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Montmartre aux environs de 1870

© F. Robert 2008- © 9e Histoire 2008  - 2014

MONTMARTRE AUX ENVIRONS DE 1870

Un texte de  Daniel Halévy   

De 1830 aux environs de 1870, la famille Halévy-Lebas avait été logée à l’Institut. En effet, Hippolyte Lebas, architecte de l’Institut, secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts et disposant à ce titre du pavillon qui terminait  l’aile gauche du palais, y avait hébergé tous les siens, ses enfants et petits-enfants.

Dans son livre « Pays Parisiens » (Editions Bernard Grasset 1932) Daniel Halévy, son arrière-petit-fils, décrit ce départ après la disparition de son arrière-grand-père en 1867.

« Mon père (1) préférait Montmartre et on en discuta. Mais aucun parisien vivant aujourd’hui ne soupçonne, ne peut soupçonner quelles images à jamais disparues occupaient les esprits des miens quand ils prononçaient ce mot :  Montmartre.

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Ma grand’mère (2) y avait habité sous la Restauration ; son père construisait alors l’église Notre-Dame-de-Lorette, et il avait trouvé pratique de s’installer près des chantiers, comme le père Michelet près de son atelier : on se déplaçait malaisément alors, on vivait où on travaillait. Ma grand’mère avait gardé de ce temps, de ces parages, un très bon souvenir.

Elle s’y était liée avec les Halévy, ses voisins de palier. J’imagine sans peine ces deux jeunes juifs, Fromental et Léon, l’un humaniste et lettré, secrétaire de l’étonnant Saint-Simon, l’autre passionné pour l’art musical où il devait faire une belle carrière, tous deux exaltés par l’honneur et la joie d’être Français et d’être libres. (Leur père était venu d’Allemagne, il avait un emploi à la synagogue et composait des vers hébreux).

Avec eux, avec son frère, sa sœur, elle allait en promenade sur les pentes couvertes de jardins, de vergers, de cultures. C’était cela, Montmartre, alors, et pour elle, sans doute, c’était resté cela. Pour le père Dupin, vaudevilliste du Premier Empire, que j’ai vu bien souvent chez Meilhac, la place Clichy restait obstinément un lieu fort agréable pour y ouvrir la chasse et tirer les premiers lapins.

Il faut avouer que Paris avait un charme qu’il n’a plus quand on se guêtrait, équipait de bon matin, rue Richelieu, et rapportait, après trois heures d’absence, un lièvre et six perdrix.

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Daniel Halévy

Montmartre : imaginons un pays de jardins ; mieux encore, imaginons (faisons effort pour être vrais) des pentes d’ombrages et d’herbages.

 Aux environs de l’an 1840, ma grand’mère y conduisait mon père, enfant délicat, pour lui faire prendre du lait dans les fermes, vers la barrière des Martyrs.

Sans doute, en 1867, il n’y avait plus de fermes dans Montmartre, mais il y avait encore des espaces, de l’herbe et des arbres. C’était une sorte de Passy, tel qu’il y a vingt ans nous connaissions Passy. Des artistes, quelques gens du monde, s’y étaient installés et formaient une petite république active, agréable, à quinze minutes des boulevards.

Des amis nous y attiraient : les Gounod, Degas, Fromentin que mon père aimait beaucoup ; d’autres encore, moins connus (tout à l’heure je les retrouverai). Il fallu opter enfin et on opta pour Montmartre. Un, deux, trois appartements furent cherchés, trouvés dans une même maison (3), pour mes grands-parents, mes parents et ma cousine Halévy qui épousait Georges Bizet.

Et un jour, jour triste assurément, il fallut sortir les meubles, emballer les tableaux et les livres, charger tout cela dans des voitures et, tournant le dos au cher Institut, essayer un pays nouveau. »

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(1) Ludovic Halévy, 

(2) "Nanine" Lebas

(3) 22, rue de Douai.

Françoise ROBERT

© F. Robert 2008- © 9e Histoire 2008  - 2014


Date de création : 02/03/2014 • 19:00
Catégorie : - Rues & Promenades
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