Ravel dans le 9e - février 2019
Maurice Ravel dans le 9e arrondissement
Mercredi 13 février c’est devant une salle du Conseil bien remplie encore une fois que Manuel Cornejo, président des Amis de Maurice Ravel et auteur d’un récent ouvrage sur le musicien, allait évoquer la vie de Maurice Ravel, en se concentrant presque exclusivement sur ses attaches diverses dans notre arrondissement.
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La maison natale de Maurice Ravel à Ciboure © Robin Chubret.
Si le futur musicien est né en 1875 à Ciboure au Pays Basque d’une mère native de cette région et d’un père d’origine plutôt savoyarde, ingénieur reconnu dans les Chemins de fer, la famille gagnera Paris au bout d’à peine trois mois, d’abord rue Lepic dans le 18e arrondissement, puis au 40, rue des Martyrs jusqu’en 1880. En 1886, les Ravel habiteront au 29, rue Laval (aujourd’hui rue Victor Massé) mais on ne sait pas quelle école primaire le jeune Maurice a fréquenté. La famille s’agrandira en 1878 avec l’arrivée d’un frère cadet, Édouard, qui devint ingénieur et avec lequel il garda toute sa vie des liens forts. À sept ans, il prend ses premières leçons de piano avec le compositeur Henry Ghys, mais il préférait alors plutôt les mathématiques et avouait une certaine paresse !
De 1886 à 1896, la famille déménage au 73, rue Pigalle où Ravel commence déjà à travailler sur ses premiers morceaux comme la Sérénade grotesque (1894) ou le Menuet antique (1895). Il avait en effet bénéficié dès 1887 des cours d’harmonie de Charles René qui dans une lettre publiée en 1913 notera qu’il remarque chez son élève des prédispositions pour un « art recherché ».
En 1888, il avait pris également des cours complémentaires de piano auprès de Santiago Riera, rue Geoffroy Marie. Il se lie alors d'amitié avec le pianiste espagnol Ricardo Viñes, qui deviendra l’interprète favori de beaucoup de ses œuvres comme Pavane pour une infante défunte ou Gaspard de la nuit et avec qui il rejoignit plus tard la Société des Apaches. Celui-ci le présentera à Claude Debussy en 1901 (mais dès 1905 les deux musiciens seront plus concurrents qu’amis) !
Classe de Charles de Bériot au Conservatoire en 1895: à l'extrême gauche, Maurice Ravel, Charles de Bériot au piano, Ricardo Viñes est le quatrième en partant de la droite. © BNF.
En 1889, il est admis à 14 ans au Conservatoire de musique, rue du Conservatoire, en classe de piano. Manuel Cornejo a d’ailleurs retrouvé les appréciations données par ses professeurs au cours de ses années d’enseignement. Elles dénotent sa passion pour la musique et le montrent curieux des œuvres de beaucoup de musiciens comme Chabrier, Satie (qu’il rencontrera en 1893) ou Saint-Saëns mais aussi de Mozart … Jugé bon élève et bon harmoniste, il apparait cependant parfois un peu étourdi ! On lui reproche même lors de sa troisième année de rechercher les gros effets. Comme il n’obtient pas de récompenses lors des examens, il est alors radié du Conservatoire en1895.
De 1897 à 1900, Maurice Ravel vient habiter rue Fromentin, c’est là qu’il rédige une ouverture symphonique pour un projet d’opéra Shéhérazade (resté inédit jusqu’en 1975). C’et aussi là qu’il signe son premier contrat d’édition d’une œuvre qui lui rapporte en tant que compositeur 50 F …
En 1899, avec comme condisciple George Enesco, il rejoint le cours de Gabriel Fauré au Conservatoire, qui le juge d’abord très doué mais désordonné puis plus tard trouvera qu’il « tend à s’assagir » … En 1900, le même Fauré le qualifie d’excellent élève et très épris de nouveauté. Les deux musiciens garderont d’ailleurs toute leur vie une grande estime l’un pour l’autre. Maurice Ravel ne réussira pas pour autant à rester une fois de plus au Conservatoire faute d’être récompensé en fin d’année. La fugue qu’il compose à cette occasion est jugée en effet impossible à jouer à cause de ses incorrections d’écriture ! Il poursuivra cependant sa participation au cours en tant qu’auditeur libre.
En 1901, il vient habiter au 40 bis, rue de Douai. En 1905, Manuel Cornejo nous raconte que le père et le frère de Maurice Ravel qui avaient conçu la machinerie du Tourbillon de la mort, attraction à succès du Casino de Paris, sont poursuivis en justice à la suite de l’accident mortel d’une jeune conductrice de l’engin. Ils seront cependant tous les deux blanchis, mais cet événement touchera beaucoup Maurice Ravel.
Entre 1900 et 1905, le musicien n’arrivera jamais à gagner le prix de Rome, hormis le 2e prix en 1901. Cela sera d’ailleurs la source d’une véritable « affaire Ravel », illustration d’une vive querelle entre académisme et tendances avant-gardistes …
Lecture à la Société Musicale Indépendante présidée par Gabriel Fauré.
Notre conférencier poursuit son intervention en continuant d’évoquer d’autres lieux du 9e fréquentés par Maurice Ravel comme la Société Musicale Indépendante qu’il fonde dans les 1909/1910, rue Bergère.
A partir de cette date, il fréquente aussi assidument le salon de Xavier Cyprien Godebski, dit Cipa, et de sa femme Ida, 22, rue d’Athènes, dont il deviendra un ami proche et réside souvent à côté, à l’hôtel d’Athènes. Il entretiendra d’ailleurs une importante correspondance pendant de longues années avec eux ... Pour les enfants Godebski, il composera la suite pour piano Ma mère L’Oye. Manuel Cornejo nous indique aussi qu’en tant que président des Amis de Maurice Ravel, il tente de faire apposer une plaque à cette adresse car rien n’évoque aujourd’hui la présence du musicien dans l’arrondissement. Il poursuit en informant les personnes présentes salle du Conseil qu’une des descendantes de cette famille assiste à la conférence.
Enfin notre conférencier nous parle rapidement d’un autre lieu fréquenté par Maurice Ravel, le Critérion-Fouquet's Bar, 121, rue Saint-Lazare (devenu le Marco Polo), café où il voyait ses amis. Celui-ci protégeait en effet beaucoup sa vie privée dont on ne sait donc pas grand-chose. Manuel Cornejo nous montre alors une copie d’un courrier écrit sur le papier à en-tête de l’établissement avec l’effigie de Johnny Walker !
Le Belvédère, maison de Maurice Ravel à Monfort-l'Amaury © Lionel Allorge.
Maurice Ravel ira habiter dès 1921 à Montfort-l’Amaury dans une maison qu’il achète, appelée le Belvédère et qui deviendra un musée après sa mort à 62 ans en 1937, à l’issue d’une opération d’une maladie cérébrale tentée sans succès dans une clinique parisienne. Sa vie parisienne continuera cependant d’être intense pendant cette deuxième partie de sa vie.
La conférence fort intéressante et illustrée par de nombreux documents originaux trouvés par Manuel Cornejo allait alors s’achever, après également quelques interventions complémentaires d’auditeurs dans la salle.
Emmanuel FOUQUET
© 9ème Histoire - 2019
Catégorie : - Echos du Terrain
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