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Cité Trévise un havre de paix dans le 9 émé

La cité Trévise, un havre de paix dans le 9e

par Hélène Tannenbaum  

photos d'hélène Tannenbaum et d'emmanuel Fouquet

 square de la Cité Trévise

© Hélène Tannenbaum

La cité Trévise est percée en 1840 à l'emplacement de l'hôtel du maréchal d’Empire Nicolas-Joseph Maison (1771-1840), construit par l’architecte Nicolas Lenoir (1733-1810) en 1786.

A son entrée nord, à la hauteur du n°7 de la rue d’Enfer, se cachait, à l’époque de Louis XVI, une « petite maison » de rendez-vous galants. Au XXe siècle, au même emplacement, un grand garage se prolongeait jusqu’au 11 bis, cité Trévise, avant d’être remplacé, en 1998, par un immeuble d’habitation moderne.

Plus au sud, se trouvait une vaste brasserie flamande que l’on pouvait encore voir sur le plan Maire de 1808.

Entre 1800 et 1827, la population parisienne est passée de 547 000 à 890 000 habitants, ce qui explique les nombreuses opérations immobilières menées par les banquiers et les architectes pour faire face aux problèmes de logement de l’époque et répondre au besoin de grand air et de verdure qui se faisait déjà sentir au cœur de la capitale.

L'initiative du lotissement de la cité Trévise revient à des spéculateurs qui souhaitaient satisfaire les demandes d’une population aisée, dont les activités dans le milieu de la banque et des affaires se situaient à proximité.

Adolphe Joanne, dans :  Paris : Nouveau guide de l’étranger et du Parisien de 1867, définit ainsi la cité : « On désigne sous le nom de cités des rues ouvertes par des particuliers sur leurs propres terrains et qui ne sont point livrées à la circulation publique. Plusieurs de ces cités situées dans des quartiers riches et luxueux, sont devenues, grâce aux magnifiques hôtels qu’elles renferment et au calme dont on y jouit, le séjour privilégié de l’aristocratie et de la finance » et il donne pour exemples les cités d’Antin, Bergère, Trévise et Vindé.

Pour la cité Trévise, il ajoute la description suivante : « Elle décrit une ligne brisée dont le milieu s’élargissant en forme de place est décoré d’une fontaine jaillissante qu’entoure un gracieux parterre. Les entrées de la cité sont fermées de belles grilles ».

La cité Trévise porte le nom d’Edouard Mortier (1768-1835), maréchal d’Empire qui s’était signalé lors des campagnes de Prusse et de Pologne et avait reçu de Napoléon, en 1808, le titre de duc de Trévise. Plus tard, devenu président du conseil du roi Louis-Philippe, il avait perdu la vie lors de l’attentat (dit attentat de Fieschi) perpétré contre le roi, boulevard du Temple, en 1835. Pour honorer sa mémoire, il avait été décidé en 1836 de donner son nom à une rue qui allait être percée entre la rue Richer et la rue Bleue (non loin de là où Mortier avait édifié son hôtel particulier), avant d’être prolongée en 1844, côté sud, jusqu’à la rue Bergère et en 1859, côté nord, jusqu’à la rue La Fayette. Le même nom a été aussi donné à la nouvelle cité percée à proximité.

C’est à Edouard Moll (1797-1876), élève de François Debret, initié à l’art antique lors d’un séjour à Rome et connu pour avoir été chargé de l’entretien et de la restauration de la basilique Saint-Denis, que sont confiées la planification et la construction des immeubles de la cité destinés à accueillir une clientèle bourgeoise.

