens » en fiacre, de celui du haut de la rue Lepic, à Montmartre (où derrière les échafaudages de la basilique du Sacré-Cœur en construction le panorama de Jérusalem occupait l’angle des rues Chevalier-de-la-Barre et Lamarck) à celui du Cirque d’Eté retraçant le siège de Paris en 1870, en passant par le panorama du Centenaire dans le Jardin des Tuileries, les trois panoramas des Champs-Elysées, le panorama de Paris de 1789 place Mazas, etc. « Le « panorama » (en grec pan=tout et orama = vue) fût inventé en 1787 par l’Irlandais Robert Barker. C’était une succession de gigantesques scènes peintes en trompe-l’œil sur des toiles placées à l’intérieur d’une rotonde ».
La mode n’est pas oubliée : les hommes portent un « caleçon long à pont-levis ». Les veuves fortunées se drapent de noir à « La Religieuse », rue Tronchet, magasin spécialisé dans les tenues de grand deuil. Le « Carnaval » agite tout Paris à la mi-Carême : « il remontait la rue du Louvre. Ballotté par les badauds, il fut projeté au milieu d’une forêt de faux nez et de masques. L’affluence était considérable, les terrasses des cafés prises d’assaut. Sur la place des Victoires, il se heurta à une cavalcade d’arlequins et de polichinelles. Ils étaient suivis de voitures enguirlandées, emplies de blanchisseuses qui faisaient pleuvoir sur la foule en délire serpentins et quolibets. Enfin venaient des chars transportant les membres des orchestres chargés d’animer le bal nocturne de l’Opéra. (…) Il fut soudain cerné par une ronde d’éclopés, échappés de la cour des Miracles : coquillards revenus de Compostelle, sabouleux mâchant du savon pour simuler l’épilepsie, capons secouant leurs dés truqués, piètres clopinant sur leurs béquilles. Ils viraient autour de lui en une sarabande infernale. - Qui n’a pas de masque doit payer la taxe ! Charité ! Charité ! Ils ne le lâchèrent que lorsqu’il eût jeté une poignée de monnaie ». On ne remerciera jamais assez le duo Claude Izner de ses reconstitutions léchées.
La postface de « La disparue du Père-Lachaise », donne des précisions sur les conditions de vie de l’époque et évoque l’année 1890 : une épidémie de grippe, le suicide de Vincent van Gogh à Auvers-sur-Oise, le premier vol de Clément Ader (50m à 20 cm du sol), la démission d’Otto de Bismarck , la consécration du 1er mai aux travailleurs, (280 groupes syndicaux légaux et 587 illégaux en France), suite à la manifestation américaine du 1er mai 1886 (jour du renouvellement des baux), alors qu’il n’existe encore aucune réglementation concernant les horaires, le travail des enfants et celui des femmes en France. Les garçons de café et de restaurant travaillent de huit heures du matin jusque passé minuit et ne vivent que de pourboires ; les garçons bouchers travaillent 15 à 18 heures par jour avec un seul jour de repos par an…
Cette postface est un véritable cours d’histoire qui aide à la compréhension de certains grands événements comme le premier échec du percement du canal de Panama : en dix ans, les deux-tiers des plus de vingt mille Français débarqués à Panama avaient succombé à la fièvre jaune, sans compter les autres nationalités… L’arrêt du chantier causa en février 1889 la ruine des 870 000 souscripteurs. Parmi ceux-ci on comptait une masse de petits épargnants, dont plusieurs se suicidèrent.
On suit la montée des loyers à Paris (qui compte alors plus de 2 millions d’habitants, dont un quart d’indigents) et l’exode vers la banlieue,. Les auteurs expliquent aussi la vogue du spiritisme pratiqué par des célébrités comme Victor Hugo, Théophile Gautier et Victorien Sardou.
Mais je ne dirai rien des intrigues… Cela ne se dévoile pas. Il faut lire.
