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Tempêtes & Naufrages - le 21/06/2021 • 16:30 par EFo


© E. Fouquet 2021 - 9ème Histoire 2021


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F.V. Perrot - Sauvetage d'un bateau de pêche basbreton par le "Neptune" sur les côtes de Basse Bretagne - 1835 - © Musée des Beaux Arts de Nantes / Alain Guillard
 



TempÊtes et naufrages

de Vernet à Courbet


 


Par Emmanuel FOUQUET
 


Le musée de la Vie romantique nous invite jusqu’au 12 septembre à prendre le large par l’évocation du thème maritime de la tempête à travers une sélection d’œuvres (peintures, estampes, dessins mais aussi manuscrits et extraits littéraires et musicaux). Cette exposition avait été initialement prévue de novembre à mars (période où se produisent d’ailleurs les grandes tempêtes hivernales !) mais a été repoussée de plusieurs mois à cause de la fermeture des musées cet hiver en raison d’un certain virus …
En l’organisant, la directrice de ce charmant musée, Gaëlle Rio, a voulu montrer que les déchaînements de l’océan et ses conséquences tragiques, les naufrages, peuvent parfaitement refléter les tourments de l’âme romantique, courant artistique présent dès la fin du XVIIIe siècle et une bonne partie du XIXe siècle.

Dès l’entrée, dans l’ancien atelier où Ary Scheffer recevait régulièrement les principaux artistes de son époque, le visiteur est plongé dans l’ambiance. La scénographie y contribue d’ailleurs beaucoup avec, par exemple, la transformation des baies vitrées en hublots de bateaux ou un peu plus loin avec la pose de frises en papier peint représentant des galions pris dans la tempête ! 

La première partie de l’exposition s’attache à rechercher les sources de la représentation de la tempête qui remontent au XVIIIe siècle ou même bien avant, comme l’illustre un tableau de Rubens. Mais c’est Joseph Vernet, peintre de marines au temps de Louis XV, qui illustre le mieux l’atmosphère d’apocalypse que suscite la tempête et les drames qui l’accompagnent, ainsi que le montre avec une grande précision son tableau Naufrage. Un autre tableau, de Jean Jacques Monanteuil peint en 1820, représentant une scène de déluge, est caractéristique du souci de dramatisation propre au début du XIXe siècle, préfigurant le Radeau de la Méduse de Géricault, dont une esquisse déjà bien aboutie est présentée dans une autre salle. C’est également l’angoisse qui transparaît dans le tableau d’Ary Scheffer, La Tempête, peint à la même époque et montrant depuis la côte un petit groupe de personnes terrorisées devant la mer en furie.
Impossible de ne pas faire allusion, ici, à Chateaubriand, natif de Saint-Malo et enterré face au large sur l’îlot du Grand Bé, à travers une édition originale de ses Mémoires d’outre-tombe où celui-ci évoque les fortes tempêtes hivernales.

 


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h. Géricault - Le Radeau de la Méduse esquisse Bessaonneau - 1818/1819 - © Musée des Beaux-Arts d'Angers.
 


Dans la petite pièce attenante à l’atelier, la tempête apparaît d’ailleurs comme une véritable source d’inspiration littéraire avec des pages manuscrites de la célèbre œuvre de la fin du XVIIIe siècle de Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie relatant un naufrage et qui va donner ensuite matière à une riche iconographie. Mais Victor Hugo est bien sûr le grand représentant de cette inspiration. Sous vitrines, le visiteur peut découvrir ainsi des pages des Travailleurs de la mer et des dessins de sa propre main, qui démontrent son excellente connaissance du milieu marin, pour avoir connu un exil d’une vingtaine d’années à Jersey et Guernesey.   

On accède à la deuxième partie de l’exposition après avoir traversé la cour et être descendu dans l’atelier où Scheffer travaillait, parcours habituel des expositions organisées au musée de la Vie romantique. C’est le spectacle de la tempête en pleine mer auquel on assiste alors en contemplant les nombreuses toiles présentes. L’accent est d’ailleurs mis sur une différence notable avec la période précédente : la tempête et les naufrages qu’elle occasionne ne sont plus montrés depuis la côte mais dans le cadre d’une véritable « mer spectacle » que les artistes mettent en scène comme le dit aussi Victor Hugo dans une phrase figurant en frontispice dans cette salle : « nous autres gens de la terre ferme, nous ne nous figurons pas une tempête sans navire en détresse et sans naufrage … ».
 


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William Turner  -  Waves breaking on a shiore - 1835  - © Gallerie Tate Britain.
 


William Turner, qui se serait même attaché au mât d’un navire pour mieux appréhender la tempête pour un de ses tableaux (légende paraît-il !), et les peintres de marine, Théodore Gudin et Eugène Isabey, sont bien dans cette illustration dramatique, comme l’est également Louis Garneray, peintre et écrivain, véritable aventurier des mers lorsqu’il naviguait avec Surcouf.

On note la place importante accordée ici à un peintre méconnu de nos jours, Paul Huet, surnommé de son temps le « Delacroix du paysage » (ils étaient d’ailleurs amis).  Plusieurs de ses tableaux sont en effet présents là dont La barque en danger et Les brisants à la pointe de Granville. Boudin, le peintre de Honfleur et de Deauville qui commença par être mousse ou Jongkind, ont une vision un peu plus libre dans le traitement de la mer déchainée, ce qui est aussi le cas de Courbet dans un style déjà plus naturaliste, son tableau La Trombe montrant bien en effet la sauvagerie des éléments et de son décor.    

La dernière salle en remontant au rez-de-chaussée insiste encore un peu plus sur l’ambiance dramatique générée par les naufrages, avec leurs épaves et leurs cadavres échoués. Le thème des naufrageurs guettant leurs proies sur la côte est particulièrement présent ici car apprécié par les romantiques au moment même où va s’organiser le sauvetage en mer pour lutter contre ces pratiques. Les tableaux d’Isabey et Berthelémy en sont l’illustration mais aussi le spectaculaire grand format Vue des falaises de Houlgate de Paul Huet encore, représentant des pêcheurs portant sur la plage le cadavre d’une femme échouée.
Le tableau de
Feyen-Perrin Après la tempête montrant en gros plan sur la grève une femme noyée, accentue encore le caractère morbide de ces scènes de catastrophe. Comment ne pas citer non plus l’étonnant tableau de Jules Garnier L’épave, avec pour sujet une femme nue dans une attitude de pose assez improbable pour une noyée, entourée d’indigènes n’en croyant pas leurs yeux !
 


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Paul Huet - 1863 - Vue des Falaises de Houlgate - © Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.
 

L’exposition se termine sur l’évocation du thème de la veuve éplorée et de l’orphelin, illustré notamment par Ary Scheffer, le drame romantique fait alors place au pathétique, voire au mélodrame …  

Une bien belle exposition à voir cet été, et même à écouter dans les deux petits espaces discrets aménagés pour entendre une sélection d’extraits musicaux et de textes littéraires lus par Guillaume Gallienne de la Comédie-Française.  
 


© E. Fouquet 2021 - 9ème Histoire 2021
 


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Musée de la Vie romantique
Hôtel Scheffer-Renan
16, rue Chaptal – 75009 PARIS
Tél. 01.55.31.95.67

Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h.

Réservations recommandées

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