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Marie Lureau & Léon Escalaïs

© D. Chagnas 2015 © 9e Histoire 2015
 

MARIA LUREAU ET LÉON ESCALAÏS,
UN MÉNAGE DE CHANTEURS D'OPÉRA DANS LE 9e



 

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Léonce Antoine Escalaïs est né à Cuxac-d’Aude, le 8 août 1859. Son père est cafetier. A quinze ans, Léon aide son père à servir les clients au « Café des Républicains ». Il chante du matin au soir, à tel point que le maire de Cuxac doit prendre un arrêté pour limiter les heures de chant dans les rues. Entré à 18 ans au Conservatoire de Toulouse, il y reste trois ans et obtient tous les prix de solfège et le premier prix de chant, avant de venir chercher la consécration à Paris.

Marie Annette Lureau est née le 14 février1860 à Montreuil-sous-Bois. Son père, marchand de vin et traiteur, fait donner à sa fille unique une solide éducation. La jeune demoiselle privilégie la musique, au point de s’exercer la nuit en cachette de ses parents. Consulté, Eugène Crosti, professeur au Conservatoire, prend la jeune fille dans sa classe en 1878.
 

LE CONSERVATOIRE NATIONAL DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION

Doté d’une bourse, Léon Escalaïs entre au Conservatoire de Paris, en 1881. Il a 21 ans. Eugène Crosti est son professeur de chant, Louis-Henri Obin son professeur d’Opéra. Au Conservatoire de la rue du faubourg-Poissonnière, Léon Escalaïs fait la connaissance de Maria Lureau, élève dans la classe de Crosti.
 

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Eugène Crosti                                        Marie Lureau                                                    Léon Escalaïs

Premier second prix au concours de 1881, Maria Lureau remporte l’année suivante (1882) à l’unanimité et sans partage, le premier prix de chant dans l’air de la reine de Navarre dans Les Huguenots (Meyerbeer). Cette distinction lui vaut un engagement à l’Opéra.

Les concours de juillet 1882 au Conservatoire
Le vendredi 21 juillet 1882, un deuxième accessit ex æquo, résultat plutôt médiocre, récompense les si de poitrine que le jeune ténor Léonce Escalaïs avait prodigués dans l’air de l’Africaine.
Parmi les candidates du concours du lendemain, Marie Lureau, élève également d’Eugène Crosti remporte le premier prix dans l’air « O beau pays de la Touraine, riants jardins…» (Les Huguenots, acte II) dont elle termine la strette par un mi aigu « plus étonnant peut-être qu’agréable »
Dans le jury, siégent Madame Caroline Miolan-Carvalho et Madame Pauline Viardot. Elles sont  acclamées à leur arrivée.
 

LES DÉBUTS À L'OPÉRA GARNIER

Les débuts de Melle Lureau à l’Opéra ont lieu le 27 novembre 1882 dans le rôle de la reine Marguerite de Navarre dans Les Huguenots. Le public et  la presse lui  font un triomphe. Devant un tel succès, le directeur de l’Opéra, Emmanuel Vaucorbeil, double ses appointements.
Maria Lureau  reste fidèle à la troupe du Palais Garnier. Elle chante plusieurs grands rôles : Mathilde de Guillaume Tell (Rossini)  en 1883, Marguerite de Faust (Gounod) en 1883, 85, 87, 88.

Ayant obtenu le prix de chant et le second prix d’opéra en 1883 à sa sortie du conservatoire de Paris, Léon Escalaïs débute à l’Opéra de Paris le 12 octobre 1883, dans Guillaume Tell. C’est un succès éclatant.

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UN MARIAGE DIGNE DE L’OPÉRA

Le 14 février 1884, « à midi très précis », l’église Notre-Dame-de-Lorette s’est transformée en salle de concert. Maria Lureau et Léon Escalaïs marient aujourd’hui leurs lauriers. Aux portes de l’église, la foule se presse aussi bruyante que pour un soir de première. À l’intérieur, les invités et les curieux intriguent pour obtenir une place, pour voir et pour entendre. On reconnaît dans l’assistance beaucoup d’acteurs et d’actrices descendus de la scène profane. On a dit aussi qu’à cette occasion  les meilleurs artistes de l’Opéra se feraient entendre. En tout cas on entendra le oui sonore d’Arnold. Est-ce au mariage de Marguerite et de Faust,  d'Isabelle et de Robert que l’on va assister ?
L’Opéra et le Conservatoire de Paris les ont réunis, ils sont aujourd’hui les témoins de leur union. Sur le registre des mariages, on relève les paraphes d’Eugène Crosti, leur professeur de chant au conservatoire et de Louis Emile Réty, secrétaire général du Conservatoire. Emmanuel Vaucorbeil, directeur  de l’Opéra a signé lui aussi.