Anick Puyôou
Notes:
(1) « Mystère rue des Saints-Pères » ; « La disparue du Père Lachaise » ; « Le carrefour des écrasés » ; « Le secret des Enfants-Rouges » ; « Le léopard des Batignolles » ; « Le talisman de La Villette » ; « Rendez-vous passage d’Enfer » ; « La momie de la Butte-aux-Cailles » ; « Le petit homme de l’Opéra » ; « Les souliers bruns du quai Voltaire » ; « Minuit, impasse du Cadran » ; « Le dragon du Trocadéro ».
(2) Quotidien lancé un mois avant l’exposition universelle de 1889 relatant surtout des faits à sensation.
(3) La Société des Agriculteurs de France, créée en 1867, a acheté en 1891 l’hôtel de la famille de Montblanc au 8 rue d’Athènes. La salle des congrès, aménagée comme un petit théâtre à l’italienne, servit de 1894 à 1925 de salle de concert, où se produiront des musiciens réputés. Elle sera aussi utilisée par l’Ecole Normale de Musique pour les concerts d’élèves.
(4) En 1925, le n° 6 de la rue Fontaine abrite à la fois le « Théâtre des Deux Masques », le bar-dancing « Le Palermo » et les « Soupers El Garron ». On y trouve aujourd’hui le « Bus-Palladium ».
(5) Adolphe Léon Willette (1857-1926) s’est présenté en pleine affaire Boulanger comme « unique candidat antisémite » aux élections législatives du 22/09/1889 dans la 2e circonscription du 9e.
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© 9ème Histoire 2017 - © A. Puyôou 2017
ÉNIGMES CRIMINELLES
DANS LE PARIS D’ANTAN
Sous le pseudonyme de « Claude Izner » se cachent deux sœurs, Liliane Korb (77 ans) et Laurence Lefèvre (66 ans), qui écrivent à quatre mains depuis 2003 des énigmes policières développées dans le Paris d’antan, avec des reconstitutions exceptionnelles. Bouquinistes sur les quais, passionnées d’histoire, de bibliophilie et de musique, elles ont réalisé, outre des « polars », des courts-métrages et des spectacles audiovisuels, parfois ensemble, parfois individuellement.
Après une douzaine d’ouvrages consacrés aux enquêtes d’un libraire installé au 18 de la rue des Saints-Pères, détective à ses heures, baptisé Victor Legris, dans la capitale à la fin du XIXe siècle (1), ouvrages qui ont eu du succès dans dix-sept pays, les auteurs ont choisi de situer leurs aventures dans le Paris des Années Folles, amateur de jazz et de fox-trot, avec pour nouvel héros un jeune pianiste désargenté, nommé Jeremy Nelson. Il recherche sa parentèle (que l’on découvrira originaire d’Odessa et avec un lien avec Victor Legris) tout autant que les assassins de ses amis. Le deuxième ouvrage de cette série s’intitule « La femme au serpent » et il vient de paraître dans la collection Grands Détectives de la collection 10/18 d’Univers Poche dirigée par Jean-Claude Zylberstein.
Clin d’œil : on retrouve, en 1921, abritant ce jeune pianiste, la mansarde, « avec une superbe vue sur les toits de Paris » (équipée d’un poêle Godin avec un minuscule cabinet de toilette comportant un évier doté de l’eau courante et des « W-C sur le palier »), située au dernier étage du n° 60 de la rue Notre-Dame-de-Lorette, déjà occupée dans « La disparue du Père-Lachaise », en 1889, alors louée en « garni » par une jeune peintre très bohème (que ne gênaient pas les seaux posés sur le carrelage pour les fuites du toit par temps de pluie).
NOTRE 9e ARRONDISSEMENT EST UN SITE MAJEUR
Jeremy Nelson joue du jazz à « La Dame Blanche », prend son « petit noir » dans un bistrot de la rue La Bruyère, fréquente « les troquets de la Nouvelle Athènes », où il lit « Le Passe-Partout » (2), prend le métro station Saint-Georges ou Anvers, enquête dans la République de Montmartre (« créée sur une idée d’un dessinateur humoriste nommé Joë Bridge, elle-même née de la commune libre de Jules Depaquit »). En 1921, « les artistes, cubistes, postcubistes et peintres modernes buissonniers avaient déserté la Butte et envahi Montparnasse. Ceux qui restaient tentaient de résister au non-figuratif et à l’urbanisme avide de nouveaux terrains à bâtir ».
