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Le musée Henner

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UNE VISITE AU MUSÉE JEAN-JACQUES HENNER

 

C’est une curieuse impression que l’on ressent lorsqu’on pousse la porte du 43, avenue de Villiers, où le visiteur a véritablement le sentiment d’entrer chez quelqu’un! Sentiment un peu identique d’ailleurs à celui que l’on peut éprouver dans notre arrondissement, lorsqu’on pénètre au musée Gustave Moreau.

C’est sans doute ce qu’ont ressenti aussi beaucoup d’adhérents de 9ème Histoire venus visiter le musée national Jean-Jacques Henner, par cette froide et belle après-midi du 26 janvier, site ouvert à nouveau après d’importants travaux de restauration. Impression confirmée par la présence dans le salon d’hiver d’une jeune artiste en résidence, Christelle Téa, notre arrivée l’incitant alors à regagner l’atelier qu’elle occupe pour une année au premier étage…

Notre guide, Amélie Borg, commence son intervention en retraçant rapidement l’histoire de ce lieu qui a pris son aspect actuel sous Haussmann, avec la création du quartier de la Plaine Monceau et l’ouverture notamment de l’avenue de Villiers, à proximité du parc, investie à l’époque par la haute bourgeoisie, de grands industriels mais aussi par les intellectuels et artistes.

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            Guillaume Dubufe par E. Friand - 1905                          Buste de  Jean-Jacques Henner par P. Dubois     

Cet immeuble fut en effet d’abord la résidence du peintre décorateur Guillaume  Dubufe (1853-1909), auteur de certains décors de plafonds du buffet de la gare de Lyon ou du foyer de la Comédie-Française. Cet artiste, très en vogue à la fin du XIXe siècle, achète cette résidence en 1878 et va la décorer à sa manière en mélangeant les styles comme le voulait le goût éclectique propre à cette époque. Le salon du rez-de-chaussée et son plafond à caissons de style Renaissance, en témoigne encore aujourd’hui. C’est également Dubufe qui recouvre d’une verrière le jardin pour le transformer en jardin d’hiver pour des réceptions ou des concerts (avec sa mosaïque au sol et une petite estrade au fond toujours en place). Le décor orientalisant de la salle à manger a cependant aujourd’hui disparu. Il fait aussi surélever d’un niveau supplémentaire sa résidence pour y créer un nouvel atelier et transforme celui du premier étage en chambre où subsistent encore les moucharabiehs de style ottoman. Le patio qui abrite l’escalier à balustres rappelle d’ailleurs le style de l’immeuble de Gaston Menier, non loin, que nous avions visité l’année dernière, siège aujourd’hui de l’Ordre national des pharmaciens.
Guillaume Dubufe menait donc grand train et recevait beaucoup. C’est ainsi qu’à plusieurs reprises Jean-Jacques Henner (1829-1905), avec qui il avait sympathisé, est son invité, alors que celui-ci habite plus modestement 41, rue La Bruyère.

C’est cependant un curieux concours de circonstances qui fait que cette résidence allait devenir un musée : la riche veuve du neveu de Jean-Jacques Henner, Marie Henner, l’achète en effet aux héritiers Dubufe en 1921 pour abriter les œuvres de son oncle qu’elle donne à l’État. Elle y réalise des travaux qui se poursuivront aussi après son ouverture en 1924, en ouvrant sur le jardin d’hiver le salon du rez-de-chaussée par cette colonnade en stuc que l’on voit aujourd’hui. C’est d’ailleurs cette partie qui a été rénovée en 2016. C’est ainsi que cette belle résidence est devenue au fil du temps un musée consacrée exclusivement à un artiste qui n’y a jamais habité ni même travaillé !

Notre guide allait alors consacrer sa visite à nous commenter l’œuvre de Jean-Jacques Henner, présente ici en nombre.

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La Comtesse Kessler                                                                                    Le rêve ou nymphe endormie                                    

Nous débutons ainsi avec le tableau représentant la comtesse Kessler placé au dessus de la petite cheminée au fond du salon d’hiver, qui illustre bien le talent de portraitiste d’Henner, puis dans le salon à colonnes, avec la statue réalisée par Dubois de la tête de l’artiste, réplique qu’on trouve également sur la façade en briques et pierres blanches de la propriété, avenue de Villiers. On voit également ici une sélection de quelques nus féminins aux poses alanguies (et à la chevelure rousse !), tableaux qu’il exécutera tout au long de sa carrière et qui ont fait sa réputation.

