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Hippolyte Lebas - décembre 2018



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Hippolyte Lebas (1782-1867), architecte et professeur


 


Mercredi 4 décembre, Alexandre Gady, vice-président de 9ème Histoire, professeur à l’université Paris-Sorbonne et directeur du centre André Chastel, est venu évoquer avec son brio habituel devant une salle du Conseil comble, ce grand architecte qu’a été pour le 9e arrondissement, Hippolyte Lebas.

Notre conférencier montre pour ouvrir sa conférence un portrait d’Hippolyte Lebas à la fin de sa vie, assez austère, peint par Jacques Martial Deveaux, en indiquant que le constructeur de l’église Notre-Dame-de-Lorette fut un architecte mais aussi un grand professeur d’architecture, aujourd’hui plutôt tombé dans l’oubli. 

Fils d’un banquier, il a pour oncle l’architecte Antoine Laurent Vaudoyer, lui-même père de Léon Vaudoyer qui deviendra également célèbre, et qui va lui donner en quelque sorte le goût de l’architecture à la fin de la période révolutionnaire.

Il suit en effet des études dans cette discipline, sans pour autant ne jamais gagner le grand Prix de Rome, ce qui ne l’empêchera pas d’obtenir une grande notoriété en son temps !
 


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                        Robert Lefèvre -  Charles Percier   - 1807 © RMN                                              J.D Court - Pierre Fontaine © RMN
 

Il aura aussi pour mentors Charles Percier et Pierre Fontaine, autres architectes dont il reçoit l’enseignement. Il obtient en 1806 le 2e prix de Rome, ce qui ne lui donne pas cependant l’autorisation d’aller à ce titre dans la capitale italienne, mais il avait contourné cette difficulté en y allant dès 1803 en tant que membre du régiment des gardes du général Murat !
Cette opportunité lui permet de dessiner les monuments de la Rome antique, accompagné par
François Debret dont il devient l’ami, qui sera pourtant un architecte maudit au XIXe siècle et dont la carrière sera brisée par Viollet Le Duc ...

Il arrive même en 1807 à séjourner à la Villa Médicis en travaillant auprès de son directeur, Pierre Adrien Pâris, à des relevés des vestiges anciens. Ces dessins ont été conservés et révèlent son grand talent. Alexandre Gady nous en montre alors quelques exemples que l’on peut consulter sur le site de l’INHA qui montre aussi son goût et sa maîtrise des paysages campagnards. Il dessine notamment des décors d’époque paléochrétienne en quadrichromie. Son troisième voyage dans la Ville éternelle a lieu en 1811 où il travaillera plutôt sur la période architecturale de la Renaissance italienne, lui donnant ainsi une connaissance, dès cette époque, des styles allant de l’Antique à la Renaissance.
 


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Hippolyte Lebas - Intérieur à l'antique ca 1807 © Galerie La Nouvelle Athènes
 


À son retour en France, il travaille avec Brongniart sur le plan initial du bâtiment de la Bourse inspiré du temple romain, à la forme rectangulaire accentuée qui deviendra l’actuel palais Brongniart, comme le démontre Alexandre Gady en commentant un des dessins d’étude d’Hippolyte Lebas. Le bâtiment ne comportait d’ailleurs pas au départ ni de toit deux pentes, ni de fronton. Il réalise aussi au Père Lachaise la tombe du constructeur du palais de la Bourse à la suite de sa mort prématurée en 1813, où on voit dessinée sur la stèle la façade du palais.
 


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Détail de la tombe de Brongniart au Père Lachaise
 


Il avait à cette époque pris le titre d’inspecteur des travaux. C'est avec ce titre qu'il assiste Pierre Fontaine pour la construction de la Chapelle expiatoire (1816-1824) au square Louis XVI  où ont été d’abord inhumés les corps du roi et de Marie-Antoinette. Notre conférencier nous montre le tableau de Turpin de Crissé représentant Une messe à la Chapelle expiatoire pour illustrer son propos.
 

Il conçoit aussi le monument à la mémoire de Malesherbes (avocat de Louis XVI, et également guillotiné), installé aujourd’hui au Palais de Justice.

En 1819, il entre à l’École des Beaux-Arts abritée sur le lieu du couvent des Petits Augustins où il a comme professeur Antoine Vaudoyer. Il deviendra membre à part entière de l’Académie des Beaux-Arts dès 1825.

 En 1823 il remporte le concours pour la construction de l’église Notre-Dame-de-Lorette, son chef-d’œuvre achevé en 1836.


