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Claude MONET et le 9ème

Claude Monet et le 9e arrondissement

par Michel Güet

Photo Monet par Nadar(1899)

Dès la première partie du XIXe siècle, notre arrondissement a été le point de rencontre de peintres illustres tels qu’Eugène Delacroix, Théodore Géricault ou encore Horace Vernet, qui y avaient un temps installé leurs ateliers. D’autres peintres allaient aussi marquer ici les nouveaux courants artistiques éclos à la fin de ce même siècle, comme Claude Monet qui va naître à l’emplacement du 45, rue Laffitte, le 14 novembre 1840, au 5e étage d’un immeuble des années 1830, aujourd’hui disparu, situé alors dans le 2e arrondissement, lui qui aimait à rappeler qu’il était un ” Parisien de Paris ”.

Second de la fratrie, après Léon, son aîné de quatre ans, Claude est baptisé le 28 mai 1841 à l'église Notre-Dame-de-Lorette sous le nom d'Oscar Claude, comme le sera plus tard, dans cette même église, Paul Gauguin. La situation financière de ses parents amène la famille à s’installer début 1845 au Havre. Préférant l’école buissonnière à l’étude, l’enfance et l’adolescence de Claude se passent à « courir sur les falaises et à barboter dans l’eau ».

Au collège, le jeune garçon développe un goût certain et du talent pour le dessin. Sa mère décède alors qu’il n’a que 17 ans. Délaissant les études, il continue à pratiquer le croquis, notamment la caricature, et commence à peindre sur les conseils et encouragements d’Eugène Boudin rencontré dans la boutique de papeterie et d’encadrement du Havre.

Comprenant qu’il ne pourra faire carrière qu’à Paris, Claude Monet revient dans la capitale en mai 1859, à l’âge de19 ans et séjourne d’abord à l'hôtel du Nouveau Monde, place du Havre, puis au 31, rue Rodier. Il fréquente la Brasserie des Martyrs au n°9 de cette rue, où se réunissent Gustave Courbet, les réalistes, les peintres de plein-air, les rapins et autres bohèmes. Il y gagne quelques sous, en croquant les clients auxquels il vend ses caricatures.

Caricature de Jules Didier par Monet (1860)

Avant son départ pour l'armée en Algérie (1860 -1861), il demeure pendant quelques mois au 18, rue Pigalle.

À son retour d'Algérie, il s'inscrit pour des cours de peinture à l'Académie Suisse où il étudie et rencontre notamment Pissarro. Les leçons sur le beau et l’antique ne séduisent guère les deux hommes qui préfèrent la peinture en plein air.

Domicilié alors au 8, rue Notre-Dame-de-Lorette, il fréquente à nouveau en 1860 la Brasserie des Martyrs « une brasserie où je perdis beaucoup de temps et qui me fit le plus grand mal », dira-t-il plus tard. Durant l’été 1862, puis en 1864, il rejoint son maître Eugène Boudin et le peintre néerlandais Jongkind sur la côte Normande à Honfleur, auprès desquels il travaille fructueusement et devient un paysagiste de plein air.

Monet fréquente très brièvement l’atelier de Charles Gleyre où il fera la connaissance de Bazille, Renoir et Sisley mais en désaccord avec le maître du lieu sur la façon de représenter la nature, ils quitteront simultanément l’atelier.    

En 1864, il partage un atelier avec Bazille, rue de Furstenberg, au-dessus de celui de Delacroix qui s’était installé là en 1857 après avoir quitté son atelier de la rue Notre-Dame-de-Lorette pour se rapprocher de la chapelle qu’il décorait à l’église Saint-Sulpice. C’est là que Monet Sèvres pour des raisons financières, mais reste en contact avec les brasseries du quartier, lieux de rencontres et d'échanges entre artistes peintres, écrivains et amateurs d'art.

En 1867, le peintre Frédéric Bazille lui prête son atelier près des Beaux-Arts puis en 1868-1869, son atelier rue de la Paix (actuelle rue de la Condamine dans le 17e).

Atelier de et par Bazille (1870) © Google art project

En 1867, Camille, sa compagne, met au monde leur premier enfant prénommé Jean. Monet loue alors un petit appartement dans le 17e arrondissement et fréquente le Café Guerbois situé à l’actuel n°9 de l’avenue de Clichy  se retrouvent les artistes Manet, Degas, Renoir, Sisley, parfois Cézanne et Pissarro, des gens de lettres, des collectionneurs… Il écrit à cette occasion : « on y faisait des provisions d’enthousiasme… on en sortait toujours mieux trempés la volonté plus ferme, la volonté plus nette et plus claire. »

En 1870 éclate la guerre franco-prussienne et Monet fuit pour mettre sa famille à l’abri en s’exilant à Londres où il reste jusqu'à la fin mai 1871. Il retrouve là Camille Pissarro et fait la connaissance du marchand d’art Paul Durand-Ruel qui, désormais, soutiendra les deux artistes ; son fidèle ami Bazille sera lui tué pendant le conflit.