On passe devant le n° 54 de la rue Lepic, « où avaient vécu Vincent et Théo van Gogh ». La mort de Footitt, partenaire de Chocolat, à l’été 1921, est évoquée à propos du fameux music-hall « La Tour de Babel » rue Bergère, dont le spectacle comptait les clowns Rotule et Globule, des otaries dressées, un comique troupier, des jongleurs sur patins à roulettes, etc. La Tour de Babel est fréquentée par Tsugouharu Foujita (« qui venait de vendre un nu de Kiki de Montparnasse huit mille francs au Salon d’Automne »), Tristan Tzara (de son vrai nom Samuel Rosenstock), Jean Cocteau, Marie Laurencin,… Nous y croisons le « dandy » Maurice Ravel à la Salle des Agriculteurs (3), au 8 rue d’Athènes, le 6 décembre 1921, à l’occasion du « Concert Salade » (un mix) concocté par le pianiste-compositeur Jean Wiéner. Le « Théâtre des Deux Masques » (4) rue Fontaine fait aussi partie du décor.
Bal au Moulin Rouge par Toulouse-Lautrec
Une affiche du Moulin-Rouge, dédicacée en 1894 par Toulouse-Lautrec, fait partie de la collection d’affiches de la logeuse du 60 rue Notre-Dame-de-Lorette. On aperçoit le numéro du « Passe-Partout » de janvier 1898 avec pour gros titre en « Une » : « LE PÈRE DES ROUGON-MACQUART S’INDIGNE ». Le journal soutenait Émile Zola qui avait publié la veille, dans « L’Aurore », sous l’apostrophe « J’Accuse… ! », sa fameuse lettre au Président de la République en faveur de l’innocence du capitaine Dreyfus (« ce qui lui vaudra des poursuites judiciaires »…). Le numéro du 11 novembre 1921 nous annonce que le prix Nobel de Littérature fût décerné à Anatole France… Des événements marquants comme l’incendie des nouveaux magasins du boulevard Haussmann le 28 septembre 1921 font l’actualité.
Les ambiances de rue sont particulièrement travaillées : vendeurs ambulants de papier d’Arménie, de cirage, de bottes d’aïl, de savon minéral, ramasseurs « d’orphelins » (mégots, qui étaient très appréciés des jardiniers qui utilisaient ces restes de tabac comme insecticide), vendeurs « d’arlequins » (boulettes de restes amalgamés de viandes, légumes et poissons). Les « courts-bouillons » et les « fritures » ne sont pas oubliés.
Le IXe comptait alors un nombre important d’hôtels « baptisés d’un patronyme de province française, Le Bourgogne et Le Beaujolais flanquaient Le Lorraine, Le Bretagne s’encastrait entre une boucherie casher et Le Berry. Leur clientèle se recrutait parmi des étudiants désargentés, des débardeurs, des employés ou des manœuvres vivant toute l’année à bas prix dans des chambres au mobilier bancal ».
Une immigrée russe se souvient de son arrivée à Paris, de sa chambre de bonne au numéro 60 de la rue Notre-Dame de Lorette, de son premier atelier au fond de la cour du 36 bis rue Fontaine : « un porche étroit menait à une cour pavée. Du vigoureux acacia dressé en son milieu ne demeurait qu’un tronc couturé de cicatrices. Jadis une corde à linge nouée à l’une des fenêtres du deuxième étage s’accrochait à son mât. Les jours de vent la lessive se gonflait comme les voiles d’un navire ».
LE PARIS DU XIXe
Dans la série précédente consacrée aux enquêtes de Victor Legris, c’est le Paris du XIXe siècle qui revivait. Situé en 1889, « La disparue du Père-Lachaise » nous permet par exemple de voir s’animer la capitale. « Les becs de gaz du boulevard Saint-Michel éclairaient de leur lumière ambrée une foule affairée d’étudiants sans le sou, de professeurs sans élèves, de bohèmes de tout poil dérivant vers les terrasses des cafés où régnait la déesse du rêve et de l’oubli, l’absinthe. De là ils lorgnaient les mollets de la gent féminine qui, jupe retroussée afin de ne pas balayer la neige piétinée, partait en quête d’un dîner ou se hâtait vers le bureau des omnibus près de la fontaine monumentale.