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Nef de Notre-Dame-de-Lorette
 


Cette église fera alors le pendant de l’église Saint-Vincent de Paul construite par Hittorf, un peu plus loin vers la Gare du Nord, dont l’objectif était de magnifier à ces deux endroits la place de la religion avec des églises situées en bout de perspectives, la rue d’Hauteville pour l’une, la rue Laffitte pour la seconde. Il adopte pour la circonstance le plan des basiliques romaines et d’inspiration paléochrétienne (sans transept) avec un péristyle d’entrée tétrastyle (à quatre colonnes ornées de superbes chapiteaux corinthiens, malheureusement noircis désormais ...) surmonté d’un fronton triangulaire.  Il avait pris en fait modèle sur l’église Saint-Philippe du Roule, construite en 1764 par Chalgrin sur le même style paléochrétien et parfait exemple du courant néoclassique du XVIIIe siècle, avec également l’influence du style palladien à l’honneur à cette époque.


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Alexandre Gady s’attache alors à présenter simplement la structure de l’église, qui nécessiterait cependant aujourd’hui un grand ravalement (1) … Il insiste sur la rupture des styles qu’on peut distinguer aussi à l’intérieur, par la présence d’une colonnade à chapiteaux ioniques délimitant la monumentale nef, l’impressionnant plafond à caissons ornés marquant l’influence de la Renaissance italienne sans oublier le magnifique Couronnement de la Vierge de Picot dans l’abside du chœur (malheureusement à nouveau caché par un échafaudage, suite à de nouvelles infiltrations …), et enfin les quatre chapelles d’angle, dont la chapelle des Baptêmes a été restaurée récemment.


Parallèlement, Hippolyte Lebas avait gagné un autre concours en 1825, celui de la construction de la prison de la Roquette pour les jeunes détenus.  Il s’agit là vraiment d’un chantier d’un tout autre genre mais qui lui permet de proposer un programme architectural très innovant en permettant une vision panoptique, approche tout à fait nouvelle pour une prison. Celle-ci se développe en effet autour d’une tour centrale abritant une chapelle et l’administration et des ailes partant en étoile contenant les cellules et isolant différentes cours intérieures. L’ensemble sera ceinturé par un mur avec des tours d’angle reprenant le modèle de la tour centrale, complété par un édicule carré faisant une avancée en guise d’entrée. La construction de cette prison durera dix ans pour finalement être détruite en 1974, après avoir été le lieu de beaucoup d’exécutions, notamment pendant la Commune.
 


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Alexandre Gady aborde ensuite l’autre carrière de l’architecte, celle de professeur. Élu en1840 à la chaire de l’école des Beaux-Arts, il va avoir alors comme élèves Charles Garnier, Henri Labrouste ou Théodore Ballu, des architectes qui feront aussi leur chemin…


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Charles Garnier    -     Buste d'Henri Labrouste      -      Théodore Ballu
 


Il professe un cours d’histoire de l’architecture qui fera autorité et qui est toujours conservé à l’Institut de France. Il n’hésite pas en effet à remonter aux origines de l’architecture en s’intéressant à celle de l’Asie ancienne puis en étudiant l’Égypte, la Grèce, et bien sûr l’Italie romaine jusqu’à la Renaissance, sans oublier les différents styles du Moyen-Age roman et gothique. Il se fait ainsi le chantre d’une approche « historiciste » où son idéal en architecture s’arrête à la période classique de l’architecture du XVIIe, elle-même inspirée des modèles antiques. Il s’efforce aussi de relier l’évolution de l’architecture à la propre évolution de la société et en évoquant la morale sociale qui prévaut à chaque époque. Alexandre Gady fait remarquer enfin que l'étude d'Hippolyte Lebas se limite à l’architecture publique et non privée.        

Sa dernière commande qu’il honorera sera la construction de l’aile de la seconde cour intérieure de l’Institut de France en 1845 et 1846, conçue comme un temple antique avec sa belle salle des séances à lambris de bois sculptés et une autre plus petite salle, où trône au fond le portrait du cardinal Mazarin, son fondateur. Il bénéficiera d’ailleurs à cet endroit d’un appartement. Père de deux enfants, sa fille ayant épousé Léon Halévy, il concevra le tombeau de la famille Halévy au cimetière Montmartre avec le buste de Fromental Halévy.
 


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La grande salle du conseil de l'Institut de France
 


À sa mort, en 1867, sa riche collection de dessins et de sculptures mais aussi de tableaux dont ceux de Meissonnier, Horace Vernet, Delacroix ou Ingres sera vendue à l’Hôtel Drouot et il entrera alors un peu dans l’oubli …

À la fin de cette érudite conférence, Alexandre Gady ne put malheureusement répondre aux éventuelles questions de l’assistance, pressé  qu’il était par une réunion impromptue devant démarrer à l’autre bout de Paris.  L’enseignement de l’histoire de l’art n’attend pas !

  1. Didier Chagnas organise régulièrement des visites de Notre-Dame-de-Lorette.

              

Emmanuel FOUQUET

 

© 9ème Histoire - 2018


Date de création : 07/12/2018 • 10:17
Catégorie : - Echos du Terrain
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