En montant à l’étage, notre guide évoque la carrière de Jean-Jacques Henner, alsacien originaire d’un village près d’Altkirch, qui monte à Paris à dix neuf ans pour rejoindre l’École des Beaux-arts. Une petite salle est d’ailleurs consacrée à ses premières années de peintre où il représente sa région avec des paysages aux couleurs contrastées mais surtout avec un bon nombre d’alsaciennes en tenue traditionnelle avec leurs coiffes à nœuds bleus autour du cou, en référence à la religion protestante à laquelle il appartient. On voit aussi encore là beaucoup de ses nymphes, ces femmes à la chair laiteuse et à la chevelure uniformément rousse, étendues au bord de calmes étangs… 

Après deux échecs, il réussit à obtenir le prix de Rome en 1858 avec son tableau Adam et Eve trouvant le corps d’Abel, dont le musée détient une esquisse.

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Il va alors être en résidence pendant cinq ans à la Villa Médicis et s’inspirera beaucoup des maîtres italiens. Il voyage dans le pays qu’il représente à travers de nombreux paysages regroupés dans une salle consacrée au séjour en Italie, où on voit que sa palette de couleurs s’élargit. Il envoie régulièrement des œuvres à l’Institut puis rentre en France et installe son atelier 11, place Pigalle, adresse qu’il partage avec Puvis de Chavannes.

C’est alors une période faste qui commence, où les commandes s’enchainent et où il participe régulièrement aux Salons. Il sera même élu à l’Institut en 1889. C’est cette période qui est illustrée dans la grande pièce dite du Salon rouge, premier atelier de Dubufe. Il réalise de nombreux portraits dont celui d’Augustine Durant, La dame au parapluie, présenté au Salon de 1874, dont l’expression fait penser à Mona Lisa, mais en bourgeoise plus modeste… C’est un autre chef-d’œuvre que nous fait découvrir ici notre jeune guide, Saint Sébastien (1888), représentant le corps livide du martyr dans une telle pénombre, qu’un de ses bras semble s’y perdre !

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La Dame au Parapluie (1874)                                            Saint Sébastien (1888)

Un critique mal intentionné dira même que le saint paraît « mangé par les chauves-souris »...

Sur un autre mur de cette salle se trouve le tableau LAlsace, elle attend, représentant une alsacienne au visage immobile et digne, en deuil de la France à laquelle elle n’appartient plus après la défaite de Sedan en 1871. C’est ce que rappelle la cocarde bleu blanc rouge que l’on distingue piquée sur la coiffe. Ce tableau, offert à Gambetta, opposé à l’abandon de l’Alsace-Lorraine, a pris à l’époque une véritable valeur d’icône et montre bien l’attachement du peintre à sa région d’origine.

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L'alsacienne avec coiffe et noeud bleu                         L'Alsace, elle attend

Dans une autre petite pièce à l’étage supérieur derrière les moucharabiehs du Salon rouge, figurent un certain nombre de dessins exécutés au fusain ou au crayon et qui montrent qu’Henner était également un grand dessinateur avec par exemple, Andromède, inspiré de la littérature antique.

La visite s’achève en grimpant au dernier étage, qui abrite un autre atelier avec une impressionnante hauteur de plafond et où se trouvent entreposés du matériel de peinture et des meubles ayant appartenu à Jean-Jacques Henner.

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La Vérité - 1902

On remarque également là des grandes esquisses ou des œuvres inachevées comme ce curieux tableau appelé La Vérité (1902) qui montre que l’artiste a totalement inversé le sens de celui-ci, en représentant une femme, d’abord allongée puis cachée par celle qui se dresse désormais verticalement ! C’est ici qu’on voit enfin le plus grand tableau du musée, Les naïades (1877), commande pour la décoration d’une salle à manger.

Les participants à cette instructive visite ont pu ainsi mesurer ce qui distinguait l’artiste des mouvements académiques de l’époque mais aussi de l’impressionnisme, en pleine expansion, dont l’ascendant était incontestable à la fin du XIXe mais que Jean-Jacques Henner n’a jamais rejoint, même s’il fréquentait Degas et surtout Manet.

L’Autoportrait présent ici, réalisé en 1877, montre d’ailleurs un homme de quarante-huit ans fier et sans doute finalement indifférent aux modes !

