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La collection Morozov - le 27/02/2022 • 12:00 par APo

© H.Tannenbaum 2022 - © 9ème Histoire 2022
 


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Vlaminck - Vue de la Seine -  1906  - © Musée de l'Ermitage St Petersbourg.
 


UNE PARTIE DES COLLECTIONS DES FRÈRES MOROZOV ENCORE À PARIS
(FONDATION LOUIS VUITTON)
JUSQU’AU 3 AVRIL

 


Boudées par leurs contemporains, éreintées par les critiques de l’époque, des peintures de Corot, Manet, Monet, Renoir, Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Picasso, Degas, Bonnard, Matisse, Pissarro, Toulouse-Lautrec, Sisley, Denis, Marquet, Vlaminck, Derain, Valtat, et autres grands artistes français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, ont séduit entre 1899 et 1917 deux richissimes collectionneurs russes formés à l’art (héritiers d’un empire industriel textile créé par leur grand-père), les frères Mikhaïl (1870-1903) et Ivan (1871-1921) Morozov.

Tous leurs biens, leurs somptueux palais (1) et leurs collections furent nationalisés par l’État russe en 1918. A sa mort, en 1903, Mikhaïl possédait 39 œuvres d’art moderne occidentales et 44 russes, qu’il demanda à sa veuve de léguer à ses amis de la galerie municipale moscovite Trétiakov (créée en 1892), ce qu’elle fit en 1910. Mikhaïl fit découvrir Van Gogh aux Russes. Ivan prit la relève en 1903 et put rassembler avant la Révolution pas moins de 430 œuvres d’art moderne russes et 240 françaises. On peut en voir une partie actuellement à la Fondation Louis Vuitton (exposition prolongée jusqu’au 3 avril). C’est une opportunité très rare. On n’a jamais assez de temps pour se pencher sur toutes les œuvres de qualité exposées au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg ou au musée Pouchkine (2) de Moscou …et M. Poutine risque de ne pas être toujours si généreux à l’avenir pour les laisser sortir.
 


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Valentin Serov  - Portrait d'Ivan Abramovitch Morozov  -  Moscou 1910  -  © Galerie Tretiakov Moscou.
 


Cette exposition, qui nous propose 170 œuvres, organisée par Anne Baldassari, vient compléter celle qu’elle avait réservée en 2017 à la collection d’un autre industriel du textile (richissime, philanthrope et moscovite), leur ami Sergueï Chtchoukine (de l’avis général avec des œuvres plus prestigieuses, qui ont reçu 1,3 million de visiteurs…). Les deux expositions sont dédiées aux « Icônes de l’Art Moderne ». On y découvre aussi des sculptures de Rodin et Maillol. Une part très importante est donnée à des œuvres de contemporains russes talentueux, que l’on sent sous influence et qui côtoient nos grands noms sans les égaler : Korovine et Sérov (qui seront des conseillers à l’achat des deux frères) mais aussi les grands Malévitch, Vroubel, Répine, Outkine, Sarian, etc. Les frères Morozov, bien plus que Chtchoukine, tenaient à faire connaître l’avant-garde russe et ces œuvres  (présentées aujourd’hui à la galerie Trétiakov), étaient exposées au rez-de-chaussée de leurs palais, visibles de tous. Les œuvres françaises étaient à l’étage, réservées aux initiés.  

Les « collections Morozov » ont connu beaucoup d’aventures avant d’enrichir l’Ermitage et le Pouchkine. Il y eut des tentatives de vente sur le marché international : « Le Café de nuit » (1888) de Van Gogh et « Le portrait de Madame Cézanne » (1891-1892) partirent aux États-Unis. C’est en 1928, dans l’ex-palais d’Ivan, où fut installé le Musée national d’art moderne occidental (GMNZI, créé en 1923), que les collections Morozov seront présentées dans un premier temps à côté des collections Chtchoukine. En 1938, elles furent interdites au public pour des raisons idéologiques…
 


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Valentin Serov  -  Portrait de Mikhail Abramovitch Morozov  - 1902  -  © Galerie Tretiakov Moscou.
 