A Londres, Monet a une révélation en fréquentant la National Gallery où il découvre la magie des peintres anglais Constable et Turner et c’est aussi dans la capitale anglaise qu’il fera la connaissance du peintre américain James Abbott McNeil Whistler qui aura une influence sur sa peinture.

Il revient en France par la Hollande où il acquiert, à Amsterdam, un lot d’estampes japonaises. Ces estampes ainsi que la peinture anglaise vont influencer sa manière de peindre. A Paris, la vogue du ”Japonisme” est alimentée alors par la galerie Bing, spécialisée dans les estampes japonaises et située à l’angle des rues Chauchat et de Provence, fréquentée par Van Gogh et probablement aussi par Monet.

A son retour à Paris, en 1871, le peintre loue un appartement à Argenteuil jusqu'en 1874. Le train lui permettant de rejoindre la capitale facilement, il loue un atelier de 1872 à 1874 en lisière du 9e.

Se heurtant aux refus répétés du jury du Salon Officiel et afin de pouvoir exposer librement, Monet, Renoir, Pissarro, Degas et Berthe Morisot fondent la ”Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs”.

En 1873, Monet peint Le Boulevard des Capucines et en 1874, du 15 avril au 15 mai, se tient au n°35 de ce même boulevard, dans les locaux de l’ancien atelier du photographe Nadar, la première exposition du mouvement qu’on qualifiera plus tard d’impressionniste, à la suite des moqueries exprimées par le critique d’art Louis Leroy devant le tableau de Monet représentant le port du Havre et intitulé Impression, Soleil levant, celui-ci ironisant sur le terme « Impression » !

Monet Impression, Soleil levant (1872), Musée Marmottant Monet

Les années 1870 verront alors la constitution du groupe des Impressionnistes que le marchand d’art Durand-Ruel avait pris le risque de représenter et d’exposer dès le début de la décennie.

A cette époque, Renoir, avec lequel Monet expose, occupe un appartement au 35, rue Saint-Georges. Degas, né rue Saint-Georges, vit au 77, rue Blanche, et Boudin au 11, place Vintimille. Monet fréquente désormais le Café de la Nouvelle Athènes de la place Pigalle, où, là aussi, les artistes se retrouvent.

Monet, comme les autres peintres du mouvement, sera un fidèle client du Père Tanguy, le marchand de couleurs de la rue Clauzel qui lui fournit des toiles et du matériel de peinture et l’expose le jeudi dans sa vitrine tout comme il expose d’autres amis artistes. Monet, caricaturiste, ne sembla pas plaire à l’expert Honoré Daumier qui bouda sa toile placée en vitrine, ce pour quoi Monet lui en garda rancune.

Gustave Caillebotte, lui aussi, vint généreusement à l’aide des trois peintres Monet, Renoir et Pissarro.

Dans les années 1877-1878, Monet travaille dans un nouvel atelier, au n°17 de la rue Moncey, et c’est à cette époque qu’il exécute une dizaine de versions de la gare Saint-Lazare et qu’il peint les grands boulevards et les quartiers haussmanniens qui sont aussi les quartiers des marchands d'art.

Gare Saint-Lazare, arrivée d’un train par Monet, 1877 © wikimedia

Paul Durand-Ruel dispose de galeries où les tableaux de Monet seront exposés au 16, rue Laffitte et au 11, rue Le Peletier ; Ambroise Vollard, quant à lui, occupera successivement les n°39, 41 et 6 de la rue Laffitte.

En 1878, il quitte Argenteuil pour s'installer à Vétheuil avec les Hoschedé. Ernest Hoschedé, critique d’art et collectionneur, avait chargé, en 1876, Claude Monet de peindre certains des panneaux du salon de son château de Rottembourg à Montgeron avant de faire de mauvaises affaires qui le mèneront quasiment à la faillite et à la vente de sa collection. A cette époque Monet peine à vivre de sa peinture et connaît alors des années très difficiles. Sa vie privée est également compliquée puisqu’après le décès de son épouse Camille, en septembre 1879, il se retrouve avec deux enfants, Jean et Michel, auxquels s’ajoutent les six enfants d’Ernest et d’Alice, femme avec laquelle Claude Monet partagera désormais sa vie et qu’il épousera après le décès d’Ernest en 1891.