Au numéro 1 de la place, à l’angle du quai, Le Soleil d’Or, une brasserie quelconque, attirait un flot de jeunes gens barbus à cheveux longs vêtus d’habits de coupe surannée, la cravate flottant au vent. Certains donnaient le bras à des femmes de petite vertu plâtrées de poudre de riz ».(…) Un escalier situé en retrait du comptoir plongeait vers un sous-sol décoré par Gauguin. Meublé d’un piano, de tables à tréteaux et de chaises où s’empilaient des chapeaux, le caveau empestait la pipe, le cigare, les parfums bon marché. A mesure de leur arrivée, les rapins allaient déposer des toiles contre les murs puis revenaient commander un apéritif au garçon boudeur accoudé au zinc ». Il y avait régulièrement des expositions de toiles d’élèves au « Soleil d’or » place Saint-Michel, où se réunissaient d’autre part deux samedis par mois les artistes qui collaboraient à la revue « La Plume ».
Des chocolats achetés à la « pharmacie-confiserie Debauve et Gallais » rue des Saints-Pères, un bouillon consommé rue Tholozé au « Bibulus », une gargotte à l’enseigne du « Chien qui tête », une absinthe savourée rue Fontaine au « Concert des Incohérents », brasserie appartenant à un certain Carpentier : les auteurs se sont donné du mal pour faire revivre ces lieux populaires. « Ils gagnèrent la rue des Martyrs. Au-dessus d’eux se dressaient les échafaudages du Sacré-Cœur en construction et, plus bas, les ailes du Moulin de la Galette surplombant les maisons étagées à touche-touche ». Au fil de l’intrigue, on rend hommage à Émile Gaboriau, « père du roman policier », mort en 1873 à trente-huit ans et dont le dernier domicile fût le 39 de la rue Notre-Dame-de-Lorette.
Émile Gaboriau
L’église Notre-Dame-de-Lorette, dont la façade est « trouvée laide » ( ?) par le héros, est l’occasion d’évoquer les nombreuses courtisanes qui habitaient ce quartier : « on les a baptisées d’après l’église, le nom propre est devenu commun ». Attention au « carrefour des écrasés », celui du boulevard Montmartre et du boulevard Poissonnière, envahi de fiacres mal maîtrisés… Des artistes célèbres de l’époque, comme le chanteur serbe Danilo Ducovitch sont évoqués vivant sous les toits de la rue Notre-Dame-de-Lorette. On investigue dans les ruines de la Cour des Comptes au quai d’Orsay, souvenir de la Commune, très précisément décrites.
Nous pénétrons dans l’agence de placement « Les Bons Domestiques » occupant le premier étage d’un immeuble de brique impasse Emélie, près de la cité Gosselin, rue de Crimée : « alignées sur un banc de bois courant le long d’un mur crépi à la chaux, une vingtaine de filles en cheveux attendaient leur tour d’inscription. Elles avaient mis leur plus belle robe, percale à fleurs ou calicot à rayures. Seul un œil exercé pouvait déceler dans le demi-jour gris les reprises sur le tissu déjà bien usé » … On y entend parler ces « esclaves qui cherchaient un maître » : « c’est la deuxième agence que je fais depuis ce matin. Dans l’autre, on me proposait d’être cantinière dans un asile de sourds-muets, vingt centimes de l’heure, dix heures par jour. A quarante sous le kilo de pain, j’ai dit non merci ; on m’a répondu : « Les filles difficiles comme vous on s’en passe ». J’ai gueulé : « J’vous ai pas remis des références de cuisinière, j’suis femme de chambre, moi ! ». Quels abrutis ». (…) « je travaillais la nuit au chargement des betteraves ; ils prennent des femmes parce qu’on est plus habiles et plus souples que les hommes, on résiste mieux à la pluie et à la boue, mais ils nous paient moitié moins ! J’ai arrêté, pas une minute pour voir mes gosses, et puis j’avais beau compter, je retombais même pas sur mes pieds. C’était trop dur.»
