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Exposition Bakst - mars 2017

Bakst_affiche.jpg
Costume pour une bacchante dans "Narcisse"



Dans l’univers de Léon Bakst :
des Ballets russes à la haute couture


 

Nous avons pu, mardi 28 février, pénétrer dans l’univers assez féerique de Léon Bakst en visitant, sous la conduite de son commissaire, Mathias Auclair, directeur du département musique de la BNF, l’importante exposition qui lui est consacrée jusqu’au 5 mars, à la bibliothèque musée un peu cachée de l’Opéra Garnier à l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance.

Mathias Auclair commence par rappeler que cet artiste, un peu oublié aujourd’hui, avait connu la célébrité dans les années 1900 en tant que costumier et décorateur, notamment des fameux Ballets russes qui allaient faire sensation à Paris. Il a été surtout un exemple remarquable de trait d’union entre l’art du XIXe siècle finissant et l’explosion artistique des premières années du XXe siècle.

Il est d’ailleurs assez étonnant de constater que ce fils d’un couturier, né en 1866 en lointaine Biélorussie, allait près d’un siècle plus tard, influencer à ce point les maîtres de la haute couture parisienne d’aujourd’hui, Yves Saint Laurent, Christian Lacroix ou Karl Lagerfeld, comme le montrent dans la dernière salle les extraits filmés de mannequins défilant mécaniquement …

Mathias Auclair allait évoquer alors pour nous le cheminement qui a conduit Bakst à gagner la France définitivement. Lev Rosenberg, de son premier nom qu’il abandonnera en 1889 au profit de Bakst en référence au nom de sa grand-mère, a montré très vite d’indéniables talents de créateur qu’il exercera d’abord aux Beaux-Arts de Saint-Petersbourg entre 1883 et 1886.

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Portrait d'Alice Garett crayon de Bakst (1923)                                                        Portrait de Léon Bakst jeune

Il rencontre dès 1890 au bord de la Baltique Serge Diaghilev pour lequel il a une fascination et qui vient de créer le groupe d’avant-garde « Le Monde de l’art » et se met à voyager en Europe. À Paris il suit les cours de l’académie Julian et fréquente l’atelier de Gérôme. Quelques œuvres de jeunesse sont d’ailleurs présentes dans l’exposition montrant déjà son penchant pour l’orientalisme et son goût de l’antique.

Après des fréquents séjours à Paris où il accompagne Diaghilev pour ses Ballets russes, il s’y installe de façon quasi permanente et travaille alors sur des décors et des costumes dont un certain nombre de maquettes sont présentes ici, comme celle de Shéhérazade à l’Opéra (1910) illustrant un Orient sensuel et coloré ou celle de Cléopâtre(1909)où transparaît son attirance vers l’antique. D’autres témoignent du souci de Bakst d’être proche des dernières découvertes archéologiques comme le décor du Dieu bleu (1912), et sa référence aux temples d’Angkor, ballet malheureusement mal accueilli. Les œuvres présentées montrent surtout la collaboration intense vécue avec le grand créateur de ballets : Le spectre de la Rose (1911), Daphnis et Chloé (1912), etc.

Mathias Auclair nous indique cependant que leur relation allait se dégrader car Diaghilev avait souvent quelques difficultés à lâcher les cordons de la bourse… Par ailleurs, un froid allait s’établir entre eux en raison de l’insuccès de la création de La Belle au Bois dormant à Londres en 1921, aux costumes pourtant somptueux, mais dont la raison tenait sans doute plus à la musique de Tchaikovski, jugée un peu difficile à l’époque.

Belle_BD_2.jpg  tutu du cygne.jpg
Dessin de costume de "La Belle au Bois Dormant"                                          Tutu d'Anna Pavlova dans "La Mort du Cygne" (1905)

L’exposition nous montre aussi que Bakst a travaillé avec les danseuses renommées du début du XXe siècle en leur confectionnant des magnifiques costumes de scène, comme celui d’Anna Pavlova dans La mort du cygne ou d’Ida Rubinstein dont la coiffe de Shéhérazade est présentée ici également. Celle-ci, chorégraphe et surtout mécène, allait d’ailleurs faire travailler Bakst au Châtelet pour différents spectacles comme Hélène de Sparte où elle tient le rôle titre en 1912.