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Emmanuel FOUQUET
 

Information complémentaire: En raison du nombre de demandes insatisfaites concernant la visite du musée que nous avons organisée le 26 janvier, une nouvelle date sera programmée ultérieurement

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UNE VISITE AU MUSÉE JEAN-JACQUES HENNER

 

C’est une curieuse impression que l’on ressent lorsqu’on pousse la porte du 43, avenue de Villiers, où le visiteur a véritablement le sentiment d’entrer chez quelqu’un! Sentiment un peu identique d’ailleurs à celui que l’on peut éprouver dans notre arrondissement, lorsqu’on pénètre au musée Gustave Moreau.

C’est sans doute ce qu’ont ressenti aussi beaucoup d’adhérents de 9ème Histoire venus visiter le musée national Jean-Jacques Henner, par cette froide et belle après-midi du 26 janvier, site ouvert à nouveau après d’importants travaux de restauration. Impression confirmée par la présence dans le salon d’hiver d’une jeune artiste en résidence, Christelle Téa, notre arrivée l’incitant alors à regagner l’atelier qu’elle occupe pour une année au premier étage…

Notre guide, Amélie Borg, commence son intervention en retraçant rapidement l’histoire de ce lieu qui a pris son aspect actuel sous Haussmann, avec la création du quartier de la Plaine Monceau et l’ouverture notamment de l’avenue de Villiers, à proximité du parc, investie à l’époque par la haute bourgeoisie, de grands industriels mais aussi par les intellectuels et artistes.

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            Guillaume Dubufe par E. Friand - 1905                          Buste de  Jean-Jacques Henner par P. Dubois     

Cet immeuble fut en effet d’abord la résidence du peintre décorateur Guillaume  Dubufe (1853-1909), auteur de certains décors de plafonds du buffet de la gare de Lyon ou du foyer de la Comédie-Française. Cet artiste, très en vogue à la fin du XIXe siècle, achète cette résidence en 1878 et va la décorer à sa manière en mélangeant les styles comme le voulait le goût éclectique propre à cette époque. Le salon du rez-de-chaussée et son plafond à caissons de style Renaissance, en témoigne encore aujourd’hui. C’est également Dubufe qui recouvre d’une verrière le jardin pour le transformer en jardin d’hiver pour des réceptions ou des concerts (avec sa mosaïque au sol et une petite estrade au fond toujours en place). Le décor orientalisant de la salle à manger a cependant aujourd’hui disparu. Il fait aussi surélever d’un niveau supplémentaire sa résidence pour y créer un nouvel atelier et transforme celui du premier étage en chambre où subsistent encore les moucharabiehs de style ottoman. Le patio qui abrite l’escalier à balustres rappelle d’ailleurs le style de l’immeuble de Gaston Menier, non loin, que nous avions visité l’année dernière, siège aujourd’hui de l’Ordre national des pharmaciens.
Guillaume Dubufe menait donc grand train et recevait beaucoup. C’est ainsi qu’à plusieurs reprises Jean-Jacques Henner (1829-1905), avec qui il avait sympathisé, est son invité, alors que celui-ci habite plus modestement 41, rue La Bruyère.

C’est cependant un curieux concours de circonstances qui fait que cette résidence allait devenir un musée : la riche veuve du neveu de Jean-Jacques Henner, Marie Henner, l’achète en effet aux héritiers Dubufe en 1921 pour abriter les œuvres de son oncle qu’elle donne à l’État. Elle y réalise des travaux qui se poursuivront aussi après son ouverture en 1924, en ouvrant sur le jardin d’hiver le salon du rez-de-chaussée par cette colonnade en stuc que l’on voit aujourd’hui. C’est d’ailleurs cette partie qui a été rénovée en 2016. C’est ainsi que cette belle résidence est devenue au fil du temps un musée consacrée exclusivement à un artiste qui n’y a jamais habité ni même travaillé !

Notre guide allait alors consacrer sa visite à nous commenter l’œuvre de Jean-Jacques Henner, présente ici en nombre.

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La Comtesse Kessler                                                                                    Le rêve ou nymphe endormie                                    

Nous débutons ainsi avec le tableau représentant la comtesse Kessler placé au dessus de la petite cheminée au fond du salon d’hiver, qui illustre bien le talent de portraitiste d’Henner, puis dans le salon à colonnes, avec la statue réalisée par Dubois de la tête de l’artiste, réplique qu’on trouve également sur la façade en briques et pierres blanches de la propriété, avenue de Villiers. On voit également ici une sélection de quelques nus féminins aux poses alanguies (et à la chevelure rousse !), tableaux qu’il exécutera tout au long de sa carrière et qui ont fait sa réputation.