Gravure du journal l’Illustration (1844)

Les promoteurs de cette cité en vantaient les avantages en 1840 : « Bâtie dans le quartier le plus fréquenté et par conséquent le plus bruyant de Paris, la cité Trévise offre, au milieu du bruit des affaires et des plaisirs, une retraite agréable aux personnes amies du calme et de la tranquillité. Des concierges en livrée et des gardiens de nuit sont chargés de l’entretien et de la surveillance. Tout, en un mot, a été ordonné et prévu pour faire de cette nouvelle cité l’une des plus coquettes et des plus confortables habitations de la capitale »

Un journaliste de l’Illustration écrivait en septembre 1844 : « Placée près des boulevards, au centre du haut commerce et de la banque, cette nouvelle cité dont les hôtels et les maisons d’habitation entourent un parterre émaillé de fleurs, au milieu duquel s’élance une fontaine jaillissante, offre la retraite la plus agréable au milieu du bruit des affaires et des plaisirs ».

Cette cité dont les habitations jouissaient du confort moderne (branchements d’eau et de gaz « à tous les étages ») était privée, fermée aux deux extrémités par des grandes grilles et régie selon un règlement intérieur qui disait notamment : « Interdiction absolue est faite d’établir des boutiques à l’usage du commerce , comme aussi d’y exercer ou d’y laisser exercer aucune profession insalubre, aucun métier ou commerce de marchandises, d’y établir des ateliers quelconques d’ouvriers, de louer à des personnes de mauvaise vie ou mœurs ou tenant des établissements publics de quelque espèce que ce soit ».

La rémunération des gardiens en livrée, l’entretien du jardin, les branchements au gaz et à l’eau ainsi que « l’établissement d ’un trottoir en asphalte bordé de granit d’une largeur d’un mètre » devant la propriété, étaient à la charge des copropriétaires.

Ce n’est qu’au début des années 1950, que la cité est ouverte à la circulation avant de devenir une voie publique en 1983.

On peut noter que curieusement, à chaque entrée, figurent à la fois les plaques anciennes et nouvelles : cité Trévise et cité de Trévise ...

© Emmanuel Fouquet

Assez cachée du grand public, la cité est vraiment très représentative des constructions de la monarchie de Juillet ce qui lui valut, en 1991 d’être inscrite, dans son ensemble, à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques (à l’exclusion de certains immeubles construits vers la fin du XIXe siècle ou postérieurement).

Au centre de la voie se trouve un square à l’anglaise entouré d’un grillage et au milieu duquel s’élève

une fontaine à deux vasques séparées par Trois Grâces (Aglaé, la Splendeur, Euphrosine, l’Allégresse,

et Thalie, l‘Abondance), qui se tiennent dos à dos et semblent former une ronde. Cet ensemble est

l’œuvre du sculpteur Francisque-Joseph Duret (1804-1865), prix de Rome 1823, qui s’était

inspiré de la sculpture réalisée par Germain Pilon (1528-1590) pour le monument

funéraire abritant le cœur du roi de France, Henri II, et située dans la chapelle d’Orléans de l’église

du couvent des Célestins, dans le Marais (le couvent a été détruit pendant la révolution mais la

sculpture a survécu et est, aujourd’hui, exposée au Louvre).

sculpture de Germain Pilon, Musée du Louvre

Dans le petit jardin, s’élèvent quatre érables sycomores entourés par un parterre aujourd’hui japonisant.

Sur la place, quelques immeubles remarquables sont à signaler dont quelques-uns, par leurs réminiscences de l’époque de la Renaissance, illustrent effectivement ce goût architectural propre à la Monarchie de Juillet ; ainsi au n° 11 bis, se dresse un immeuble qui fait angle et possède la seule entrée un peu monumentale de la cité ; son porche, voûté en plein cintre, est encadré de colonnes cannelées à chapiteau ionique et décoré par deux dragons griffus et ailés. Les fenêtres du rez-de-chaussée arrondies sont prises dans un appareil de refends. A l’angle de l’immeuble à pan coupé une niche restée vide repose sur un chérubin ailé avec, au-dessus, un médaillon entouré de cornes d’abondance et dans lequel est sculpté le beau visage d’une femme au chignon bas, vue de profil.