Conférence du 9 mars sur le bourreau Sanson
Charles-Henri Sanson (1739-1806)
Le bourreau qui a traversé les régimes
C’est un thème assez différent de ceux traités lors des conférences de 9ème Histoire, qui a été évoqué jeudi 9 mars dernier par notre intervenant, Jean-Michel Derex , puisqu’il s’agissait de parler d’un sujet plutôt sombre de notre histoire à travers les exécutions capitales effectuées lors de l’Ancien régime puis de la Révolution par Charles Henri Sanson, qui a habité ce qui sera plus tard notre arrondissement, et qui en a été l’un de ses principaux acteurs avec près de 3 000 exécutions ...
Portrait Sanson par Lampsonius
Notre conférencier, auteur d’une biographie de ce personnage assez particulier, trace d’abord le cadre historique et définit les rôles des principaux acteurs de l’exécution de la peine capitale.
Ainsi au XVIIIe siècle, il a été décompté jusqu’à 178 bourreaux en France avec au moins un exécutant par département, pour une justice prononcée au nom du roi et de Dieu. On sait qu’ensuite pendant la pleine période de la Révolution française entre 1789 et 1794, celle-ci ne s’est pas montrée avare non plus en exécutions …
Plusieurs personnes gravitaient autour de l’exécution de la peine capitale, qui on le sait était considérée comme un spectacle en pleine lumière précédé par un cortège dans Paris, pouvant attirer un nombreux public car sous l’ancien régime c’était aussi le moyen de montrer au peuple la puissance royale.
En premier lieu, le juge était chargé de faire avouer au présumé coupable son forfait en pratiquant la question, autrement dit la torture, en utilisant différents moyens comme le supplice de l’eau où était plongé jusqu’à l’étouffement le supplicié ou encore en brisant les genoux de celui-ci attaché sur un tabouret (qui a justifié l’expression ensuite d’« être sur la sellette »).
Le coupable ayant alors avoué devait alors « faire amende honorable » en demandant ainsi pardon, déclaration enregistrée par le greffier. La justice étant alors plutôt expéditive, l’exécution pouvait être effectuée en moins de 24h … On sait d’ailleurs qu’au plus fort de la Révolution, 35 exécutions en moyenne pouvaient être réalisées par jour (Jean-Michel Derex nous révélant même que le 7 juillet 1794, on a atteint 80 exécutions !). Fouquier-Tinville, le grand justicier de cette période, donnait même souvent sa liste des personnes concernées alors que l’exécution avait déjà été pratiquée …
L’autre personnage important en dehors du bourreau était le prêtre qui accompagnait le condamné depuis sa cellule et lors du transport en charrette jusqu’au lieu même d’exécution. Ce dernier n’avait d’ailleurs pas droit au blasphème en injuriant Dieu ou le roi.
Un acteur capital est enfin à mentionner ici, le régisseur, car les exécutions étaient aussi des spectacles qui imposaient une organisation en tant que telle avec un public qui allait même jusqu’à louer des emplacements pour assister à ce spectacle particulier (fenêtres ou balcons !). Le régisseur devait aussi s’occuper des divers accessoires nécessaires car montés spécialement pour chaque exécution, comme la roue qui tournait pour permettre au public de bien voir et où était attaché le condamné pour être brûlé ou « roué de coups », ou encore la potence pour ceux condamnés à être pendus. On sait que cette potence a été longtemps installée place de Grève (actuelle place l’Hôtel de Ville).
Jean-Michel Derex nous indique également que les nobles avaient la chance (?) d’être décapités à la hache, ce qui n’était pas d’ailleurs forcément le châtiment le moins horrible lorsque le bourreau s’avérait maladroit en ratant son coup, ce qui fut le cas parfois pour Charles-Henri Sanson lui-même…
Un bourreau au XVIIIe siècle (représentation du XIXe siècle)
Il précise aussi que la plupart des suppliciés étaient ensuite enterrés au cimetière de Picpus pendant la Révolution.
Notre conférencier ajoute qu’en dehors de la peine capitale, on pouvait condamner quelqu’un à être marqué au fer rouge, en cas de vol par exemple, ou à être lapidé au pilori, en étant attaché à un poteau dans un carcan.
Comment ne pas parler de l‘apparition de la guillotine, instrument qui allait « moderniser » la peine capitale, jusque-là pratiquée de façon artisanale si l’on peut dire (et qui perdura jusqu’à l’abolition de la peine de mort en 1981). C’est un certain docteur Guillotin qui fait adopter cette machine à l’assemblée constituante dès 1789 (décision qu’aurait approuvé aussi Louis XVI !), conçue par le docteur Antoine Louis et dont le prototype a été réalisé par un facteur de pianos !
Mais il faut attendre avril 1792 pour que les premiers essais de la guillotine soient réalisés avec la participation de Charles-Henri Sanson, de ses deux frères et de son fils Henri, sur des cadavres d’abord puis sur des moutons. La première exécution publique sera d’ailleurs pratiquée quelques jours plus tard en place de Grève.
Notre conférencier aborde alors l’évocation de la vie de Charles-Henri Sanson lui-même.
Descendant d’une famille de bourreaux depuis Louis XIV, il nait en 1739 dans une maison plutôt discrète où s’était installé son père Charles-Jean Baptiste dès 1707 et dont l’entrée se trouvait au niveau de l’actuel 69, rue du faubourg Poissonnière (rue Sainte-Anne à l’époque). C’était en fait une grande propriété avec deux puits et un verger dans lequel on accédait par un petit escalier, longeant ce qui était alors la rue d’Enfer, très peu lotie encore, pour aller jusqu’à l’emplacement de l’actuel square Montholon.