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22, Rue de Douai

© J. Aubert 2009 © 9e Histoire 2010 - 2014

LE 22, RUE DE DOUAI

Cet immeuble a été marqué par la présence, comme locataires, des familles Halévy et Bizet. Lors d'une récente visite des adhérents de notre association, cet épisode fut quelque peu occulté.

Nos guides-conférencières, Joëlle Barreau et Isabelle Dérens qui ont entrepris une étude sur l'histoire de cet immeuble sous la direction d'Alexandre Gady, ont largement et à juste titre évoqué la personnalité de Michel-Victor Cruchet, un des principaux sculpteurs-ornemanistes du XIX° siècle.

Là furent ses ateliers, là fut son habitation que l'on a pu visiter, grâce à M. Olivier de Rohan, président de la Sauvegarde de l'Art français, dont c'est le siège.

Michel-Victor Cruchet était né à Paris le 23 novembre 1815 et s'était marié le 17 septembre 1840 en l'église Notre-Dame-de-Lorette, avec Catherine Clair.

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Etabli successivement rue La Fayette, en 1836, puis au 58 rue Notre-Dame de Lorette, dans un bâtiment où Delacroix avait son atelier, il avait acquis en 1846 des terrains à l'angle de la rue Fontaine-Saint-Georges (actuellement rue Fontaine) et de la rue de l'Aqueduc (rue de Douai), puis en 1853, il acheta de Charles-Théophile-Victor Mignon, l'immeuble situé aujourd'hui 22 rue de Douai. Ce faisant, il regroupait un certain nombres de parcelles.

Cet immeuble fut réaménagé pour son usage propre mais surtout pour ses ateliers et des lieux d'exposition. Au rez-de-chaussée, de vastes espaces, somptueusement décorés, permettaient de présenter les productions de l'entreprise. Ces locaux, plus tard utilisés pour diverses activités dont un bureau de poste, sont aujourd'hui occupés par le Café Carmen.

Outre des logements destinés à la location, Cruchet aménagea pour lui-même et sa famille, au deuxième étage, un vaste appartement caractéristique du goût sous le Second Empire. Le décor de ces salles a été restauré avec soin récemment, permettant d'évoquer ainsi le cadre de vie d'une grande famille bourgeoise dans la deuxième moitié du siècle.

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Ainsi peut-on voir, selon une pratique habituelle à cette époque, plusieurs peintures anciennes encastrées dans des boiseries. De même, un beau tondo de Simon Vouet, Aurore et Céphale, ornant le plafond d'un salon et provenant sans doute d'un des grands décors que l'artiste avait réalisés dans les hôtels parisiens ou des châteaux des environs, tel celui de Chilly-Mazarin.

L'atelier Cruchet exécuta de nombreux meubles et réalisa divers décors : il fut l'un des premiers sculpteurs à avoir utilisé le carton-pierre. Et il fut l'un des principaux fournisseurs du garde-meuble de la Couronne. Ainsi, à partir de 1844, le duc de Nemours, deuxième fils du roi Louis-Philippe, commanda au peintre Eugène Lami, ancien professeur de  dessin des enfants royaux, la décoration de son appartement au palais des Tuileries : c'est Michel-Victor Cruchet qui exécuta l'ensemble des sièges, de style Louis XV, destinés au salon d'audience; on peut voir tous ceux-ci au musée du Louvre, dans la salle dite "Duc de Nemours". Ce qui caractérise ce mobilier néo-Louis XV, réalisé dans les années 1845, c'est qu'il préfigure le style du Second Empire.

A la même époque, le duc d'Aumale, dernier fils du Roi, conseillé également par Eugène Lami, commanda pour son château de Chantilly quelques meubles, entre autres une copie d'une console du XVIIIe siècle  d'origine génoise qu'il avait acquise dans le commerce d'art.

La chute de la Monarchie de Juillet n'interrompit pas la carrière de Michel-Victor Cruchet. Sous l'Empire, il devient l'un des fournisseurs attitrés de l'impératrice Eugénie dont on sait le goût pour le mobilier du XVIIIe siècle et tout ce qui permettait d'évoquer la reine Marie-Antoinette.

Dès 1852, il avait conçu la plus grande partie de la décoration des salons du ministère des Affaires étrangères. Mais l'une se ses réalisations majeures fut la décoration du salon de l'Empereur à l'orangerie du château de Saint-Cloud.

 A la fin du Second Empire, Michel-Victor Cruchet cesse son activité et se retire dans son appartement du 22 rue de Douai. Son fils, Claude-Philibert, transfère alors une partie de l'entreprise au 20 rue Pétrelle. Il poursuit alors l'activité de son père, s'associant au décorateur Jean-André Caccia. En 1869, il décore pour les Rothschild l'hôtel de l'avenue de Marigny (actuellement, résidence réservée aux hôtes officiels de la France). Et entre 1896 et 1902, il réalisera les décors du vestibule du Palais rose, aujourd'hui malheureusement détruit, pour le comte Boniface de Castellane.

L'étude engagée par Joëlle Barreau et Isabelle Dérens à propos de l'immeuble situé 22 rue de Douai sera, à n'en pas douter, une contribution importante à l'histoire architecturale de notre arrondissement.

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Jean AUBERT

© J. Aubert 2009 © 9e Histoire 2010 - 2014


Date de création : 04/03/2014 • 21:56
Catégorie : - Personnages
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