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Offenbach - mai 2019



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Affiche de la Vie Parisienne.
 



Jacques Offenbach,
une légende musicale du 9
e arrondissement


 


C’est devant une salle du Conseil comble que Jean-Philippe Biojout allait évoquer avec un grand talent le parcours de Jacques Offenbach à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, artiste qui, durant la majeure partie de sa vie, a fréquenté notre arrondissement et son pourtour, aussi bien par ses nombreux domiciles occupés que par les lieux de spectacles où se sont données ses œuvres.

Notre conférencier débute d’abord son propos en revenant aux origines de ce grand musicien. Au sein d’une famille juive de dix enfants, Jakob, septième enfant et deuxième garçon d’Isaac et Marianne Offenbach, nait en effet le 20 juin 1819 à Cologne.

Son père Isaac avait adopté le patronyme d’Offenbach, petite bourgade près de Francfort où lui-même était né. Il éduque alors son fils en lui faisant donner des leçons de français, marqué par le souvenir de Napoléon Ier qui avait envahi l’Allemagne lors de ses diverses conquêtes durant l’Empire. Jakob apprend également le violon dès l’âge de six ans puis le violoncelle à neuf ans et montre très vite des dons évidents pour la musique en composant déjà des chansons et des danses.


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Jacques Offenbach jeune - © Gallica-Bnf
 


Après avoir joué avec son frère Julius et sa sœur Isabella des airs populaires et des morceaux d’opéras dans divers cafés ou tavernes, Julius et Jakob sont envoyés par leur père en 1833 à Paris pour parfaire leur éducation musicale. En novembre de cette même année, Isaac présente ses deux fils qui ont francisé leurs prénoms, à Luigi Cherubini, l’austère directeur du Conservatoire. Celui-ci impressionné par le grand talent dont ils font déjà preuve les acceptent comme simples « auditeurs », alors que leur jeune âge et leur nationalité étrangère aurait dû leur interdire en principe l’accès, mésaventure survenue à Franz Liszt auparavant …  Mais ils n’auront pas le droit de se présenter au prestigieux Prix de Rome.

Leur père, rentré à Cologne laisse donc à Paris ses deux enfants qui bientôt logés dans une mansarde au 23 rue des Martyrs, subsistent avec les quelques revenus qu’ils gagnent d’abord en travaillant dans une synagogue, puis comme musiciens dans des théâtres du « Boulevard du crime » (ce qui est pourtant interdit par le sévère règlement du Conservatoire …). Si Jules se montre un élève sérieux et discipliné qui deviendra lui-même bientôt professeur de musique puis chef d’orchestre, Jacques plus jeune, s’ennuie rapidement et quitte le Conservatoire trop contraignant pour lui, au bout d’un an …
 


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L'Opéra Comique ca 1832.
 


Il trouve à 15 ans une place de violoncelliste à l’Opéra-Comique, situé à l’époque rue Vivienne, près de la Bourse. Il fait alors connaissance d’Halévy, déjà une « star », qui le prend sous sa coupe. Ses premières compositions sont données au Jardin Turc, boulevard du Temple bal populaire à la mode. Il écrit quelques morceaux d’une pièce Pascal et Chambord, pièce qui sera jouée au Théâtre du Palais-Royal et il acquiert à l’âge de 20 ans une renommée de violoncelliste virtuose. Puis il va adapter certaines Fables de La Fontaine qui ne seront cependant pas un grand succès.  Il va rencontrer en 1841 dans un salon la jeune Manuela Herminie d’Alcain d’origine basque avec laquelle il se fiance en 1843. Pour accepter ce mariage, la famille d’Herminie met deux conditions : la conversion de Jacques au catholicisme et un voyage de quelques mois à Londres pour y faire ses preuves et si possible fortune !  Ses talents de violoncelliste y sont vite remarqués, y compris par la reine Victoria.  À son retour à Paris, après avoir été baptisé, le mariage est célébré en l’église Saint-Roch, en août 1844. Le couple va alors habiter pendant 13 ans un petit appartement sombre à proximité de l’Opéra de la rue Le Peletier, au n°19 du passage Saulnier.
 