Le n° 20 de la rue de Vintimille, prêté par Gustave Caillebotte, sera son pied à terre parisien de 1878 à 1882. Il se retrouve à proximité de son maître Eugène Boudin, qui demeure Place Vintimille et dont il dira : « J’ai dit et le répète, je dois tout à Eugène Boudin ».

En 1879, Monet expose avec Pissarro et Sisley dans les locaux du quotidien L'Événement situé au n°10, boulevard des Italiens. Puis en 1883, il s’éloigne de nouveau de Paris, ville toujours trop chère pour lui et s'installe dans une maison à Giverny dans l’Eure à la porte de la Normandie. Il entretient et agrandit progressivement son jardin ainsi que le plan d’eau.

Claude Monet reste pourtant attaché et constant en amitié et continue en effet à fréquenter Le Café de La Nouvelle Athènes de la place Pigalle, nouveau lieu privilégié de la sociabilité artistique, ou encore Le Café de la Paix, place de l’Opéra. 

Café de la Nouvelle Athènes © wikimedia

  

Il retrouve Renoir et Pissarro au café Riche du boulevard des Italiens chaque premier vendredi du mois : les discussions artistiques se feront sur les lieux des affaires, des théâtres et du journalisme. Auguste Rodin (né à quelques jours d’intervalle de Monet), Stéphane Mallarmé, Emmanuel Chabrier sont aussi des intimes mais le lien d’amitié privilégié reste celui avec Georges Clemenceau.

Il expose à partir de 1885 à la galerie Georges Petit, rue de Sèze ; la première exposition qu’il y partage avec Auguste Rodin en 1889 signera le début de sa reconnaissance publique et critique.

Au mois de février 1894 la disparition de Gustave Caillebotte et du Père Tanguy, ses fidèles et anciens soutiens, sont de grandes pertes pour Monet.

 Si tous les artistes se retrouvent aux obsèques de leur confrère et ami en l’église Notre-Dame-de-Lorette, dont le curé n’est autre qu’Alfred Caillebotte, le demi-frère du peintre, Claude Monet sera personnellement très affecté par le décès de Gustave Caillebotte perdant en lui, à la fois un protecteur et un compagnon. Puis en 1898, ce sera une nouvelle disparition, celle d’Eugène Boudin.

Le succès lui viendra véritablement dans les années 1890 grâce à Durand-Ruel, qui exporte la peinture impressionniste aux États-Unis, ainsi qu’à l’influence de l’artiste peintre américaine Mary Cassatt qui a, un temps, demeuré avenue Trudaine, près du domicile de son ami Edgar Degas, et dont la riche amie et mécène Louisine Havemayer a beaucoup contribué à faire connaître les impressionnistes aux Etats-Unis.

Cherchant toujours à renouveler sa peinture, Claude Monet se lance dans les « séries », en reproduisant le même paysage, à différentes saisons ou à différents moments de la journée pour étudier les effets de lumière ; il peindra plusieurs tableaux représentant des meules, des peupliers, le parlement de Londres et la Tamise puis la cathédrale de Rouen avant de se consacrer aux Nymphéas que certains considèrent comme annonciateur de labstraction.  Son ami, Clemenceau, l’avait convaincu en effet de réaliser pour l’Etat des panneaux représentant des nymphéas pour lesquels l’orangerie des Tuileries serait transformée en musée et que le peintre pourrait aménager à son gré,

Monet s’éteint à l’âge de 86 ans. Une fois arrivé à Giverny pour ses funérailles, Clemenceau arrache le drap noir qui recouvrait le cercueil du peintre en disant : « Non pas de drap noir pour Monet ! » et le remplace par une nappe imprimée de fleurs.

Clemenceau et Monet à Giverny (1921) © wikimedia

En 1927, peu après le décès de Claude Monet, grâce à son ami Georges Clemenceau pourtant retiré de la vie politique depuis 1920, les Nymphéas s’exposent alors à l'Orangerie dans les fameuses salles elliptiques, mais avec une assistance très réduite à l'inauguration…

L’impressionnisme n’a pas été seulement le génie d’une poignée d’artistes, c’est une incontournable période de l’histoire de la peinture, qui s’est jouée en grande partie dans notre arrondissement. C’est aussi et surtout l’histoire d’une quête collective pour une esthétique picturale sans précédent. Il a été souvent écrit qu’Eugène Boudin fut le précurseur du mouvement impressionniste mais ce mouvement a un chef de file : il s’appelle Claude Monet !

Une plaque dédiée à l’artiste fut dévoilée le 20 juin 2023 au 45, rue Laffitte en présence d’élèves et de leurs enseignants référents de l’école du 5, rue Milton qui ont travaillé durant l’année sur le peintre.

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Date de création : 30/04/2024 • 02:10
Catégorie : - Articles-Artistes
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