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Le Boulevard au XIXe

© A. Boutillon 2008  © 9e Histoire 2008 - 2014


CAFÉS ET RESTAURANTS DU BOULEVARD
AU XIXe SIÈCLE

 

Le mot boulevard  vient du  néerlandais bolwerc, qui désignait un rempart (1)Le Boulevard, ou le Cours, comme on disait alors, est une création de Louis XIV  lorsque, décidant de faire de Paris une ville ouverte, il ordonne, à partir de 1672, la démolition de l’enceinte.  De la Bastille à la Madeleine est) ainsi aménagée une longue promenade plantée d’arbres, où l’on peut louer des chaises pour profiter des premiers rayons de soleil, et qui marquera encore longtemps la limite septentrionale de Paris. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le Boulevard restera très campagnard, seulement bordé de quelques hôtels particuliers. Le Directoire en fera la promenade à la mode, où apparaîtront  progressivement boutiques et lieux de divertissement.  Entre temps, chacune de ses différentes sections a reçu un nom, qui sera souvent changé au fil du temps et des événements. 

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Entre la Madeleine et la rue de la Chaussée d’Antin subsistera longtemps, en contrebas du boulevard, la rue Basse-du-Rempart, correspondant au fossé de la vieille enceinte. Cette rue n’a jamais eu qu’un seul côté, le côté nord : au sud, c’est le trottoir des boulevards qui la longe.  Elle ne disparaîtra complètement qu’en 1902.

Au XIXe siècle, la partie la plus élégante de cette succession de boulevards, c’est le boulevard des Italiens, que ses aficionados appellent simplement le Boulevard.  Dans la journée, les promeneurs se pressent sur son côté nord, le côté du soleil, celui qui, plus tard, bordera l’actuel neuvième arrondissement… Surnommé le petit Coblenz sous le Consulat, en raison du grand nombre d’anciens émigrés qui le fréquentent, il sera rebaptisé, lors de la seconde émigration de Louis XVIII pendant les Cent-Jours, boulevard de Gand, ce qui engendrera les gandins, successeurs des incroyables des dernières années du siècle précédent et prédécesseurs des dandys de la Monarchie de Juillet. Le soir venu, cependant, l’animation est sur les deux bords et gagne le boulevard Montmartre.

Bien que plusieurs cafés et restaurants y aient vu le jour sous le Directoire et le Consulat,  c’est sous la Monarchie de Juillet que ce coin de Paris  connaîtra sa plus grande vogue.  En effet, le quartier bénéficiera du déclin, amorcé en 1830 avec l’avènement de Louis-Philippe, du Palais-Royal ; celui-ci avait été, pendant une cinquantaine d’années, le centre des plaisirs parisiens, mais,  assaini par le roi citoyen, il n’attirait  plus les foules.  

Nous commencerons notre flânerie sur le Boulevard à la rue de la Chaussée-d’Antin.  A son coin avec le boulevard des Capucines se trouve encore l’ancien hôtel de Montmorency, qui ne sera démoli que sous le second Empire et à l’emplacement duquel s’installera le théâtre du Vaudeville, chassé de la place de la Bourse par le percement de la rue du 4-Septembre.

Le Café Foy

L’autre angle est occupé par le Café Foy (2)au rez-de-chaussée d’un immeuble construit à l’emplacement de la caserne des Gardes-françaises, démolie en 1792.  En 1836, il est dirigé par un certain Nibaut, avant d’être repris, quelques années plus tard, par les frères Louis et Jules Bignon, qui en font un restaurant à la mode, parmi les meilleurs de l’époque.

En 1847, Jules en reste seul propriétaire quand son frère Louis va s’installer au Café Riche. Une dizaine d’années plus tard, l’un de ses clients sera Gioacchino Rossini, qui, habitant l’étage au-dessus, y descendra souvent en voisin. 

En 1878, Bignon vend son restaurant à Paillard, déjà propriétaire du restaurant Maire, au coin du boulevard de Strasbourg, pour aller s’installer sur la toute nouvelle avenue de l’Opéra.