En 1889, les trottoirs de la rue Rambuteau étaient encombrés de voitures de quatre-saisons où s’amoncelaient fruits et légumes autour des balances à plateaux de cuivre. Des commères joufflues et grasses, en tablier et sabots, un éventail de sacs à portée de main, s’époumonaient à qui mieux-mieux. On salue au passage « Bibi la purée », « une figure populaire du Quartier Latin dans les années 1890. C’était un bohème autodidacte exerçant divers petits métiers et groom à tout faire du poète Verlaine, dont il monnaya les souvenirs quand celui-ci mourut en 1896 ». (…) « Bibi la purée s’est institué son secrétaire ; en fait il vide le fond de ses verres et joue les estafettes auprès de ses maîtresses. Il pose aussi parfois pour les peintres de Montmartre ».
Dîner dans « Le mastroquet de maman Briscot, rue de la Corderie, à côté d’un hangar où on louait des voitures à bras cinq sous de l’heure. La salle (…) était basse de plafond et très enfumée, encombrée de tables et de bancs. Quelques pauvres hères somnolaient, des ouvriers tapaient le carton, d’autres se battaient en duel aux dominos. Un énorme poêle de fonte soufflait son haleine brûlante sur les clients occupés à se lester d’une soupe à l’oignon qui faisait la réputation de la maison ». il fallait apporter son pain et on pouvait consommer un « demi-setier de rouge »..
LA VIE EN SOCIÉTÉ
Ce « polar » est l’occasion pour les auteurs de dénoncer l’abominable antisémitisme ambiant qui pouvait s’afficher…rue Notre-Dame-de-Lorette : « le pan de mur (libéré par une affiche dérobée) révélait un vieux placard électoral à moitié déchiré. Un Gaulois armé d’une francisque, une Marianne claironnante coiffée d’une crête de coq annonçaient les élections législatives du 22 septembre 1889. Tasha reconnut la facture de l’illustrateur lithographe Adolphe Willette (5) :
Ad. Willette
candidat antisémite
IXe arrondissement, 2e circonscription
ÉLECTEURS
Les juifs ne sont grands que parce que
Nous sommes à genoux !...
Levons-nous !
Le judaïsme, voilà l’ennemi !
Autre phénomène de société de l’époque évoqué par les auteurs : la vogue des médiums. « L’escroquerie aux annonces nécrologiques est une pratique assez répandue. Depuis plusieurs années on assiste à une incroyable floraison de médiums, une véritable marée de faux prophètes qui gavent de leurs boniments les troupeaux de jobards et leur tondent la laine sur le dos. Mages, cabalistes, occultistes, hâbleurs de tout poil pullulent à chaque étage de la société ».
Plan en coupe d'un Panorama
On découvre que les touristes faisaient « La tournée des panoramas parisiens » en fiacre, de celui du haut de la rue Lepic, à Montmartre (où derrière les échafaudages de la basilique du Sacré-Cœur en construction le panorama de Jérusalem occupait l’angle des rues Chevalier-de-la-Barre et Lamarck) à celui du Cirque d’Eté retraçant le siège de Paris en 1870, en passant par le panorama du Centenaire dans le Jardin des Tuileries, les trois panoramas des Champs-Elysées, le panorama de Paris de 1789 place Mazas, etc. « Le « panorama » (en grec pan=tout et orama = vue) fût inventé en 1787 par l’Irlandais Robert Barker. C’était une succession de gigantesques scènes peintes en trompe-l’œil sur des toiles placées à l’intérieur d’une rotonde ».