En montant à l’étage, notre guide évoque la carrière de Jean-Jacques Henner, alsacien originaire d’un village près d’Altkirch, qui monte à Paris à dix neuf ans pour rejoindre l’École des Beaux-arts. Une petite salle est d’ailleurs consacrée à ses premières années de peintre où il représente sa région avec des paysages aux couleurs contrastées mais surtout avec un bon nombre d’alsaciennes en tenue traditionnelle avec leurs coiffes à nœuds bleus autour du cou, en référence à la religion protestante à laquelle il appartient. On voit aussi encore là beaucoup de ses nymphes, ces femmes à la chair laiteuse et à la chevelure uniformément rousse, étendues au bord de calmes étangs… 

Après deux échecs, il réussit à obtenir le prix de Rome en 1858 avec son tableau Adam et Eve trouvant le corps d’Abel, dont le musée détient une esquisse.

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Il va alors être en résidence pendant cinq ans à la Villa Médicis et s’inspirera beaucoup des maîtres italiens. Il voyage dans le pays qu’il représente à travers de nombreux paysages regroupés dans une salle consacrée au séjour en Italie, où on voit que sa palette de couleurs s’élargit. Il envoie régulièrement des œuvres à l’Institut puis rentre en France et installe son atelier 11, place Pigalle, adresse qu’il partage avec Puvis de Chavannes.

C’est alors une période faste qui commence, où les commandes s’enchainent et où il participe régulièrement aux Salons. Il sera même élu à l’Institut en 1889. C’est cette période qui est illustrée dans la grande pièce dite du Salon rouge, premier atelier de Dubufe. Il réalise de nombreux portraits dont celui d’Augustine Durant, La dame au parapluie, présenté au Salon de 1874, dont l’expression fait penser à Mona Lisa, mais en bourgeoise plus modeste… C’est un autre chef-d’œuvre que nous fait découvrir ici notre jeune guide, Saint Sébastien (1888), représentant le corps livide du martyr dans une telle pénombre, qu’un de ses bras semble s’y perdre !

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La Dame au Parapluie (1874)                                            Saint Sébastien (1888)

Un critique mal intentionné dira même que le saint paraît « mangé par les chauves-souris »...

Sur un autre mur de cette salle se trouve le tableau LAlsace, elle attend, représentant une alsacienne au visage immobile et digne, en deuil de la France à laquelle elle n’appartient plus après la défaite de Sedan en 1871. C’est ce que rappelle la cocarde bleu blanc rouge que l’on distingue piquée sur la coiffe. Ce tableau, offert à Gambetta, opposé à l’abandon de l’Alsace-Lorraine, a pris à l’époque une véritable valeur d’icône et montre bien l’attachement du peintre à sa région d’origine.

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L'alsacienne avec coiffe et noeud bleu                         L'Alsace, elle attend

Dans une autre petite pièce à l’étage supérieur derrière les moucharabiehs du Salon rouge, figurent un certain nombre de dessins exécutés au fusain ou au crayon et qui montrent qu’Henner était également un grand dessinateur avec par exemple, Andromède, inspiré de la littérature antique.

La visite s’achève en grimpant au dernier étage, qui abrite un autre atelier avec une impressionnante hauteur de plafond et où se trouvent entreposés du matériel de peinture et des meubles ayant appartenu à Jean-Jacques Henner.

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La Vérité - 1902

On remarque également là des grandes esquisses ou des œuvres inachevées comme ce curieux tableau appelé La Vérité (1902) qui montre que l’artiste a totalement inversé le sens de celui-ci, en représentant une femme, d’abord allongée puis cachée par celle qui se dresse désormais verticalement ! C’est ici qu’on voit enfin le plus grand tableau du musée, Les naïades (1877), commande pour la décoration d’une salle à manger.

Les participants à cette instructive visite ont pu ainsi mesurer ce qui distinguait l’artiste des mouvements académiques de l’époque mais aussi de l’impressionnisme, en pleine expansion, dont l’ascendant était incontestable à la fin du XIXe mais que Jean-Jacques Henner n’a jamais rejoint, même s’il fréquentait Degas et surtout Manet.

L’Autoportrait présent ici, réalisé en 1877, montre d’ailleurs un homme de quarante-huit ans fier et sans doute finalement indifférent aux modes !

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Emmanuel FOUQUET
 

Information complémentaire: En raison du nombre de demandes insatisfaites concernant la visite du musée que nous avons organisée le 26 janvier, une nouvelle date sera programmée ultérieurement

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Date de création : 29/01/2017 • 08:25
Catégorie : - Echos du Terrain
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