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Plan de Paris (1870) comportant les nombreuses implantations de Jacques Offenbach dans et à proximité du 9e - En rouge ses domiciles successifs, en bleu ses différents lieu d'activité.
 


C’est ce que nous montre notre conférencier après avoir dessiné à la main un plan (faute de pouvoir montrer la diapositive prévue !), où vont apparaitre ainsi les différents lieux fréquentés par le musicien.

Auparavant, en 1843, Offenbach avait fait jouer dans la grande salle Herz, rue de la Victoire, une de ses premières œuvres Le Moine bourru, mini opéra-bouffe parodiant le Notre-Dame-de-Paris de Victor Hugo. C’est alors le début de sa longue carrière de compositeur qu’il poursuit, par exemple, avec L’Alcôve donnée dans une salle au 18, rue de la Tour d’Auvergne en 1847, à défaut de l’Opéra-Comique.

S’il fuit Paris pendant les terribles journées de 1848 pour rejoindre Cologne, il regagne vite la capitale et le passage Saulnier, avec l’arrivée de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir.

Il présente alors sa candidature comme directeur musical de la Comédie-Française, poste assez lourd qu’il obtient en 1850 pour une durée de trois ans. En 1853, il compose Pépito pour le théâtre des Variétés, mais ce type de spectacle ne correspond pas au registre habituel des théâtres parisiens. Lors de l’Exposition Universelle de 1855, il obtient la reprise de la petite salle Lacaze au Champs-Elysées qui devient les Bouffes-Parisiens, pour pouvoir donner le nouveau genre de spectacle qu’il veut représenter : l’Opéra-Bouffe, à mi-chemin entre opéra et opérette, privilégiant la fantaisie ou le nonsense anglais.

Pour ne pas concurrencer l’Opéra ou l’Opéra-Comique il n‘a cependant pas l’autorisation de donner des spectacles de plus d’un acte et avec plus de quatre comédiens …. Offenbach trouve cependant une autre salle plus grande près du Passage Choiseul (600 places), à deux pas du nouvel Opéra-Comique de la rue Ventadour, dont il prend la direction en octobre 1855 en reprenant le nom des Bouffes-Parisiens, après des travaux de modernisation et après avoir démissionné de son poste de la Comédie-Française.
 

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Affiches d'Orphée aux Enfers de Jacques Offenbach.
 


Il va pouvoir y donner durant la saison d’hiver, la plupart des nombreuses compositions qu’il écrit sans relâche, y compris en utilisant d’autres patronymes, Ba-ta-clan en est le premier spectacle ! Sa gestion n’est cependant pas idéale car il dépense sans compter … C’est là qu’il va créer son grand succès en 1858 : Orphée aux enfers, production assez grandiose avec un galop final hérité du cancan, genre dont il n’était pas le créateur, comme nous le rappelle Jean-Philippe Biojout, le cancan ou chahut ayant été créé au Bal Mabille par Céleste Mogador dix ans auparavant.

Après avoir été naturalisé français en 1860, il abandonne la direction des Bouffes-Parisiens en 1862 pour donner libre cours à sa soif de nouvelles compositions. Il quitte d’ailleurs en 1855 son petit appartement du Passage Saulnier pour s’installer avec sa famille au 11, rue Lafitte.

Il profite aussi de la levée par Napoléon III des privilèges dont bénéficiaient les théâtres et peut donner librement ses grosses productions dans diverses salles qui feront sa célébrité. Le Papillon, son seul ballet, avait déjà pu être donné à l’Opéra de la rue Le Peletier en 1860 (spectacle qui verra la mort tragique un peu plus tard de sa danseuse, brulée gravement sur scène …) puis Barkouf à l’Opéra-Comique, un échec cependant.
 