En cette fin de matinée de février 1884, l’église Notre-Dame-de-Lorette entre le Conservatoire et l’Opéra , est bien l’église d’un village d’artistes. Maria Lureau habite chez son père (sa mère est décédée en 1880) 40 rue des Martyrs. (À cette même adresse, ont demeuré le jeune Maurice Ravel et sa famille de 1875 à 1880). Son témoin et professeur Eugène Crosti habite en face, au n°35 de la rue des Martyrs. Léon Escalaïs est domicilié rue Buffault au n°19.
 


Après leur mariage, Maria et Léon Escalaïs parcourent le monde entier, se produisent ensemble dans les mêmes œuvres, chantent sur les mêmes scènes. Leur carrière et leur succès marchent de pair. En 1896 des ennuis de santé mettent un terme à la carrière de Maria Lureau qui se consacre alors à l’enseignement du chant. La voix de la soprano s’éteint en 1923.

À la fin de sa vie, Léon Escalaïs qui a quitté la scène seulement en 1912, enseigne le chant dans le pavillon qu’il habite à Montmartre, à l’ombre d’un immeuble, 46 rue de la Rochefoucauld.
 

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Didier CHAGNAS
 

© D. Chagnas 2015 © 9e Histoire 2015



 

LE 9e DEPUIS BALZAC, C'EST L'HABITAT NATUREL DES ARTISTES !


Maubeuge, la Tour d’Auvergne, Martyrs, combien d’artistes lyriques avaient leurs adresses dans ces rues-là ! Rentrant de l’Opéra, de l’Opéra-Comique, en vingt minutes à pied, ils étaient chez eux.  Ces oiseaux (par la voix) sont sédentaires, ils aiment être chez eux, calfeutrés contre les courants d’air. Les chanteurs français autrefois s’exportaient aussi peu que possible. Paris était toujours Ville-Lumière et leur suffisait, plus les fructueuses tournées en province. Ils vivaient et travaillaient dans leur quartier. On en a vu vers 1950 quelques uns, retraités, oubliés, qui se retrouvaient à midi rue Lamartine, chez Mme Babet. Quel capharnaüm ! Cinq chats ayant tous des noms d’opéra (Werther, Manon, Sigurd etc.), et toute la musique d’occasion du monde, sur des étagères et à même le plancher. Mme Guionie (vedette en 1900) descendait de la rue de Navarin, Alexandre (second plan déclinant) de la rue Choron, Le Prin (simple utilité) remontait son prénom à crinière, prêt à servir tout chauds les derniers potins. On se souvenait des meilleurs jours. Et les noms s’évoquaient.

Un revenait souvent : Escalaïs, chaque fois qu’il fallait nommer quelqu’un d’incontestable, irremplacé, pour mieux déplorer la décadence du chant et du théâtre lyrique tels qu’ils sont devenus. Lui avait été le type du fort ténor à la française, avec la voix de Bon Dieu du midi (il était de Cuxac-d'Aude). Il portait haut son prénom à crinière, Léon : la légende dit qu’il avait aligné quatre fois d’affilée l’air « Supplice infâme » du Trouvère de Verdi, avec seize contre-ut claironnés à gorge déployée. Un modèle, de santé, de franchise vocale, d’endurance, de tout. Il avait très fortement attaché son nom au quartier, entre Conservatoire et Opéra, paroisse et domicile. C’est l’organiste de la toute proche Trinité qui l’avait remarqué dans son bled. Admis au Conservatoire, il s’y fiançait avec Maria Lureau, pure enfant du quartier ; se mariait à Notre-Dame-de-Lorette après leurs Prix à tous deux ; débutait comme elle à l’Opéra, jusqu’où ils n’avaient qu’à se laisser descendre par la rue La Fayette. Ils y chanteront ensemble, des années, le répertoire où lui, partout en Europe (et une fois en Amérique, ce qui à l’époque était exceptionnel) était considéré numéro 1 mondial : les Huguenots, Robert le Diable, Guillaume Tell. Elle, voix à vocalises, était plus fragile, de santé aussi. Couple mieux qu’uni, inséparable : un ménage d’opéra, très bourgeois ménage pourtant, bientôt fixé rue de la Rochefoucauld entre cour et jardin, où Madame la première commencerait à donner des leçons, formant des élèves (qui un jour à leur tour dans le même quartier etc. l’Histoire est un perpétuel recommencement). Monsieur chantera largement plus longtemps : professeur glorieux au Conservatoire, chevalier de la Légion d’Honneur (c’était rarissime pour un artiste lyrique). Ses disques (de 1905  et ensuite) nous ont conservé sa voix vibrante et claire, faisant prime dans les emplois héroïques que Caruso n’aurait jamais osé aborder.
 

André Tubeuf 

André Tubeuf a publié:
- Dictionnaire amoureux de la musique, Plon, 2012
Je crois entendre encore …, Plon, 2013 
- Hommages, Actes Sud, 2013


Date de création : 23/06/2015 • 12:00
Catégorie : - Articles-Musiciens
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