La mode n’est pas oubliée : les hommes portent un « caleçon long à pont-levis ». Les veuves fortunées se drapent de noir à « La Religieuse », rue Tronchet, magasin spécialisé dans les tenues de grand deuil. Le « Carnaval » agite tout Paris à la mi-Carême : « il remontait la rue du Louvre. Ballotté par les badauds, il fut projeté au milieu d’une forêt de faux nez et de masques. L’affluence était considérable, les terrasses des cafés prises d’assaut. Sur la place des Victoires, il se heurta à une cavalcade d’arlequins et de polichinelles. Ils étaient suivis de voitures enguirlandées, emplies de blanchisseuses qui faisaient pleuvoir sur la foule en délire serpentins et quolibets. Enfin venaient des chars transportant les membres des orchestres chargés d’animer le bal nocturne de l’Opéra. (…) Il fut soudain cerné par une ronde d’éclopés, échappés de la cour des Miracles : coquillards revenus de Compostelle, sabouleux mâchant du savon pour simuler l’épilepsie, capons secouant leurs dés truqués, piètres clopinant sur leurs béquilles. Ils viraient autour de lui en une sarabande infernale. - Qui n’a pas de masque doit payer la taxe ! Charité ! Charité ! Ils ne le lâchèrent que lorsqu’il eût jeté une poignée de monnaie ». On ne remerciera jamais assez le duo Claude Izner de ses reconstitutions léchées.
La postface de « La disparue du Père-Lachaise », donne des précisions sur les conditions de vie de l’époque et évoque l’année 1890 : une épidémie de grippe, le suicide de Vincent van Gogh à Auvers-sur-Oise, le premier vol de Clément Ader (50m à 20 cm du sol), la démission d’Otto de Bismarck , la consécration du 1er mai aux travailleurs, (280 groupes syndicaux légaux et 587 illégaux en France), suite à la manifestation américaine du 1er mai 1886 (jour du renouvellement des baux), alors qu’il n’existe encore aucune réglementation concernant les horaires, le travail des enfants et celui des femmes en France. Les garçons de café et de restaurant travaillent de huit heures du matin jusque passé minuit et ne vivent que de pourboires ; les garçons bouchers travaillent 15 à 18 heures par jour avec un seul jour de repos par an…
Cette postface est un véritable cours d’histoire qui aide à la compréhension de certains grands événements comme le premier échec du percement du canal de Panama : en dix ans, les deux-tiers des plus de vingt mille Français débarqués à Panama avaient succombé à la fièvre jaune, sans compter les autres nationalités… L’arrêt du chantier causa en février 1889 la ruine des 870 000 souscripteurs. Parmi ceux-ci on comptait une masse de petits épargnants, dont plusieurs se suicidèrent.
On suit la montée des loyers à Paris (qui compte alors plus de 2 millions d’habitants, dont un quart d’indigents) et l’exode vers la banlieue,. Les auteurs expliquent aussi la vogue du spiritisme pratiqué par des célébrités comme Victor Hugo, Théophile Gautier et Victorien Sardou.
Mais je ne dirai rien des intrigues… Cela ne se dévoile pas. Il faut lire.
Anick Puyôou
Notes:
(1) « Mystère rue des Saints-Pères » ; « La disparue du Père Lachaise » ; « Le carrefour des écrasés » ; « Le secret des Enfants-Rouges » ; « Le léopard des Batignolles » ; « Le talisman de La Villette » ; « Rendez-vous passage d’Enfer » ; « La momie de la Butte-aux-Cailles » ; « Le petit homme de l’Opéra » ; « Les souliers bruns du quai Voltaire » ; « Minuit, impasse du Cadran » ; « Le dragon du Trocadéro ».
(2) Quotidien lancé un mois avant l’exposition universelle de 1889 relatant surtout des faits à sensation.
(3) La Société des Agriculteurs de France, créée en 1867, a acheté en 1891 l’hôtel de la famille de Montblanc au 8 rue d’Athènes. La salle des congrès, aménagée comme un petit théâtre à l’italienne, servit de 1894 à 1925 de salle de concert, où se produiront des musiciens réputés. Elle sera aussi utilisée par l’Ecole Normale de Musique pour les concerts d’élèves.
(4) En 1925, le n° 6 de la rue Fontaine abrite à la fois le « Théâtre des Deux Masques », le bar-dancing « Le Palermo » et les « Soupers El Garron ». On y trouve aujourd’hui le « Bus-Palladium ».
(5) Adolphe Léon Willette (1857-1926) s’est présenté en pleine affaire Boulanger comme « unique candidat antisémite » aux élections législatives du 22/09/1889 dans la 2e circonscription du 9e.
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© 9ème Histoire 2017 - © A. Puyôou 2017
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