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Affiches de La Belle Hélène et de La Grande Duchesse de Gerolstein de Jacques Offenbach.
 


C’est durant cette décade prodigieuse qu’Offenbach va pourtant écrire et donner dans d’autres grandes salles la plupart de ses grands succès : La Belle Hélène, au Théâtre des Variétés en 1864, puis Barbe-Bleue en 1866. Entretemps il avait donné en 1865 aux Bouffes-Parisiens dont il était redevenu le directeur artistique, Les Bergers.  En 1866 également il donne au Théâtre du Palais-Royal son opéra-bouffe en cinq actes La Vie Parisienne, immense succès !  En 1867, pour le Théâtre des Variétés à nouveau, il donne La Grande-Duchesse de Gérolstein, nouveau triomphe … Pour toutes ces œuvres, il va faire travailler pour la rédaction des livrets, Meilhac et Halévy.

En revanche, les premières représentations des La Périchole en 1868, toujours aux Variétés, semblent marquer une certaine lassitude du public devant ce genre de l’opéra-bouffe. Mais la richesse de la production des Brigands l’année suivante avec ses 24 rôles (!) contribue au succès de cette nouvelle œuvre dans la même salle.  


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Affiche de La Périchole                                                          Les Brigands dans une mise en scène de Jérôme Deschamps © Opéra Comique
 


Offenbach va quitter Paris fin 1869 pour gagner Nice quelques semaines. Au moment de la courte guerre avec la Prusse, c’est toute la famille qui va à San Sebastian en Espagne.
 

En 1872, Jacques Offenbach connaitra un nouveau grand succès au Théâtre de la Gaité cette fois ci, avec une production encore plus importante : Le Roi Carotte et ses 18 tableaux. Mais c’est encore un échec que connaît le compositeur avec une nouvelle tentative à l’Opéra-Comique en montant Fantasio d’après Musset (sept représentations seulement).

Les années 1870 seront marquées par beaucoup de reprises de ses succès des années 1860, dans les mêmes salles, avec toujours plus de magnificence. En 1873 il devient le directeur du théâtre de la Gaité mais s’endette en raison encore de productions trop coûteuses comme sa reprise d’Orphée aux enfers et ses 40 rôles (« production féérique » comme la qualifiera George Sand) ! Ce travers dépensier de la fin de sa carrière sera encore présent dans Le Voyage dans la lune, inspiré de Jules Verne qu’il donne dans ce théâtre avec un dromadaire sur scène …

Les dernières années de la vie d’Offenbach seront plus sombres. Ainsi la troisième Exposition Universelle à Paris en 1878 n’est pas l’occasion pour lui de connaître à nouveau le succès : on ne lui demande aucune production nouvelle ! Il écrit alors la partition, débutée en 1877, dans son grand cabinet de travail, au 8, boulevard des Capucines, de ses Contes d’Hoffmann qui ne seront donnés qu’après sa mort en 1880.
 


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J. Offenbach - Les Contes d'Hoffmann - Mise en scène de Robert Carsen - © Opéra de Paris.
 


Il connaîtra simplement encore un certain succès public aux Folies-Dramatiques, boulevard du Temple, avec Madame Favart en 1878, puis La Fille du tambour-major en 1879.

Jean-Philippe Biojout termine alors sa conférence, menée tambour battant et enrichie par beaucoup d’anecdotes, en montrant sa grande connaissance de l’œuvre et de la vie du compositeur, puis répond à quelques questions. Enfin, au moment du traditionnel pot de l’amitié, c’est avec plaisir qu’il va signer son livre sur le musicien, paru cette année dans l'excellente et riche collection Horizons consacrée aux musiciens, chez Bleu nuit éditeur dont il est d'ailleurs fondateur.
 


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Emmanuel FOUQUET
 


 


© 9ème Histoire - 2019


Date de création : 02/06/2019 • 11:38
Catégorie : - Echos du Terrain
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