Les nombreuses œuvres présentes dans l’exposition illustrent à merveille cet art foisonnant aux couleurs vives et aux contrastes opposant souvent le vert et le rouge, un peu marque de fabrique de Léon Bakst, comme l’érotisme fiévreux de ses modèles. Il en est ainsi de la bacchante de Narcisse (1912), couverture du programme des Ballets russes et aujourd’hui affiche de l’exposition de l’Opéra.

On peut admirer plus loin la superbe illustration du programme de l’après-midi d’un faune (1912) mettant en scène, telle une liane, Nijinski, avec lequel Bakst allait travailler ensuite dans les Ballets russes, puisque celui-ci avait pris la succession de Fokine comme chorégraphe.

170px-Bakst_Nizhinsky.jpg

Il était temps alors de s’intéresser à l’autre palette que l’artiste allait développer: les arts décoratifs auxquels il apporte sa richesse chromatique. Dans les petites salles du niveau supérieur, on peut ainsi admirer les motifs qu’il crée pour des tissus d’ameublement, de la vaisselle ou des flacons de parfums. Mathias Auclair précise qu’à cette époque l’artiste fréquente les salons à la mode comme ceux de la comtesse Greffulhe, où se rend également Marcel Proust, il est familier de Robert de Montesquiou ou de Jean Cocteau, personnages de la vie parisienne.

Il influence la mode du temps comme en témoigne le couturier Paul Poiret qui s’en inspire et il crée même des modèles de chapeaux ! Son rayonnement est grand après la guerre de 14-18, il tient un atelier où se rendent de jeunes artistes, avec par exemple, Marc Chagall comme élève, qui enverra le jour de la mort de Léon Bakst le 27 décembre 1924 à Paris, un télégramme (présent dans l’exposition) où celui ci pleure son « premier et inoubliable maître ».

Comme évoqué plus haut, c’est enfin dans la haute couture que son influence perdurera jusqu’à la fin du XXe siècle avec les emprunts que feront nos grands couturiers, de Saint Laurent à Galiano, et qui justifie le titre de cette première exposition monographique dédiée au « magicien des couleurs », comme l’a défini si bien Gabrielle D’Annunzio .

MA_FM.jpg
Mathias Auclair interviewé à France Musique en novembre 2016



Emmanuel FOUQUET
 

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Costume pour une bacchante dans "Narcisse"



Dans l’univers de Léon Bakst :
des Ballets russes à la haute couture


 

Nous avons pu, mardi 28 février, pénétrer dans l’univers assez féerique de Léon Bakst en visitant, sous la conduite de son commissaire, Mathias Auclair, directeur du département musique de la BNF, l’importante exposition qui lui est consacrée jusqu’au 5 mars, à la bibliothèque musée un peu cachée de l’Opéra Garnier à l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance.

Mathias Auclair commence par rappeler que cet artiste, un peu oublié aujourd’hui, avait connu la célébrité dans les années 1900 en tant que costumier et décorateur, notamment des fameux Ballets russes qui allaient faire sensation à Paris. Il a été surtout un exemple remarquable de trait d’union entre l’art du XIXe siècle finissant et l’explosion artistique des premières années du XXe siècle.

Il est d’ailleurs assez étonnant de constater que ce fils d’un couturier, né en 1866 en lointaine Biélorussie, allait près d’un siècle plus tard, influencer à ce point les maîtres de la haute couture parisienne d’aujourd’hui, Yves Saint Laurent, Christian Lacroix ou Karl Lagerfeld, comme le montrent dans la dernière salle les extraits filmés de mannequins défilant mécaniquement …

Mathias Auclair allait évoquer alors pour nous le cheminement qui a conduit Bakst à gagner la France définitivement. Lev Rosenberg, de son premier nom qu’il abandonnera en 1889 au profit de Bakst en référence au nom de sa grand-mère, a montré très vite d’indéniables talents de créateur qu’il exercera d’abord aux Beaux-Arts de Saint-Petersbourg entre 1883 et 1886.

Bakst_Chapeau.jpg    Bakst-jeune.jpg
Portrait d'Alice Garett crayon de Bakst (1923)                                                        Portrait de Léon Bakst jeune

Il rencontre dès 1890 au bord de la Baltique Serge Diaghilev pour lequel il a une fascination et qui vient de créer le groupe d’avant-garde « Le Monde de l’art » et se met à voyager en Europe. À Paris il suit les cours de l’académie Julian et fréquente l’atelier de Gérôme. Quelques œuvres de jeunesse sont d’ailleurs présentes dans l’exposition montrant déjà son penchant pour l’orientalisme et son goût de l’antique.