Pendant la deuxième Guerre mondiale, les collections furent mises à l’abri à Novossibirsk, en Sibérie. Après la guerre, en 1947, sur ordre de Staline, le musée d’art moderne occidental fût « liquidé » et les œuvres occidentales furent réparties entre le musée de l‘Ermitage de Saint-Pétersbourg et le musée des Beaux-Arts Pouchkine de Moscou ; mais elles ne seront présentées au public qu’après le « dégel » de 1950…Elles sortiront de leurs écrins difficilement et au compte-goutte par crainte notamment d’une demande de restitution des héritiers…  C’est la première fois qu’elles sont présentées hors de Russie et un décor de fond léger grisé les resitue dans leur jus d’époque, sur les murs des deux frères. 
 


170 CHEFS D’ŒUVRE
 


Les œuvres vedettes de l’exposition sont incontestablement la marine de Vincent Van Gogh, rare petit format du peintre consacré à la mer (« La mer aux Saintes-Maries », 1888, Moscou) et sa « Ronde des prisonniers » de Saint-Lazare, (1890, Moscou). Pablo Picasso est présent avec trois toiles exceptionnelles : « Les deux saltimbanques » (1901, Moscou), « Acrobate à la boule » (1905, Moscou) et un portrait cubiste d’Antoine Vollard (1910, Moscou).

Une salle entière a été consacrée à « Gauguin en Polynésie » avec 13 toiles magnifiques (venues de Moscou et Saint-Pétersbourg), et en bonus un chef d’œuvre provençal :  le « Café à Arles » (1888, Moscou). Cézanne (18 numéros) et Matisse méritent qu’on prenne beaucoup de temps. Comme Monet, avec son « Boulevard des Capucines », (1873, Moscou), son « Étang à Montgeron » (1876, Saint-Pétersbourg), son « Coin de jardin à Montgeron » (1876, Saint-Pétersbourg). Les Morozov ont choisi de très belles pièces qui nous sont peu connues. Personnellement j’ai été aussi ravie par des Sisley et des Derain inconnus.

Le « nabi » Maurice Denis (panneaux, 1908) et Aristide Maillol (quatre sculptures, 1910-1911) ont eu un cadeau exceptionnel avec la reconstitution (grâce au mécénat de la Fondation Louis Vuitton) des décors gigantesques évoquant l’histoire de Psyché créés pour l’immense salon de musique du palais d’Ivan Morozov.

Allez découvrir tout cela. Nous restons impressionnés par la clairvoyance de ces philanthropes russes qui ont permis d’écrire une page de l’histoire de l’art français à Moscou, développé la culture de leurs jeunes artistes et ouvert les yeux et le goût du monde entier.
 


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Paul Cézanne  -  Paysage. Montagne Sainte-Victoire  Aix-en-Provence   -  ca 1896 -1898 -  © Musée national de l'Ermitage St Petresbourg
  
 




Anick PUYÔOU

 


(1) Ivan a fait construire un palais somptueux rue Pretchistenka et Mikhaïl un hôtel particulier dans le style hispano-mauresque (devenu La Maison de l’amitié des peuples du temps de l’URSS) boulevard de Smolensk, au centre de Moscou. Leur père recevait Tchékhov, Bororykine, Korolenko, etc dans son hôtel particulier de la rue Vozdvijenka (ancien palais des princes Dolgorouki). Une pièce jouée au Théâtre Maly en 1897, intitulée « Le gentleman », s’inspirant de Mikhaïl Morozov, de ses excès et de sa passion de collectionneur, fit jaser tout Moscou…

(2) Créé en 1912, le Musée Alexandre III deviendra le Musée Pouchkine, en hommage au poète, en 1937. Il compte 670 000 œuvres, dont des trésors archéologiques pris en Allemagne après la guerre et dont la R.FA. demande la restitution. Une partie des collections Chtchoukine et Morozov ont été transférées de l’Ermitage à Pouchkine.

 

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FONDATION LOUIS VUITON

8, avenue du Mahatma Gandhi
Bois de Boulogne
75116 Paris

Jusqu'au 3 avril 2022
 

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