Le Café de Paris

Un peu plus loin, formant l’angle ouest de la rue Taitbout, se trouve le Café de Paris.  Il a ouvert en juillet 1822, à grand renfort d’affiches publicitaires, au rez-de-chaussée de l’ancien hôtel de Brancas, devenu propriété de Lady Yarmouth, marquise de Hertford, dont le fils cadet est le célèbre dandy  Lord Henry Seymour Conway. Ce rez-de-chaussée avait été loué au  prince Demidoff, « ce podagre millionnaire, dont la goutte était moins incurable que l’ennui » (3), et dont le fils Anatole fut l’époux de la princesse Mathilde.  Il y donnait des fêtes somptueuses auxquelles il assistait du fond de son fauteuil roulant, étant complètement impotent (4).

C’est donc dans les décors luxueux des anciens salons du boyard, qui ont conservé leurs boiseries et leurs plafonds élevés, que s’installe le nouveau restaurant. Les miroirs, les médaillons ornés d’amours, les banquettes à dossier de velours rouge, les fenêtres garnies de rideaux de mousseline, le tout éclairé par des lampes à huile et une profusion de candélabres,  forment un cadre  confortable et de bon goût.  Derrière les hautes baies cintrées, d’où l’on a une vue plongeante sur le boulevard, se déroule le ballet bien orchestré des garçons stylés ; coiffés en toupet, ils portent des vestes courtes sur des pantalons à sous-pieds et des cravates blanches à plusieurs tours qui montent jusqu’aux oreilles.

Avec l’ancien chef de la duchesse de Berry officiant aux fourneaux, dont l’une des spécialités est le bœuf aux choux, le Café de Paris devient très vite le temple du bien-manger et le rendez-vous du Tout-Paris.

Le soir, c’est à partir de six heures que le Boulevard s’anime et que l’on voit arriver, sautant de leur cabriolet, ces jeunes fashionables, qu’on appellera tour à tour dandys, lions ou cocodès. Ils gravissent, d’un air de suprême élégance, les trois marches du perron. Les cheveux soigneusement roulés et arrondis en couronne, ils portent un habit noir aux manchettes retroussées laissant voir les fameux gants jaune paille.

Le Café de Paris, tout comme ses voisins, avait installé des tables et des chaises en terrasse où, l’été, on mangeait des glaces. En 1840, le préfet Delessert s’avisa de vouloir les supprimer, invoquant un vieux règlement. Mais, devant le tollé général, il dut battre en retraite, et les terrasses revinrent sur le Boulevard !

Au fil des années, la vogue du Café de Paris va décliner ; il semble qu’on n’y mange plus aussi bien et que sa clientèle est devenue plus vulgaire et moins regardante sur la qualité des mets et des vins.  En 1856, au décès de Lady Yarmouth, c’est son fils aîné, Richard, quatrième marquis de Hertford, qui en devient propriétaire et, aux dires d’Edouard Fournier (4), ce sont ses prétentions excessives qui obligeront  le Café de Paris à fermer ses portes (5).

Tortoni                                  

A l’autre coin de la rue Taitbout, c’est Tortoni. Ouvert au début de l’Empire par un glacier italien qui avait été premier garçon chez Velloni, au pavillon de Hanovre, il devient très vite la coqueluche du Tout-Paris, qui,  l’après-midi ou le soir après le théâtre, vient y déguster punches romains, sirops, bombes glacées et plombières.

Le café occupe le rez-de-chausée de l’immeuble, précédé d’un perron, le fameux perron de Tortoni, qui surplombe le trottoir où s’alignent des tables et des chaises en paille et où l’on s’attarde à bavarder : c’est « l’endroit où il faut  être vu ».  Le restaurant est au premier étage. On y déjeune  à la fourchette, de mets que l’on choisit au buffet, garni de toutes sortes de viandes, volailles et poissons.

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