Après des fréquents séjours à Paris où il accompagne Diaghilev pour ses Ballets russes, il s’y installe de façon quasi permanente et travaille alors sur des décors et des costumes dont un certain nombre de maquettes sont présentes ici, comme celle de Shéhérazade à l’Opéra (1910) illustrant un Orient sensuel et coloré ou celle de Cléopâtre(1909)où transparaît son attirance vers l’antique. D’autres témoignent du souci de Bakst d’être proche des dernières découvertes archéologiques comme le décor du Dieu bleu (1912), et sa référence aux temples d’Angkor, ballet malheureusement mal accueilli. Les œuvres présentées montrent surtout la collaboration intense vécue avec le grand créateur de ballets : Le spectre de la Rose (1911), Daphnis et Chloé (1912), etc.

Mathias Auclair nous indique cependant que leur relation allait se dégrader car Diaghilev avait souvent quelques difficultés à lâcher les cordons de la bourse… Par ailleurs, un froid allait s’établir entre eux en raison de l’insuccès de la création de La Belle au Bois dormant à Londres en 1921, aux costumes pourtant somptueux, mais dont la raison tenait sans doute plus à la musique de Tchaikovski, jugée un peu difficile à l’époque.

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Dessin de costume de "La Belle au Bois Dormant"                                          Tutu d'Anna Pavlova dans "La Mort du Cygne" (1905)

L’exposition nous montre aussi que Bakst a travaillé avec les danseuses renommées du début du XXe siècle en leur confectionnant des magnifiques costumes de scène, comme celui d’Anna Pavlova dans La mort du cygne ou d’Ida Rubinstein dont la coiffe de Shéhérazade est présentée ici également. Celle-ci, chorégraphe et surtout mécène, allait d’ailleurs faire travailler Bakst au Châtelet pour différents spectacles comme Hélène de Sparte où elle tient le rôle titre en 1912.

Les nombreuses œuvres présentes dans l’exposition illustrent à merveille cet art foisonnant aux couleurs vives et aux contrastes opposant souvent le vert et le rouge, un peu marque de fabrique de Léon Bakst, comme l’érotisme fiévreux de ses modèles. Il en est ainsi de la bacchante de Narcisse (1912), couverture du programme des Ballets russes et aujourd’hui affiche de l’exposition de l’Opéra.

On peut admirer plus loin la superbe illustration du programme de l’après-midi d’un faune (1912) mettant en scène, telle une liane, Nijinski, avec lequel Bakst allait travailler ensuite dans les Ballets russes, puisque celui-ci avait pris la succession de Fokine comme chorégraphe.

170px-Bakst_Nizhinsky.jpg

Il était temps alors de s’intéresser à l’autre palette que l’artiste allait développer: les arts décoratifs auxquels il apporte sa richesse chromatique. Dans les petites salles du niveau supérieur, on peut ainsi admirer les motifs qu’il crée pour des tissus d’ameublement, de la vaisselle ou des flacons de parfums. Mathias Auclair précise qu’à cette époque l’artiste fréquente les salons à la mode comme ceux de la comtesse Greffulhe, où se rend également Marcel Proust, il est familier de Robert de Montesquiou ou de Jean Cocteau, personnages de la vie parisienne.

Il influence la mode du temps comme en témoigne le couturier Paul Poiret qui s’en inspire et il crée même des modèles de chapeaux ! Son rayonnement est grand après la guerre de 14-18, il tient un atelier où se rendent de jeunes artistes, avec par exemple, Marc Chagall comme élève, qui enverra le jour de la mort de Léon Bakst le 27 décembre 1924 à Paris, un télégramme (présent dans l’exposition) où celui ci pleure son « premier et inoubliable maître ».

Comme évoqué plus haut, c’est enfin dans la haute couture que son influence perdurera jusqu’à la fin du XXe siècle avec les emprunts que feront nos grands couturiers, de Saint Laurent à Galiano, et qui justifie le titre de cette première exposition monographique dédiée au « magicien des couleurs », comme l’a défini si bien Gabrielle D’Annunzio .

MA_FM.jpg
Mathias Auclair interviewé à France Musique en novembre 2016



Emmanuel FOUQUET
 

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Date de création : 03/03/2017 • 18:12
Catégorie : - Echos du Terrain
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